20 ans d'écart...et 270 000$ !
Quel drôle de hasard! Alors que la semaine dernière je mettais à l’essai la plus performante des berlines de Classe S, j’allais aussi faire l’acquisition d’une CL55 AMG 2003, la plus performante des grandes Mercedes-Benz de l’époque. Toutes deux peintes en blanc, je n’ai pu m’empêcher de les stationner côte à côte pour en constater l’évolution technologique. Ou plutôt à quel point la technologie vieillit mal. Très mal!
Rappelons qu’en 2003, le coupé CL se voulait une déclinaison à deux portières de la Classe S, proposant le nec plus ultra, comprenant sièges chauffants/ventilés avec fonction de massage, de même qu’un téléphone cellulaire intégré, aujourd’hui dysfonctionnel. Une voiture dotée d’un démarrage à bouton-poussoir, d’un accès sans clé, de phares au xénon et d’un système de navigation fonctionnant par cartographie sur CD, qu’il vous fallait changer si vous sortiez du pays.
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Également, munie d’un puissant système audio Bose (époque où l’entreprise n’apposait son nom que sur ce qu’il y avait de plus luxueux), avec changeur de 10 CD dans le coffre. Et pour la petite histoire, un changeur qui dans ce cas précis est toujours rempli d’albums de Céline, dont semblait visiblement mordu son précédent propriétaire. Avec une pointe d’humour, il m’a souligné qu’il me les laissait sans frais!
N’affichant aujourd’hui que 36 000 miles au compteur, cette CL55 AMG avait initialement été vendue dans la région de Pittsburgh pour une somme avoisinant les 135 000 USD. Chez nous, une telle voiture coûtait 149 800 $ avant les options et frais de transport/préparation, ce qui équivaut au prix payé pour ma première maison achetée cette même année! Incroyable, mais vrai.
Son second propriétaire, avec qui j’ai négocié, l’avait acquise en 2005 chez un concessionnaire Mercedes-Benz de Pittsburgh alors qu’elle était usagée de deux ans. Elle affichait 16 000 miles au compteur, ce qui signifie qu’entre 2005 et 2024, la voiture n’a parcouru que 20 000 miles (32 000 km). Elle n’a évidemment jamais vu la neige (ni même la pluie, aux dires de celui qui en a pris soin pendant 20 ans), ayant passé le plus clair de son temps au garage sous une toile spécialement conçue pour ce modèle.
Pourquoi la CL?
J’ai toujours aimé l’élégance des lignes de ce grand coupé, qui a la particularité de ne pas avoir de pilier B. En somme, une fenestration latérale continue, constituant ainsi un toit flottant (hardtop), comme c’était de coutume dans l’industrie jusque dans les années 70. Or, Mercedes-Benz est l’un des rares constructeurs à avoir perpétué la tradition, jusqu’à l’abandon récent des coupés de Classe S et de Classe E.
Il s’agit également d’une voiture dont le comportement routier est impressionnant. Produisant 493 chevaux via un puissant V8 de 5,5 litres, elle boucle le 0 à 100 km/h en 4,7 secondes. Mais surtout, une voiture à bord de laquelle vous ne souhaitez que défiler les kilomètres, car elle est dotée d’une suspension pneumatique ultraconfortable, d’un long empattement, et d’une tenue de cap exceptionnelle.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un grand classique, la CL fait partie de ces modèles dont les lignes sont intemporelles. Certes, les quatre phares circulaires témoignent de son époque, mais sa robe et ses proportions demeurent tout aussi gracieuses qu’au début du présent millénaire. Ainsi, en constatant sa condition, je me suis dit : « Voilà une occasion de rouler dans une voiture distincte, performante et ultraluxueuse, à coût raisonnable ». Parce que j’étais bien conscient qu’elle valait environ 15% de son prix d’origine, soit l’équivalent des taxes applicables de l’époque (si bien sûr, elle avait été acquise au Québec). Je l’ai dénichée à 19 500 $, une somme dérisoire vu sa qualité.
Sa peinture est impeccable, son habitacle est comme neuf, et tout est fonctionnel! Les seules réparations à prévoir sont le remplacement d’un amortisseur de coffre et celui des quatre pneus (compte tenu de leur âge), qui coûteront environ un millier de dollars. Documentée de A à Z avec preuve de son entretien rigoureux, cette voiture est assurément l’une des rares survivantes à toujours être dans cet état. Parce que le maintien en vie d’une telle automobile passe par son entretien. Un entretien coûteux et pointu, souvent négligé dès sa revente par le propriétaire d’origine.
