Nous avons conduit le Toyota Land Cruiser des mineurs
North Bay, Ontario – Pour célébrer ses 60 ans en sol canadien, Toyota Canada a décidé de traverser le pays d’un bout à l’autre cette année. Nous avons joint le convoi non loin de Toronto pour participer à ce périple totalisant 9 000 km.
Baptisé « kanreki », un terme utilisé dans la culture japonaise pour souligner le 60e anniversaire d’une personne, cet ambitieux voyage s’est amorcé à Terre-Neuve pour se terminer à Vancouver à la fin du mois d’août. Il comporte bien entendu plusieurs arrêts, dont certains d’entre eux sont très importants pour la division canadienne du constructeur.
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Au lendemain de la célébration entourant la production du 11 000 000e véhicule assemblé au pays, un Toyota RAV4 hybride Édition Woodland à l’usine de Cambridge en Ontario, le groupe de voyageurs, tous au volant de produits Toyota, avaient rendez-vous avec Miller Technology Incorporated, basée à North Bay en Ontario. Cette entreprise se spécialise dans la confection de véhicules conçus pour l’industrie minière.
Le lien avec Toyota est assez facile à faire lorsqu’on tourne le coin de l’entrée où l’usine est érigée. Une quinzaine de Toyota Land Cruiser Série 70 (nom de code HZJ79 pour les habitués) sont stationnés non loin du boulevard achalandé de North Bay. L’entreprise venait d’ailleurs de recevoir une cargaison de ces Land Cruiser, toujours assemblés au Japon. Aux dires de Hugh McDermid, vice-président produit et affaires, chaque fois que le stationnement déborde, des curieux viennent frapper à la porte de l’entreprise pour savoir s’ils peuvent acheter un exemplaire du célèbre camion, avant de devoir rebrousser chemin, faute d’une réponse positive.
Il faut préciser que ce Land Cruiser Série 70 est en production depuis 1984, une éternité dans l’industrie automobile, et qu’il est toujours disponible en vente libre à quelques endroits spécifiques dans le monde, mais pas au Canada ou aux États-Unis.
Un véhicule parfait pour l’industrie minière
L’entreprise du nord de l’Ontario n’en est pas à son premier projet pour l’industrie minière. Miller Technology Incorporated a vu le jour en 1979 et sa relation avec l’industrie minière dépasse largement le territoire canadien, avec des clients répertoriés jusqu’en Australie. Il est toutefois inusité que le véhicule de choix soit une vieille camionnette Toyota équipée d’un moteur 6 cylindres en ligne diesel atmosphérique, livrant une puissance de seulement 128 chevaux.
La raison se limite à un seul mot : robustesse. Travailler à plus d’un kilomètre sous terre n’est pas seulement exigeant pour les mineurs. Les véhicules qui sont utilisés à ces profondeurs doivent composer avec des conditions encore plus corsées que celles causées par le calcium étendu sur nos routes en hiver. Le taux d’acidité est en partie responsable de la dégradation accélérée des véhicules, la rouille s’installant très rapidement sur le châssis et les composantes du véhicule.
Pour illustrer le propos, les camionnettes Land Cruiser préparées par Miller Technology ont une espérance de vie estimée entre trois et cinq ans. Une camionnette plus conventionelle comme la Série F de Ford, moins dispendieuse à l’achat, risque d’être mise à la retraite après seulement six mois! Notamment à cause du faisceau électrique qui se désagrège en un temps record selon Hugh McDermid.
L’autre avantage du « vieux » Land Cruiser, c’est sa simplicité. Oubliez le luxe des véhicules modernes. À bord du camion nippon, il n’y a pas grand-chose, à l’exception d’un volant, d’un levier de vitesses et d’un autre pour changer le rouage et de quelques jauges et acdrans traditionnels. D’ailleurs, l’absence de systèmes de sécurité sophistiqués rendent sa transformation encore plus facile.
La variante la plus populaire auprès de cette clientèle spécifique est la camionnette à cabine double, celle-ci venant avec un prix de détail oscillant aux alentours de 35 000 $ canadiens... lorsque le véhicule est livré à l’entreprise bien entendu. Après quelques modifications pour rendre le camion conforme aux normes de sécurité de l’industrie minière et d’autres spécifiques à celles du client, un camion peut rapidement surpasser le cap des 100 000 $. Pas mal pour un camion qui sera remplacé cinq ans plus tard, n’est-ce pas?
