Dodge Omni 024 et Plymouth Horizon TC3 : d’économiques à très épicés!

Publié le 6 avril 2024 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

Ces coupés traction avant produits par Chrysler sont tombés dans un oubli total. Pourtant, ils ont connu dans les années 80 un très joli succès commercial et quelques versions sont encore dignes d’attention. Que s’est-il passé?

La fin des années 70 est une gigantesque soupe à la grimace pour Chrysler : les caisses sont vides, les Plymouth Volare et Dodge Aspen ont obtenu un record de rappels et la compagnie a dû vendre ses divisions européennes à Peugeot en 1978 afin de récupérer des fonds. Pour arranger le tout, le second choc pétrolier éclate au printemps 1979. Il y a seulement deux rayons de soleil à ce moment pour Chrysler. Le premier est l’arrivée le 2 novembre 1978 de Lee Iacocca à la tête de la firme. Ancien président de Ford (il a été remercié par Henry Ford II lui-même), il va réorganiser Chrysler, qui en avait bien besoin, lancer des produits clés et mener la campagne auprès du Congrès américain pour décrocher un prêt garanti de 1,5 milliard. Le second est l’introduction réussie des Dodge Omni et Plymouth Horizon en novembre 1977 pour le millésime 1978. Parfois surnommé Omnirizon, il s’agit d’un duo de traction avant moderne conçu conjointement avec l’Europe. Pour Chrysler USA, c’est une avancée importante puisqu’au-delà du succès commercial (1,66 million d’exemplaires en 13 ans), la traction avant était une technologie inconnue et qu’elle sera un élément décisif pour convaincre les politiciens américains d’allouer des fonds pour la survie de l’entreprise, survie passant par le développement des K-Cars : les Dodge Aries et Plymouth Reliant.

Photo: Chrysler

Collaboration américano-européenne

À cette époque, la majorité des modèles ont encore des versions deux portes et les coupés sont populaires sur le marché nord-américain. Chrysler profite de la plateforme L des Omnirizon pour développer des coupés à moindre coût. Si l’empattement est raccourci (voir tableau des dimensions ci-dessous), l’ensemble des composants mécaniques provient des berlines 5 portes : moteur 1,7 litre fourni par Volkswagen (70 chevaux 5 200 tr/min et 85 lb-pi à 2 800 tr/min), boîte manuelle à 4 rapports Volkswagen ou automatique à 3 rapports (Torqueflite A404) Chrysler, train avant McPherson et essieu arrière à bras tirés, freins à disque à l’avant et tambour à l’arrière ainsi que la direction à crémaillère. À l’intérieur, la planche de bord est similaire mais les cotes d’habitabilité sont évidemment différentes (voir ci-dessous).

Plymouth Horizon TC3 1979

Plymouth Horizon 5 portes

Empattement (mm)

2 456

2 520

Longueur (mm)

4 388

4 186

Largeur (mm)

1 676

1 681

Hauteur (mm)

1 306

1 364

Dégagement à la tête avant (mm)

952

972

Dégagement à la tête arrière (mm)

882

949

Dégagement aux jambes avant (mm)

1 079

1 067

Dégagement aux jambes arrière (mm)

726

837

Dégagement aux épaules avant (mm)

1 336

1 336

Dégagement aux épaules arrière (mm)

1 172

1 330

Dégagement aux hanches avant (mm)

1326

1313

Dégagement aux hanches arrière (mm)

1292

1308

Volume de coffre banquette arrière relevée (L)

303

297

Volume de coffre banquette arrière rabattue (L)

957

1022

Poids à vide (kg)

1023

996

Lors de leur présentation en octobre 1978 pour le millésime 1979, les coupés sont baptisés Dodge Omni 024 et Plymouth Horizon TC3. Les noms sont choisis pour clairement montrer la filiation avec les berlines 5 portes alors que les suffixes 024 et TC3 n’ont aucune signification particulière si ce n’est de sonner cool (et encore…). Esthétiquement, les deux autos sont très proches et ne se distinguent que par leur calandre (cinq entrées sur la Plymouth et six sur deux colonnes pour la Dodge) et leurs feux arrière. D’ailleurs, elles sont vendues exactement aux mêmes prix des deux côtés de la frontière : 4 482 USD et 5 076 CAD. Pour chacune des deux, il n’existe qu’une version de base. L’équipement de série est logiquement chiche pour des véhicules à vocation économique : essuie-glace électrique à deux vitesses, radio AM/FM, sièges baquets à l’avant, volant à trois branches. Évidemment, les options ne manquent pas : boîte automatique, becquet arrière, climatisation, console centrale, ensembles Sport ou Rallye (au Canada), vitres teintées, roues en aluminium, galerie de toit, toit ouvrant, direction et freins assistés ainsi que la suspension sport.

