Honda : horizon électrique
Comme plusieurs autres constructeurs automobiles japonais, Honda accuse un sérieux retard face à l’électrification de son parc automobile. Et pas seulement en Amérique du Nord, puisque les modèles 100% électriques se font même très rares à l’échelle mondiale. Par exemple, le Japon a récemment abandonné la Honda-e (sympathique petite voiture) et ne propose aujourd’hui que le e.Ny1 (base de HR-V) et le N-VANe, dans le créneau des kei cars. Un véhicule urbain qui, sur le plan technologique, n’a rien de révolutionnaire.
Parce que l’offre d’un véhicule électrique était urgente pour le marché nord-américain, Honda a conclu une entente avec General Motors, un allié de longue date qui a développé une expertise en la matière au cours des dernières années. C’est donc le Prologue, dérivé du Chevrolet Blazer EV, que nous propose le constructeur depuis juin dernier, avec comme objectif d’en écouler annuellement 1 500 unités à l’échelle canadienne. Ce faisant, Honda sera en mesure d’abaisser la cote de consommation moyenne de son parc automobile, pour ainsi se plier aux normes de plus en plus sévères.
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Les règles en place frustrent énormément les constructeurs comme Honda, Nissan ou Toyota qui, malgré un parc automobile moins énergivore que celui des fabricants américains, doivent réduire au même rythme que ces derniers les cotes de consommation et donc, l’impact environnemental des véhicules commercialisés. Ainsi, si Ford doit par exemple diminuer de 3% la consommation de ses véhicules pour 2025, il en va de même pour Honda, pour qui le défi est plus difficile. Et pour cause, la commercialisation de moteurs déjà très peu polluants face aux gros V6 et V8 de Ford, chez qui les améliorations sont beaucoup plus faciles à réaliser.
S’adapter aux règles
Bien sûr, les règles diffèrent selon le continent, le pays, voire les régions. Et le Québec demeure un bel exemple, tentant de sévir davantage dans l’optique d’un contrôle de l’énergie qui n’est pas un enjeu pour les autres provinces canadiennes. Si Honda est très sceptique quant à la viabilité du « zéro véhicule à essence en 2035 », il n’a pour l’heure pas le choix de se plier aux règles et de prévoir le coup.
Hayato Mori, vice-président adjoint du développement des affaires pour Honda Canada, est d’avis que les consommateurs imposeront leurs choix aux constructeurs d’ici deux ou trois ans, à la suite de la réduction et/ou de l’élimination des crédits gouvernementaux applicables. Selon lui, si la clientèle délaisse en partie l’auto électrique ou qu’elle n’a plus les moyens d’en faire l’acquisition, il se pourrait que l’on assiste à un réajustement. Et ce, peu importe le gouvernement en place.
Cela dit, Honda n’a pas l’intention de se faire damer le pion par la concurrence et compte ainsi offrir un catalogue automobile plus diversifié, comportant davantage de véhicules électrifiés. Les choses se feront de manière plus drastique chez Acura, où chaque modèle lancé à la suite de l’ADX (VUS compact à essence qui sera dévoilé au Salon de Los Angeles) sera électrifié. On assistera ainsi à l’arrivée du remplaçant du RDX (tout électrique) en cours d’année 2026, lequel sera suivi peu de temps après par le remplaçant du MDX, lui aussi électrifié. En fait, Acura empruntera le virage électrique comme souhaitent le faire Cadillac, Genesis et plusieurs autres marques de luxe. Mais ce sera différent chez Honda, où la progression sera plus lente.
Dans ce cas, on assistera d’abord à l’arrivée d’un VUS électrifié dans un format comparable à celui du CR-V. Cela permettrait en toute logique de rivaliser avec des produits comme le Chevrolet Equinox EV, tout en partageant l’essentiel des éléments techniques avec le remplaçant du Acura RDX. Par la suite, Honda lancera un modèle phare qui symbolisera l’arrivée d’une nouvelle technologie électrique sur laquelle le constructeur travaille. Une technologie baptisée 0 Series, qui consiste à maximiser l’espace habitacle, à réduire la taille des composants mécaniques et à installer des batteries moins grosses et plus efficaces.
Cette technologie sera embarquée dans une berline audacieuse portant le nom de Saloon, et dont le modèle de production serait esthétiquement très fidèle de celui du concept, aperçu lors de notre visite au centre de recherche et de développement (Japon). Un véhicule qui avait été dévoilé au Consumers Electronic Show de Las Vegas, en janvier dernier.
Cette voiture à la robe très futuriste fait appel à une nouvelle structure allégée à laquelle se greffent un bloc de batterie et deux moteurs électriques de 180 kW, dont la taille est symbolique par rapport à ce que vous retrouverez dans les VÉ actuellement commercialisés. Une voiture intégrant également une intelligence artificielle permettant même à une personne de l’extérieur d’être virtuellement à bord pour discuter avec le conducteur, lequel profitera d’une technologie de conduite autonome très évoluée.
En outre, Honda souhaite élaborer une technologie permettant l’anticipation de mouvements ou d’intentions de la part du conducteur qui, en approche, serait d’abord identifié à distance par l’automobile, pour ensuite lui ouvrir automatiquement la où les portières, ou encore le coffre. Mais le plus intéressant (et ce que l’on observe de moins en moins dans l’industrie), c’est l’intérêt du constructeur envers l’agrément de conduite : la 0 Series sera très amusante et engageante, notamment en raison d’une suspension pneumatique adaptative et d’une direction fort communicative, même si celle-ci n’est pas mécaniquement reliée aux roues.
La 0 Series combinera la réduction de poids, l’aérodynamisme, l’efficacité technologique, l’optimisation de l’espace et l’objectif minimal d’une autonomie de 300 miles (480 km). Le manufacturier affirme que les batteries des véhicules découlant de cette technologie seraient conçues pour être sans entretien pendant dix ans, donc sans obligation de remplacer les liquides de refroidissement nécessaires à son bon fonctionnement. La dégradation des batteries devrait aussi être réduite de 10% par rapport à ce que Honda commercialise actuellement. Celui-ci mentionne d’ailleurs avoir accumulé beaucoup de données sur la dégradation des batteries grâce aux véhicules hybrides, qui conserveront pour leur part une place de choix dans la gamme Honda au cours des prochaines années.
D’ici là…
Avant que ne débarquent les premiers modèles électrifiés « maison », Honda lancera sa nouvelle génération du Passport, lequel fera appel au moteur V6 du Pilot. Il lancera également le coupé Prelude, dérivé de la Civic hybride, lequel fera un retour après presque 25 ans d’absence. Aucun détail sur l’avenir de la fourgonnette Odyssey ou de la camionnette Ridgeline n’a été donné, mais attendez-vous à ce que ces modèles soient renouvelés d’ici 2026, soit au moment où les premiers modèles électriques seront lancés.
D’ailleurs, la Saloon, qui pourrait être rebaptisée, ciblera des modèles haut de gamme. On peut ainsi se demander pourquoi cette dernière n’est pas rapatriée dans la gamme Acura pour l’Amérique du Nord. À cette question, les stratèges de Honda insistent sur le fait que la 0 Series sera d’abord lancée chez Honda, question d’uniformisation à l’échelle mondiale. Rappelons qu’Acura est une marque distribuée juste en Amérique du Nord, ne signifiant donc rien pour les marchés européens et asiatiques.