Cela m’amène d’ailleurs à expliquer pourquoi de telles voitures (Audi A8, Bentley Continental, BMW Série 6, Série 7 et Série 8, Jaguar XJ, Maserati Quattroporte, etc.) voient leur valeur déprécier à grande vitesse, rebutant la plupart des acheteurs de véhicules d’occasion qui n’y voient qu’un « paquet de troubles ». C’est qu’en fait, ces bolides s’accompagnent impérativement d’un entretien exhaustif qui doit être fait par des techniciens spécialisés. Il est important de conserver l’historique complet de leur entretien afin de connaître ce qui a été fait et quelles ont été les réparations antérieures. Sans quoi, vous serez dans le néant avec une voiture bardée de technologie et qui ne peut être réparée par le garagiste du coin, comme vous le feriez avec une Toyota Camry.
Ainsi, et parce qu’il s’agit de voitures capricieuses et coûteuses à entretenir, la plupart des gens ne s’y intéressent pas. Or, en trouvant une perle rare dans un tel état et en acceptant le fait qu’elle pourrait coûter quelques milliers de dollars de réparation annuellement (avec toujours le risque qu’un bris plus sérieux survienne), on peut obtenir une automobile hors de l’ordinaire, voire exotique, à un prix très raisonnable. Cela implique de la recherche, un mécanicien de confiance et une utilisation modérée de la voiture, mais le tout est jouable.
J’aime d’ailleurs à penser qu’à plusieurs reprises, on m’a offert des sommes supérieures à celle payée pour cette CL55 AMG, pour ma petite Honda CRX 1991. Une voiture toute simple, affichant 185 000 km au compteur, et qui, contrairement à la Mercedes, a vu quelques hivers et a été repeinte en totalité. Cette Honda payée à peine 18 000 $ en 1991 vaut aujourd’hui un montant supérieur au prix d’origine. Pourquoi? Parce que les gens sont nostalgiques et parce qu’ils savent qu’ils pourraient l’entretenir avec quelques centaines de dollars par année!
Et la S63, elle?
Quelle voiture fascinante! Non pas sans défaut, parce que sa boîte électrique à deux rapports, logée à l’arrière et servant au moteur électrique, est tout sauf fluide dans son fonctionnement. Or, avec 791 chevaux et un niveau de confort royal, cette berline représente ce qui se fait de mieux pour amalgamer confort et performances exotiques. Bon, OK, disons avec la Porsche Panamera Turbo e-Hybrid.
Dotée d’une fonction de relaxation qui vous amène dans un autre monde, elle vous sert les dernières technologies d’assistance de conduite, de navigation et de connectivité, dans un environnement où les jeux de lumière sont dignes d’un spectacle. Elle accélère également de 0 à 100 km/h en 3,3 secondes, avec l’avantage d’une hybridation au service de la performance. Bref, ce que Mercedes-AMG fait de mieux. Et vous l’aurez deviné, tout cela a un coût.
En effet, cette S63 E-Performance affiche un prix approximatif de 263 500 $ (en incluant les frais de transport/préparation/concessionnaire), facture accompagnée d’une taxe de luxe de 10% de cette somme (soit 26 350 $), pour un total de 289 850 $.
Ajoutez ensuite les taxes applicables, et signez un chèque de 333 255 $, enfin, si vous n’avez pas choisi une protection pour la peinture, une garantie pneus et jantes et une formule d’entretien, que peut vous proposer le concessionnaire... Et vous savez quoi, il est fort probable que dans dix ans, vous puissiez décrocher une telle voiture pour moins de 40 000 $ puisque comme pour toute voiture du genre, la dépréciation ne peut être que catastrophique.
Le précédent propriétaire de ma CL55 AMG l’a d’ailleurs appris à ses dépens, deux fois plutôt qu’une, lui qui possède actuellement une Mercedes-Benz S500 4Matic 2021, payée 147 000 $ à l’état neuf, et pour laquelle on lui offre aujourd’hui à peine 60 000 $. Et attention, il n’y a pas que ce genre de véhicule qui se voit touché par une chute de valeur : les voitures électriques façon Audi RS e-Tron GT et Porsche Taycan voient aussi leur valeur fondre comme neige au soleil, idem pour les Mercedes-Benz EQS.
Cependant, la chute peut être encore beaucoup plus violente, si vous faites par exemple l’acquisition d’une Bentley Flying Spur ou d’une Rolls-Royce Ghost. Alors là, c’est plus de 100 000 $ en une seule année que vous pourriez perdre, en excluant bien sûr le montant attribuable à la taxe de luxe. Vous direz qu’il s’agit du prix de l’exclusivité.
Certes, mais vingt ans plus tard, dites-vous qu’une voiture de ce genre se fait encore plus rare et plus exclusive, pour une facture symbolique. Voilà pourquoi j’ai voulu immortaliser le moment où cette S63 E-Performance de 290 000 $ croisait le chemin de ma CL55 AMG acquise à 6,7% du prix!