Photo: Chrysler

L’accueil de la presse est mitigé. D’un côté le style, la tenue de route, l’habitabilité (même aux places arrière) sont dans la colonne des points positifs tandis que la puissance, la position de conduite, le manque de support latéral des sièges et la qualité de finition sont dans celle des points négatifs. Dans son édition 1979, le Guide de l’auto conclut son essai par ces mots : « L’essai d’un modèle entièrement équipé, y compris la suspension optionnelle, m’a laissé plutôt frustré car, la voiture tenant remarquablement la route, elle pourrait facilement accepter une trentaine de chevaux supplémentaires. En fait, je me suis senti comme dans un Go-Kart, avec le pied enfonçant à fond la pédale d’accélérateur tout le long du circuit, sans jamais risquer de perdre le contrôle de la voiture. S’il est tout à fait acceptable dans les sedans, à vocation plus familiale, le quatre cylindres d’origine Volkswagen est complètement étouffé dans les coupés qui, avec plus de 2 200 livres, pèsent encore plus lourd que les sedans! Alors, oublions les performances. (…) C’est dommage, parce que, par leur définition même, ces voitures auraient pu concurrencer des Honda Accord ou des Volkswagen Scirocco, dont les prix actuels, handicapés par le taux de change du dollar canadien, ne sont plus à la portée de toutes les bourses. Ceci dit, si vous entendez rouler à 55 milles à l’heure, faire des concours d’économie d’essence, mais donner l’impression de rouler en voiture « sport », les Omni 024 ou Horizon TC3 peuvent être votre choix ».

Photo: Chrysler

Effectivement, beaucoup vont faire ce choix puisque plus de 120 000 coupés de la plateforme L seront produits pour leur première année (voir tableau ci-dessous). Enfin des bonnes nouvelles!

Les copains d’abord

Pour 1980, Chrysler veut tenter d’allumer la flamme sportive. Pour cela, la TC3 reçoit l’ensemble Turismo (encadrement des vitres noir et roues en alliage). La 024 bénéficie quant à elle de l’ensemble De Tomaso qui promet, selon le catalogue américain, d’être « le premier coupé sport américain dans la tradition sportive européenne ». Alejandro De Tomaso est un Argentin expatrié en Italie. Il a fondé sa compagnie automobile à Modène en 1959 et a rencontré Lee Iacocca à la fin des années 60 lors du développement de la De Tomaso Pantera. Il s’agit d’un coupé exotique propulsé par un moteur Ford introduit en 1971 et vendu en Amérique du Nord par le réseau Lincoln-Mercury. Les deux hommes deviendront amis (puis se brouilleront suite au projet de la Chrysler TC by Maserati, une marque achetée par De Tomaso en 1975). Le nom De Tomaso porte un certain cachet et Lee Iacocca est prêt à tout pour faire parler de ses autos (y compris d’apparaître dans des publicités à la télévision). L’option comprend des ailerons avant et arrière, des élargisseurs d’ailes, des persiennes sur les vitres arrière, une bande décorative en acier brossé sur le pilier arrière, des bas de caisse noirs, la suspension sport, des pneus 185/70R13, le volant et le levier de vitesses en cuir. Car and Driver déclarera : « Il s’agit de l’engin le plus proche d’une Scirocco construite en Amérique ». Malheureusement, les autos doivent toujours composer avec le 1,7 litre Volkswagen dont la puissance est passée à 65 chevaux. Pour compenser un peu, le rapport de pont est raccourci de 3,05:1 à 3,51:1. Les De Tomaso resteront cependant très rares : 1 333 exemplaires en 1980 et seulement 619 en 1981.

Photo: Chrysler

Le millésime 1981 apporte une première bonne nouvelle pour les amateurs de sportivité. En effet, le 4 cylindres 2,2 litres conçu pour les K-Cars est ajouté au catalogue. Il développe 86 chevaux à 4 800 tr/min et 112 lb-pi à 2 800 tr/min. Disponible en option, il est installé d’office dans de nouvelles versions présentées en cours d’année : les Dodge Charger 2.2 et Plymouth Turismo 2.2. Elles reprennent le châssis sport de la De Tomaso mais avec des attributs esthétiques différents (notamment une entrée d’air additionnelle non fonctionnelle sur le capot). Toujours en cours de millésime, une autre version est ajoutée tout en bas de la gamme : la Miser (ou Économe au Québec). Visant avant tout l’économie, elle vient avec un équipement réduit et un rapport de pont allongé de 2,6:1. Heureusement, le moteur VW est remonté à 70 chevaux… Parmi les autres changements, les noms Horizon et Omni sont retirés (ils reviendront au Canada en 1982) et il ne reste que 024 et TC3. Mais le marché est déprimé suite au second choc pétrolier et la production de 1981 descend à un peu plus de 72 000 exemplaires.