Parmi les modifications populaires, on retrouve une protection additionnelle autour de la cabine pour résister aux chutes de roches dans les tunnels. L’éclairage auxiliaire est également de mise afin de mieux manœuvrer dans les profondeurs de la mine. Les techniciens de Miller Technology peuvent également troquer l’essieu arrière pour les versions appelées à transporter un peu plus de poids derrière. Le système de freinage doit également être révisé pour être en mesure de fonctionner même lorsque le véhicule est en panne, sécurité oblige. Un maître-cylindre de frein à double circuit s’assure que le camion pourra toujours être immobilisé.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que les camions de l’industrie minière peuvent être modifiés à l’infini, selon les besoins du client.
Au volant du fruit défendu
Si, du côté du boulevard, les curieux peuvent apercevoir cette poignée de Land Cruiser de couleur blanche, le stationnement arrière de l’entreprise est beaucoup plus garni. Miller Technology livre environ 350 véhicules par année.
Pour donner un bref aperçu des capacités du véhicule, les gens de l’entreprise nous ont confié le volant d’un exemplaire qui attendait d’être transformé. Premier constat, la cabine est étroite et la planche de bord appartient à une époque révolue de l’automobile… à une seule différence près. Le Land Cruiser Série 70 que vous apercevez dans ces photos est un exemplaire 2024. Le plastique gris de la planche de bord est donc neuf, idem pour le plancher recouvert d’un revêtement caoutchouté et les sièges en vinyle. Le levier de la boîte de vitesses manuelle à cinq rapports est élevé et son pommeau, de petite taille. Pour faire passer le camion en mode 4x4 (gamme haute ou basse), il faut également se pencher pour jouer avec un autre petit levier, un équipement qui était commun à bord des 4x4 il n’y a pas si longtemps encore.
Pour des raisons évidentes, notre passage derrière le volant du Land Cruiser 70 n’a duré que quelques minutes seulement et seuls les trois premiers rapports ont été nécessaires pour cette brève expérience. Malgré son côté robuste, l’embrayage du Land Cruiser 70 ne s’est pas montré trop capricieux, le passage de la première à la deuxième s’étant effectué sans heurt. Un petit obstacle hors route a aussi pu illustrer le couple du moteur diesel qui n’a même pas rouspété pour grimper par-dessus la butte aménagée sur le terrain de l’entreprise. Dans les tunnels des mines, le claquement typique de ces mécaniques diesel ne s’arête jamais ou presque, les opérateurs laissant souvent les véhicules en marche au moment de la réception du véhicule jusqu’à la retraite de ce dernier.
Quant au confort, disons seulement que ceux et celles qui rêvent de repartir au volant de l’une de ces camionnettes très robustes déchanteraient probablement très rapidement.
Également disponible en version électrique
Dans un autre coin de l’entreprise, un Land Cruiser tatoué d’un autocollant « 100% Electric » a aussi piqué notre curiosité. L’industrie minière s’intéresse également au virage électrique, quoique selon notre guide d’un jour, Hugh McDermid, le virage s’effectue très lentement, notamment par crainte d’un produit qui pourrait être moins fiable que son équivalent alimenté par le diesel. Mais, Miller Technology se prépare pour cet autre chapitre de l’industrie minière, les ingénieurs testent même de nouveaux groupes motopropulseurs pour s’assurer de garder une avance sur la concurrence.
Le camion qui nous a été confié pour quelques minutes était propulsé par un moteur électrique d’une puissance de 121 chevaux et un couple optimal de 146 lb-pi, le tout étant relié à un engrenage planétaire pour conserver le système 4x4 du Land Cruiser. Le véhicule est simplement activé via un petit levier permettant de passer de D (pour la marche avant) à N (pour le Neutre) à R (pour Reculer), tandis qu’un écran numérique remplace la jauge d’information classique. Et outre le bruit du moteur électrique et son couple instantané, le Land Cruiser s’est comporté de manière aussi sautillante que son équivalent au diesel. Un comportement que l'on doit aux ressorts à lames installés à l'arrière.