Le défi de Fiat
C’était jeudi dernier. Le constructeur Stellantis nous conviait à une rencontre avec le vice-président de planification de produits pour Fiat en Amérique du Nord (Vincent Noirbent), chez un des rares concessionnaires ayant choisi de conserver une salle de démonstration consacrée à la marque. L’idée de cette rencontre était bien sûr de mettre en lumière la nouvelle 500e et, par le fait même, la relance de la marque italienne. Ce qui n’a rien de bien surprenant, puisque Fiat est sur le respirateur artificiel depuis nombre d’années, expliquant d’ailleurs le désintérêt massif des concessionnaires à son égard.
Ce n’est évidemment pas le fruit du hasard si les stratèges de Fiat ont choisi une réputée concession de la Rive-Nord de Montréal pour tenir cet événement. D’une part, le Québec demeure la terre de prédilection des petites voitures à l’échelle canadienne, et de l’autre, il constitue aussi l’endroit où les véhicules électriques sont les plus populaires. D’ailleurs, Fiat Canada avait annoncé qu’en 2024 la 500e ne serait offerte qu’au Québec et en Colombie-Britannique, là où l’intérêt pour ce type de produit est le plus fort. Et parce qu’il souhaitait maximiser les chances de suffire à la demande, Stellantis avait stratégiquement choisi de bouder l’Ontario et les autres provinces, jusqu’à ce que les modèles 2025 débarquent. Mais voilà, les choses ne se déroulent pas comme prévu, si bien qu’aujourd’hui le produit est disponible à l’échelle nationale.
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En effet, les voitures s’accumulent déjà chez les concessionnaires, certains en ayant plusieurs dizaines en stock. Pour l’heure, près d’un millier de Fiat neuves sont prêtes pour livraison immédiate dans le réseau des concessionnaires québécois, bien qu’il s’agisse de la voiture électrique la plus abordable du marché. En incluant les crédits gouvernementaux applicables et l’ensemble des frais, elle coûte 31 753 $ + taxes, pour une mensualité inférieure à 600 $ toutes taxes incluses, sur un financement de 72 mois.
Un événement visant à « propager la bonne nouvelle » était plus que nécessaire pour Fiat, qui doit aussi subir une certaine pression des hautes instances de l’entreprise. Or, j’ai l’impression que Stellantis ne sait pas très bien où se situe la problématique.
Une bonne voiture… mal représentée?
D’abord, mentionnons que la Fiat 500e est convaincante. Amusante à conduire, jolie et bien équipée, outre une autonomie plus que convenable pour une citadine. Et puis, si sa fiabilité vous inquiète, dites-vous que les problèmes de moteur et de transmission du passé ne peuvent pas survenir. En effet, la voiture roule sa bosse depuis déjà quatre ans en Europe et le bilan est jusqu’ici fort positif.
Le problème ne se situe donc pas au niveau de la bagnole, mais bien dans la façon de la vendre. En premier lieu on a un réseau de concessionnaires habitués à vendre des Jeep et des camions Ram, et chez qui les choses vont actuellement plutôt mal. Puis il y a les inventaires qui grimpent à la vitesse des augmentations de prix des véhicules, lesquels se vendent moins en raison des taux en vigueur et de la situation financière de plus en plus délicate de la moyenne des Québécois.
Soyons francs, un camion Ram 1500 Classic financé sur 96 mois en deuxième chance au crédit avec 5 000 $ de produits financiers est monnaie courante chez les concessionnaires Stellantis. Une situation qui peut s’envenimer lorsqu’il y a équité négative sur le véhicule d’échange. Les vendeurs des concessions Chrysler/Jeep/Dodge/Ram/Fiat ne sont pas habitués à faire affaire avec des acheteurs plus analytiques. Mais voilà, la Fiat 500 est de retour. Avec une motorisation électrique, et dans un environnement automobile où elle ne cadre absolument pas. Un peu comme si vous vous pointiezchez Harley-Davidson pour vous procurer un scooter électrique!
Les plus sérieux auront l’avantage
Il est évident que de nombreux représentants n’ont que faire de la Fiat. Parce qu’ils n’ont aucune vision à long terme et que la profitabilité n’y est pas. Remarquez, avec les rabais octroyés sur certains modèles, on vend aujourd’hui beaucoup de camions sous la facture, expliquant que les vendeurs soient alors très faiblement commissionnés. Or, une Fiat 500 peut constituer une première approche pour un consommateur, qui pourrait éventuellement s’intéresser à de futurs produits électrifiés de la grande famille. Voyez-la comme l’équivalent de la Nissan Micra, qui a fait fureur il y a dix ans, parce que jolie, amusante et abordable. De nos jours, plusieurs de ces acheteurs se procurent des Kicks, des Rogue ou des Pathfinder. Les besoins changent, le budget aussi. Pour que la Fiat connaisse le succès qu’elle mérite, il faudra que les concessionnaires se retroussent les manches, en ne confiant pas qu’à Stellantis Canada le mandat de la faire connaître.
Il faut comprendre que les stratèges canadiens ou nord-américains des constructeurs n’ont pas la vision exacte de notre réalité. Certes, ils sont conscients que les crédits gouvernementaux (qui seront diminués dès janvier 2025) sont plus généreux au Québec. Mais ils ne semblent pas savoir à qui s’adresse vraiment la 500e.
Mettez-lui un coq sur le toit et peignez-là en jaune, elle sera idéale pour la livraison de poulet! Attachez-la derrière un VR et elle sera grandement appréciée des couples retraités qui sillonnent les routes d’Amérique du Nord. Apposez-lui un autocollant circulaire verdâtre et le tour sera joué pour qu’elle se transforme en Communauto. Mais cette Fiat sera aussi et surtout appréciée de ces banlieusards qui parcourent moins de 125 km pour se rendre au travail ou pour faire leurs déplacements quotidiens. Une excellente seconde voiture, parfaite pour tricoter dans la congestion routière, et assez solide pour rassurer les parents qui l’offriront à leur enfant comme première voiture. Bref, une automobile au large public et sans concurrence directe, qui a tout pour connaître du succès. Or, cela passera par les concessionnaires convaincus par l’électromobilité et prêts à relever le défi d’une nouvelle façon de vendre et à accueillir une nouvelle clientèle.
En terminant, il faudra aussi que Stellantis Canada y mette du sien. En convainquant ses concessionnaires de collaborer et surtout, en rebâtissant la réputation d’une marque Fix It Again Tony, dans le langage populaire. Pourtant, cette voiture a tout pour que son acronyme signifie désormais Facture Imbattable Automobile Talentueuse. Il reste à voir à quel point les bonzes du marketing de Fiat sauront la mettre en lumière.