Photo: Chrysler

Pas d’évolutions notables pour l’année modèle 1982 à part le lancement d’une nouvelle variante sur la plateforme L : le Dodge Rampage, traité dans un article séparé. Ce qui n’est pas le cas pour 1983! Tout d’abord, les noms changent : fini Omni, 024, Horizon et TC3, les coupés deviennent Dodge Charger et Plymouth Turismo. La partie mécanique est également révisée. Le 1,7 litre Volkswagen est remplacé par un 1,6 litre fourni par Peugeot (64 chevaux à 4 800 tr/min et 88 lb-pi à 3 200 tr/min) alors que le 2,2 litres Chrysler monte à 97 chevaux à 5 200 tr/min et 117 lb-pi à 3 200 tr/min. Disponible en option sur les modèles de base (les Miser / Économe ont disparu), il vient de série sur les Charger 2.2 et Turismo 2.2, tout comme la nouvelle boîte manuelle à 5 rapports.

Photo: Chrysler

Au cours de ce même millésime, Lee Iacocca fait appel à un autre de ses amis : Carroll Shelby, Monsieur Cobra lui-même. Les deux hommes se sont rencontrés au début des années 60 alors que Shelby avait besoin d’un V8 pour son projet sur base d’AC Ace. Ils vont forger une solide amitié, notamment à travers le programme de la Ford GT40 victorieuse aux 24 Heures du Mans de 1966 à 1969. C’est Iacocca qui demandera à Shelby de transformer la pas très performante Mustang en bête de piste en 1965. Après la fermeture de ses opérations en janvier 1970, Shelby s’éloignera plus ou moins du monde de l’auto, avant que Iacocca ne le rappelle en 1982. La première voiture à laquelle il s’attaquera sera justement la Charger. Contrairement à la De Tomaso, les modifications ne sont pas qu’esthétiques. Le 2,2 litres est revu (taux de compression passant de 9,0:1 à 9,6:1, arbre à cames revu, électronique recalibrée) et parvient à délivrer 110 chevaux à 5 600 tr/min et 127 lb-pi à 3 600 tr/min. Le reste est l’avenant : rapports de boîte raccourcis, direction plus directe, ressorts et amortisseurs 40% plus fermes, échappement plus libre et disques ventilés à l’avant. L’extérieur n’est pas oublié avec une nouvelle calandre, un aileron avant, des roues en aluminium de 15 pouces et des pneus Goodyear Eagle GT, des bas de caisse, des vitres arrière obscurcies, une peinture grise avec des accents bleus et des logos Shelby. Enfin, l’intérieur reçoit un compte-tours gradué jusqu’à 7 000 tr/min et pédalier revu pour faciliter le talon-pointe. Dans son édition 1984, le Guide de l’auto écrit : « Une fois installé derrière le volant de cette Shelby, on se rend compte qu’elle tient toutes ses promesses, tant au chapitre de la performance que de la tenue de route. En dépit de l’imprécision du levier de vitesses et de sa résistance, on réussit à faire de bons chronos et le moteur monte allégrement jusqu’à 6 000 tr/min. Même si l’on sent un effet de couple dans le volant lors d’accélérations brutales, les choses demeurent passablement sous contrôle. Grâce à un système de freinage bien équilibré et puissant, à une direction très agréable et précise et à une tenue de route qui nous permet de négocier la plupart des virages sans lever le pied, la Shelby mérite son titre de sportive. » Et le meilleur reste encore à venir… Malgré un prix conséquent (+35% par rapport à un modèle de base), le modèle va connaître un joli petit succès commercial.

Photo: Chrysler

Turbo et Turbo II!

Les vedettes de l’année chez Chrysler sont les coupés Dodge Daytona et Chrysler Laser (vendu par Plymouth au Canada), basés sur la plateforme K des Aries/Reliant. On aurait pu penser que les Charger et Turismo auraient cédé leurs places car ils feraient alors doublon dans la gamme. En fait, les nouveaux modèles sont sensiblement plus chers (10 299 CAD pour une Laser de base contre 7 705 CAD pour une Turismo de base) et ils s’adressent à des clientèles différentes. Ils seront proposés simultanément dans les concessions durant 4 ans. Malgré cette concurrence interne, les coupés sur plateforme L voient leur production augmenter.

