Marketplace et les faux particuliers : faites gaffe!

Publié le 6 septembre 2024 dans Blogue par Antoine Joubert

Vous êtes en quête d’une voiture d’occasion? Vous êtes donc de ceux qui sans doute naviguent sur Internet pour étudier les modèles, les prix et les possibilités de financement. Un outil de plus en plus populaire pour trouver la perle rare, c’est Marketplace. Le numéro un des annonces classées, qui mène une lutte féroce contre Kijiji Autos et AutoHebdo. Les gens apprécient la facilité d’utilisation (pour consulter comme pour placer des annonces) et peuvent rapidement comparer dans un secteur donné quelles sont les offres.

Je l’admets, j’ai moi-même cette habitude de « fouiner » sur Marketplace pour étudier le marché de différents modèles. Et parce que l’algorithme de Facebook connaît mes préférences, on m’illustre souvent des véhicules susceptibles de m’intéresser. Cela dit, il suffit de discuter à quelques reprises d’un modèle à proximité de votre appareil mobile pour que Marketplace vous propose des véhicules d’occasion et des publicités le concernant. Voilà pourquoi, après avoir discuté de la Coupe Nissan Micra à quelques reprises avec des collègues, Marketplace s’est mis à m’en proposer. Et puisque ma fille la cible pour éventuellement se déplacer au Cégep, il suffisait qu’elle m’envoie le lien d’une Nissan Micra à vendre trouvée à Montréal pour que les offres de ce modèle se multiplient sur mon fil Marketplace.

Photo: Marketplace

À première vue, la voiture ciblée par ma fille semblait attrayante. Un modèle 2015 bien équipé, affiché à 7 999 $, avec 83 000 km au compteur et se trouvant à Outremont. J’ai donc contacté le vendeur (Georges) par Messenger, lequel m’a mentionné se trouver ce jour-là à Fabreville (Laval). Le hasard faisait que je passais par là durant ma journée alors, sans poser plus de questions, j’ai choisi de m’y rendre.

Arrivé sur place (maison unifamiliale d’un quartier résidentiel), j’ai constaté sur-le-champ qu’il y avait disparité de couleur entre les pare-chocs abîmés et le reste de la carrosserie. Que sur le pare-brise se trouvait une vignette de conformité de la Société de l’assurance automobile du Québec, me prouvant qu’elle venait tout juste de passer l’inspection. Pourquoi? Soit parce qu’elle avait été accidentée puis réparée, soit parce qu’elle provenait d’une autre province.

J’ai aussi remarqué que l’habitacle avait été nettoyé et que du papier journal avait été placé au sol (ce qui absorbe l’humidité tout en protégeant temporairement les moquettes). Très propre, l’habitacle ne montrait qu’un signe d’usure au volant, semant un doute dans ma tête quant à son kilométrage. Un doute qui s’était installé à cause de la vignette de conformité toute récente, puisque si la voiture provenait d’une autre province, je savais que les chances que l’odomètre soit trafiqué étaient quintuplées... Puis, j’ai vu qu’elle n’avait aucune plaque d’immatriculation. Un signe que la voiture ne circulait pas ou qu’elle n’était pas vendue par son propriétaire.

Photo: Marketplace

Je suis allé cogner à la porte et une dame m’a ouvert. C’était elle, Georges. Un faux nom, puisqu’elle m’a tout de suite avoué qu’il s’agissait d’un diminutif, sans me dévoiler son vrai nom, pour ensuite me dire que la voiture appartenait à un petit commerce de véhicules d’occasion qui n’avait toutefois pas officiellement pignon sur rue. C’était louche. J’ai donc posé quelques questions. Est-ce que la voiture provient d’une autre province? « Oui, de l’Ontario ». Avez-vous de la documentation ou des preuves d’entretien? « Non ». Et voyant qu’elle tenait la clé de la voiture dans ses mains, je lui ai demandé si elle avait la seconde clé. Elle ne l’avait pas.

J’ai ouvert la portière, vu qu’il y avait encore quelques traces de ruban de carrosserie, me prouvant alors qu’elle sortait fraîchement d’un atelier. Puis, j’ai constaté que les pare-chocs (qui n’avaient pas été repeints) provenaient d’autres voitures. Ils avaient été fixés à la hâte et montraient les signes d’usure d’une voiture ayant au moins le double du kilométrage. Je n’ai donc même pas pris la peine de démarrer le moteur. J’ai remercié la dame et je suis parti.

