Jaguar S-Type, milady la jolie

Publié le 13 février 2006 dans 2006 par Bertrand Godin

Je ne suis certainement pas un conducteur de Jaguar. Le style des anglaises racées et sophistiquées ne m’a jamais attiré. Je dois bien admettre qu’elles sont magnifiques, que leurs courbes sont raffinées, et que leur mécanique rend des performances exceptionnelles. Mais d’entrée de jeu, je ne suis pas attiré. Probablement repoussé comme beaucoup par la réputation de manque de fiabilité et de coûts élevés que traînent avec elles ces voitures haut de gamme. Mais voilà que je m’assois dans une… et ma vision commence à changer.

Il faut admettre qu’après quelques heures, j’ai pris goût à l’opulence et au chic de bon ton qui règne dans l’habitacle. Et j’ai aussi apprécié les regards envieux de mes voisins d’autoroute qui fixaient avec insistance mon félin bolide. Bref, je l’avoue, un seul petit essai a suffi pour me rendre plus conciliant à l’égard de ces jolies miladys.

Your tea, Sir !

La S-Type est probablement l’expression la plus ultime du chic Jaguar. Sa silhouette se marie à merveille avec la tradition qui fait que Jaguar a conservé son élégance au fil des ans. Malgré tout, on lui a insufflé un petit air de modernisme de bon aloi, qui rend la voiture encore plus désirable. Un peu comme si on avait trouvé une façon de greffer à Élisabeth II et son royal comportement le visage plus gracieux de Victoria Beckham, autre anglaise réputée.

Une fois la portière ouverte, c’est dans un monde de luxe conservateur que l’on est appelé à monter. Les cuirs de grande qualité abondent, les détails de finition sont impeccables (ce qui, avouons-le, n’est pas le cas sur toutes les Jaguar) et l’atmosphère tout entière nous donne l’impression de pénétrer dans un salon de thé. Il ne manque que George et son traditionnel « your tea Sir » pour compléter l’illusion !

Les sièges sont enveloppants, envoûtants devrais-je dire, car ils assurent un support exceptionnel à tous les points de vue. Il faut dire aussi que leurs réglages quasi infinis permettent de trouver la position de conduite idéale, peu importe notre taille ou notre poids.

La planche de bord regorge de l’équipement le plus sophistiqué. Ce qui constitue d’ailleurs une des faiblesses de l’ensemble puisque l’ergonomie de certains accessoires laisse parfois à désirer, obligeant notamment le conducteur à s’étirer plus qu’il ne le faut pour atteindre les commandes. Heureusement, celles montées au volant permettent de régler sans difficulté le système audio, et le régulateur de vitesse. Et à l’exception de quelques commandes, on a su éviter le piège de greffer des intérieurs Ford même si la marque Jaguar est totalement imbriquée au sein de la compagnie.

Trois versions, trois mondes

La S-Type, c’est à la fois docteur Jekyll et Mister Hyde. Le sympathique docteur Jekyll, c’est la version de base, c'est-à-dire la plus économique évidemment (même si à 62 000 $ la notion d’économie prend une autre définition), qui compte sur un moteur 6 cylindres en V de 3 litres développant 235 chevaux. Plutôt juste en puissance, il ne suffit pas réellement à la tâche quand vient le temps pour la S-Type de jouer les grandes routières, et devrait être réservé à un usage urbain où il réagit mieux, mais sans excès.

Une version plus musclée abrite un moteur de 4,2 litres V8 de 294 chevaux qui représente le juste équilibre. Souple, agréable en accélération comme en sonorité, le moteur répond aux exigences. Mais le véritable et méchant Mister Hyde, c’est la version R, affublée du même moteur 4,2 litres auquel on a greffé un compresseur volumétrique. On augmente ainsi la puissance à 390 chevaux et on ajoute une suspension active plus sportive. Le résultat est puissant certes, mais comme tous les Mister Hyde de ce monde, cette automobile peut aussi mordre celui qui tente de la diriger. Car avouons-le, la S-Type n’a pas tous les gènes nécessaires, notamment pas le châssis, pour affronter de telles performances.

Toutes les versions sont équipées d’une transmission automatique à six rapports dont les qualités sont plus théoriques que pratiques. Elle gère bien les rapports en montée, c’est exact, mais éprouve un peu de difficulté à suivre le rythme en rétrogradation, et est munie d’un mode sport dont l’influence est pratiquement indiscernable, sauf dans les cas où on abuse réellement de la voiture. Et si jamais vous vous rendiez à cette extrémité, ce sont tous les systèmes embarqués d’aide au pilotage électronique, comme la traction asservie ou la stabilité électronique, qui vous rattraperont rapidement, vous empêchant de commettre l’irréparable. Bref, une conduite sportive plutôt limitée vous attend au volant de cette S-type. Même la direction n’a pas tout à fait ce qu’il faut pour prétendre au titre de sportive. On la sent parfois floue, surtout au centre de la trajectoire, et son assistance est un peu trop insistante lorsqu’on vise des manoeuvres plus serrées. En revanche, les freins ont toute la puissance requise pour ralentir vos élans, peu importe votre enthousiasme.

On a beau la présenter comme une berline aux prétentions sportives, la S-Type n’a pas tout ce qu’il faut pour vraiment atteindre ce titre. Un peu lourde, un peu floue, bref, un peu de tout la rend trop peu efficace pour être réellement un bolide. En revanche, comme routière de classe, elle se pose un peu. Moi qui n’avais pas d’atomes crochus avec ces belles anglaises, j’ai, je l’avoue, un peu changé mon fusil d’épaule. Disons que je l’essaierais bien encore un peu, juste pour être certain !

Feu vert

Lignes excitantes pour une anglaise
Matériaux nobles
Moteur 4,2 l haut de gamme
Grand confort

Feu rouge

Fiabilité peu améliorée
Version de base insuffisante
Châssis trop souple (version R)
Direction parfois floue

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