Des voitures dernier cri volent la vedette aux vieilles Américaines à Cuba
Mercedes-Benz flambant neuves, VUS et 4x4 dernier cri et même quelques Tesla et Jeep Wrangler : autant de voitures haut de gamme qui ont fait leur apparition à Cuba, en proie à une profonde crise économique, volant la vedette aux emblématiques berlines américaines et aux Lada soviétiques.
« Cuba a besoin de nouvelles voitures pour assumer sa responsabilité environnementale. Il faut le faire maintenant », estime auprès de l’AFP Julio Alvarez, 56 ans, propriétaire d’une entreprise de transport touristique, en référence à cette vague d’importations.
- À lire aussi: En studio : comment importer un véhicule américain au Canada?
- À lire aussi: Nos trouvailles de Cuba
Passionné depuis toujours par les voitures classiques américaines, dont plusieurs dizaines de milliers circulent toujours à Cuba, ce mécanicien professionnel vient d’importer un VUS chinois de la marque Dongfeng pour son entreprise Nostalgicar, qui organise depuis 2011 des excursions dans le pays.
« Ce qu’il faut, c’est trouver comment gagner de l’argent pour rentabiliser son investissement », explique l’entrepreneur qui a eu parmi ses clients la famille de l’ex-président américain Barack Obama et des vedettes comme Madonna et Beyoncé. Il prévoit d’importer cinq autres voitures pour son entreprise.
Avec ses lignes modernes, le dernier arrivé de couleur noire contraste dans le garage avec la quinzaine d’anciennes Chevrolet aux couleurs vives, dont une Bel Air 1955 et une camionnette de 1938, qui rutilent comme si elles venaient de sortir de l’usine.
Les berlines classiques américaines, utilisées le plus souvent comme taxi collectif ou pour transporter des touristes, ainsi que les Lada et Moskvitch datant de l’époque soviétique, offrent sur l’île un paysage automobile rétro totalement unique au monde.
Mais depuis un an et demi, les Cubains voient circuler, en particulier dans les rues de La Havane, de modernes VUS, 4x4 et camionnettes de marques japonaises, sud-coréennes, chinoises ou américaines, alors même que le pays est confronté à sa pire crise économique depuis 30 ans, avec des coupures d’électricité et des pénuries en tout genre.
Un signe supplémentaire d’inégalités croissantes. Sur l’île communiste de moins de 10 millions d’habitants, le salaire moyen plafonne à 5000 pesos (42 $), la majorité de la population pâtit du manque de transport en commun, les véhicules particuliers les plus visibles sont des scooters électriques et il est commun de voir les habitants faire du stop pour aller travailler.
« Pas compatibles »
L’apparition de ces voitures modernes, qui attirent l’attention au milieu d’un parc automobile réduit et en mauvais état – 600 000 véhicules dans tout le pays, selon des chiffres officiels – remonte à 2023 lorsque le gouvernement a assoupli l’importation de véhicules en dollars pour les entreprises privées, autorisées deux ans auparavant.
Selon le Conseil économique et commercial Cuba-États-Unis, une chambre de commerce basée à New York, l’importation de voitures depuis les États-Unis a ainsi représenté 35 millions $ américains au premier semestre de 2024, soit trois fois plus que sur l’ensemble de 2023.
Ce chiffre pourrait encore augmenter à partir de la fin octobre, date à laquelle le gouvernement prévoit de faire approuver une loi qui facilitera l’importation de véhicules pour les particuliers, jusque-là soumis à des taxes et droits de douane exorbitants.
Comme l’a expliqué récemment à la télévision le ministre des Transports, Eduardo Rodriguez, un Cubain souhaitant importer une voiture à 10 000 $ doit actuellement débourser 50 000 $ taxes comprises. La nouvelle loi lui permettrait de réduire ce coût à 15 900 $.
Mais même comme ça, il faudrait 31 ans à un Cubain gagnant le salaire moyen pour s’acheter un tel véhicule.
« Dans notre pays, aucun médecin ou diplômé ne peut rêver ou prétendre, avec le salaire qu’il reçoit, avoir une voiture, pas même une moto, pourtant moins chère », explique à l’AFP William Flores, anesthésiste de 25 ans, qui attend le bus près d’un hôpital de La Havane après sa garde de nuit.
« Je voudrais bien » m’acheter une voiture, « mais il est peu probable que cela m’arrive. Il faut être optimiste, mais c’est beaucoup d’argent », explique Cesar Milera, 48 ans, employé comme chauffeur.
Plusieurs propriétaires de voitures haut de gamme ont refusé de répondre aux questions de l’AFP.
Selon le gouvernement, la nouvelle loi d’octobre doit aussi permettre de réguler la quantité et les modèles de voitures importées sur l’île.
En juillet, le premier ministre Manuel Marrero a fustigé que « certaines des voitures qui entrent » à Cuba « ne sont pas compatibles avec notre société ».