Rendu chez moi, j’ai fait sortir le rapport CarFax qui, à mon grand étonnement, était très complet. La voiture avait été entretenue toute sa vie chez un même concessionnaire Nissan de Kingston en Ontario, prouvant ainsi son faible kilométrage pour une voiture de dix ans. En effet, elle avait été mise en service le 22 septembre 2014. Or, elle avait subi un premier accident en octobre 2017 avec des dommages estimés à 5 058 $, puis un second plus sérieux en mai 2024, avec des dommages évalués à 16 105 $. Une perte totale, considérant que la valeur d'un tel modèle oscille entre 7 000 $ et 10 000 $. Et pourtant, en consultant la fiche sur Internet, on disait qu’elle était exempte d’accidents.

Photo: CarFax

Alors, comment expliquer qu’une voiture ayant été si sévèrement accidentée puisse avoir été transférée de province, réparée et ait passé l’inspection de la SAAQ, pour ensuite être étiquetée à 7 999 $ par un commerçant nébuleux qui en tirera profit? L’idée d’une « boîte » m’a tout de suite traversé l’esprit. Qu’est-ce qu’une « boîte »? Dans le jargon, c’est une voiture volée en bon état, sur laquelle on remplace les numéros de série par ceux d’une voiture accidentée acquise pour quelques centaines de dollars chez un ferrailleur (notre Micra). Une voiture achetée en Ontario, transportée au Québec, démantelée et pressée, de laquelle on aurait conservé que quelques pièces maîtresses et « les médailles » (plaquettes de numéro de série), pour les installer sur une voiture volée. Voilà une première possibilité (sans accusation, bien sûr).

Sinon, on peut imaginer que l’estimation de l’assureur était démesurément trop élevée et qu’il était possible de remettre cette Micra sur la route pour une fraction du prix. Dans le cas d’un tel modèle, où la mécanique est simple et où il n’y a pas de système d’assistance de conduite, de caméra ou autre technologie coûteuse, la réparation (sans doute bâclée) peut coûter moins de la moitié de l’estimation. Vous direz qu’une réparation bâclée ne pourrait satisfaire les inspecteurs de la SAAQ pour que la voiture puisse être immatriculée au Québec?

Photo: Marketplace

Eh bien, dites-vous que si certains centres sont très sévères et respectent les règles à la lettre, d’autres sont, disons, un peu plus permissifs… Or, en fouillant davantage, j’ai découvert que la vendeuse avait sur son profil Marketplace plusieurs autres véhicules vendus et photographiés dans la cour d’un atelier de carrosserie de Laval. Un endroit où l’on peut aussi clairement identifier un tout petit commerce de vente automobile. Une recherche Internet m’a ensuite appris que la personne contact de ce commerce se prénommait… Georges!

On peut ainsi présumer que l’atelier de carrosserie adjacent s’est chargé de « reconstruire » cette Micra pour que ce commerce l’affiche ensuite sur Internet comme s’il s’agissait d’une sympathique petite voiture à faible kilométrage, sans histoire. Une voiture sans doute payée quelques centaines de dollars, réparée avec des sacs gonflables d’origine inconnue et avec des pièces d’occasion de toute provenance. Une voiture qui serait fascinante à inspecter, bien qu’il y ait eu certification de la SAAQ (comme en témoigne l’autocollant fixé au bas du pare-brise). Mais encore, quel profit peut-on en tirer, même si les coûts réels de réparation ne représentent que le tiers de l’estimation par l’assureur?

Chose certaine, cette Micra supposément bonne pour la casse et attrayante de par son bas kilométrage se retrouve aujourd’hui disponible et légale pour nos routes. Peut-être ne causera-t-elle aucun problème à son futur propriétaire (que je plains). Mais il ne s’agit pas d’une aubaine. Même si elle coûte un peu moins cher que d’autres Micra, affichant un historique plus reluisant. Et s’il s’agissait d’une voiture volée et maquillée? Pouvez-vous imaginer les conséquences? Morale de l’histoire, faites vos devoirs et surtout, méfiez-vous des faux particuliers, des voitures provenant d’autres provinces et scrutez chaque détail de la voiture. Également, prenez soin de demander un maximum d’informations et exigez les preuves d’entretien et de réparations. Certes, les rapports CarFax peuvent aussi être un atout sérieux, mais ceux-ci sont souvent incomplets, ne reflétant donc pas toujours la vérité.

En terminant, je vous invite à jeter un œil sur le rapport d’historique de propriété de la SAAQ que vous pourrez observer dans les images liées à cet article. Vous y verrez une mention de propriété antérieure inconnue sinon qu’une provenance des États-Unis. Du grand n’importe quoi, considérant que la voiture provient avec preuve de l’Ontario et surtout, que la Nissan Micra n’a jamais été vendue aux États-Unis!

À voir aussi : Roulez au suivant présente la Nissan Micra 2015

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