Cependant, les Charger et Turismo ne sont pas délaissés. Ils reçoivent des devants avec une calandre redessinée et quatre phares (la Shelby reste inchangée), la vitre arrière est obscurcie, comme sur la Shelby, et les feux arrière sont revus. L’intérieur est retouché et bénéficie d’une nouvelle planche de bord avec une instrumentation complète. Le moteur à haute performance de la Shelby est disponible en option sur la Charger 2.2 (il n’est pas offert chez Plymouth), rendant la version du préparateur texan un peu moins attirante.

Photo: Chrysler

C’est pour cela que Shelby va revenir à la charge (c’est le cas de le dire) pour 1985 en installant sous le capot (bombé pour l’occasion) le 2,2 litres turbo des Laser / Daytona. Grâce à son turbo Garrett AiResearch T3 et une gestion revue de la soupape de décharge, il développe 146 chevaux. La partie technique est modifiée pour accueillir ce surplus de puissance : plus gros freins à l’arrière, boîte de vitesses renforcée, plus gros pneus (205/50VR15), suspension recalibrée et assistance de direction ajustée. À l’intérieur, les sièges offrent plus de soutien latéral. Au Guide de l’auto, on apprécie : « La Shelby n’effectue pas que des départs foudroyants, sa tenue de route mérite des commentaires élogieux surtout si l’on tient compte des origines passablement modestes de ce modèle ». Ajoutez à cela de nouvelles couleurs et vous comprenez que Shelby arrive à maintenir l’attention sur son coupé. Chez Plymouth, le bloc de 110 chevaux est dorénavant de série dans la Turismo 2.2 en version manuelle (l’automatique conserve celui de 98 chevaux).

Photo: Chrysler

Pas de changements significatifs à noter pour le millésime 1986, à part l’introduction d’un ensemble Duster chez Plymouth. Celui-ci se veut plus sportif avec une console centrale et des sièges baquets sport de série ainsi qu’une direction plus directe. Malgré tout, la production atteint encore près de 100 000 exemplaires. Pour 1987, le moteur 1,6 litre est supprimé. Ce qui veut dire que le 2,2 litres devient le bloc de base, entraînant la disparition des modèles 2.2. La variante de 110 chevaux est également retirée. Au Canada, l’ensemble Duster devient une version à part entière (sans le nom de Turismo). Après cela, les coupés de la plateforme L s’en vont sur la pointe des pieds… (les Omnirizon berlines feront de la résistance jusqu’en 1990). Mais Carroll Shelby nous réserve un feu d’artifice final!

Photo: Chrysler

En effet, il achète les 1000 derniers exemplaires produits pour les convertir dans ses installations en Californie. Il créé la Shelby (pas une Dodge) Charger GLH-S (Goes Like Hell Some more), un écho à l’Omni GLH-S de 1986. Toutes seront identiques : moteur Turbo II (175 chevaux à 5 300 tr/min et 175 lb-pi de 2 200 à 4 800 tr/min), boîte 5 rapports, pneus Goodyear Eagle Gatorback 205/50VR15, suspension sport avec amortisseurs Koni ajustables, instrumentation Rallye avec compteur gradué jusqu’à 135 mph (217 km/h), ailerons avant et arrière, peinture noire avec logos Shelby, console centrale, vitres teintées, volant et levier de vitesses en cuir et radio premium. Dans sa documentation, Shelby annonce le 0 à 60 mph en 6,95 secondes, le quart de mille en 14,7 secondes à 94 mph et 0,84 g d’accélération latérale. On est très, très loin des modèles lancés en 1979!

Photo: Shelby

Dodge Omni 024

Dodge Charger

Dodge Charger Shelby

Plymouth Horizon TC3

Plymouth Turismo

Total

1979

57 384

63 715

121 099

1980

61 650

67 738

129 388

1981

35 983

36 312

72 295

1982

26 234

14 420

37 856

78 510

1983

32 983

8 251

32 065

73 299

1984

46 712

7 552

49 716

103 980

1985

48 848

7 709

52 162

108 719

1986

42 986

7 669

46 387

97 042

1987

24 275

2 011

24 104

50 390

Total

18 1251

210 224

33 192

205 621

204 434

834 722

Avec plus de 800 000 exemplaires produits en 9 ans, les coupés basés sur la plateforme L ont participé à un retour rapide dans le vert pour Chrysler. Pourtant, ils sont aujourd’hui introuvables, spécialement en bon état. La faute peut-être à une finition un peu trop légère. Ou bien au fait qu’il s’agissait de coupés économiques et qu’ils ont été utilisés comme tels (c’est-à-dire peu entretenus). Les versions 2.2 et Shelby offrent néanmoins de l’intérêt pour les nostalgiques qui veulent rouler différemment. Il n’y a pas que les Mustang et les Camaro dans la vie…

À voir aussi  : Antoine Joubert présente la brochure de la Chrysler Laser 1984

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