Fiat 500e 2024 : constat d'échec?

Publié le 20 novembre 2024 dans Essais par Antoine Joubert

Que se passe-t-il chez Stellantis? Comment se fait-il que les ventes soient en baisse de 21% face à l’an dernier au Canada (17,5% au Québec), alors que Ford et GM profitent d’augmentations respectives de 17,2% et 10,4%? La réponse se trouve sans aucun doute dans une gestion stratégique en pleine dérive, dans un catalogue de produits chers et incomplets, de même que dans certaines décisions marketing douteuses. Une situation que Jeff Hines, nouveau président de Stellantis Canada, compte bien régler, dans la mesure du possible.

Parce que ce n’est pas à lui que revient le choix des produits. Cela dit, voilà un homme fort occupé, puisque son défi vise non seulement à ramener les ventes à un niveau supérieur, mais aussi à regagner la confiance de ses concessionnaires qui, dans plusieurs cas, ont simplement lancé la serviette. Les rumeurs veulent d’ailleurs que plus d’une dizaine de concessionnaires Stellantis soient à vendre au Québec, ce qui en dit long sur l’insatisfaction de ces derniers face à leur constructeur.

Si la disparition du Ram 1500 Classic fait mal, l’insuccès de la Fiat 500e est également douloureux. Car si aux yeux de Stellantis North America, il n’était question que d’un véhicule de conformité (100% électrique), les concessionnaires du Québec, eux, voyaient en cette sous-compacte un moyen d'attirer une nouvelle clientèle. Hélas, seulement 529 unités ont jusqu’ici été livrées dans la Belle Province. Des chiffres en deçà de ceux anticipés par Stellantis Canada, bien qu’ils représentent 80% des ventes canadiennes.

Photo: Antoine Joubert

L’unique sous-compacte électrique du marché est-elle si vilaine? S’agit-il d’un produit trop niché? Ou est-ce que la clientèle de ce genre de voiture n’est plus au rendez-vous? Non, non et non. Alors, peut-être faut-il chercher les problèmes du côté de ceux qui la vendent?

Faire oublier le passé

Après une disparition du marché en 1980, c’est en 2010 que Fiat est revenu au Canada. Avec une sympathique sous-compacte joliment dessinée, mais malheureusement trop peu fiable pour que la clientèle adopte la marque à long terme. C’est ainsi qu’au tournant des années 2020, Fiat était déjà sur le respirateur artificiel.

Plusieurs concessionnaires avaient abandonné l’idée de vendre les produits de la marque, que ce soit la 500, la 500L, le multisegment 500X ou même la sportive 124 Spider. En 2021 et 2022, Fiat Canada n’a écoulé que 79, puis 54 véhicules. Et au Québec, seulement 15 Fiat étaient vendues, entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023. Bref, c’en était terminé pour la firme italienne.

En ramenant la 500 cette fois sous une formule électrique, Fiat aurait dû admettre ses erreurs et lancer une campagne marketing axée sur le regain de confiance du public. En faisant d’abord redécouvrir la marque (jusqu’à illustrer des modèles européens non vendus chez nous, et qui le seront prochainement), mais aussi en criant haut et fort que les meilleurs onguents sont dans les petits pots, et qu’aujourd’hui, les petits pots ne se trouvent… que chez Fiat! Un travail de mise en marché qui n’a pas été fait, le public n’étant même pas encore informé de l’existence de la 500e, ou du retour de la marque.

Photo: Antoine Joubert

Mais au-delà d’un manque flagrant de communication avec le public, Stellantis a peut-être aussi commis l’erreur de croire que les concessionnaires Chrysler/Dodge/Jeep/Ram étaient ceux à qui il fallait confier la vente de ces voitures. Je m’explique : dans le réseau Stellantis, il existe également la marque Alfa Romeo. Un petit réseau qui semble justement négligé par son constructeur, et qui n’a jusqu’à maintenant vendu que 755 véhicules (Tonale, Giulia, Stelvio) à travers le pays, en 2024. Avec quatre concessions au Québec toutes situées dans les grands centres, Alfa Romeo aurait pu répondre plus efficacement à la clientèle, qui aurait été mieux servie qu’avec des vendeurs de camions Ram et de Jeep Grand Cherokee, souvent aucunement motivés à composer avec une clientèle leur étant étrangère.

Pour les concessionnaires Alfa Romeo, le jumelage avec Fiat aurait permis de tripler, voire quadrupler, leurs ventes, tout en préparant le terrain pour l’arrivée de futurs modèles Fiat comme la 600e, qui sera elle aussi difficile à vendre dans un environnement Jeep. Or, Stellantis Canada a plutôt choisi d’ouvrir les vannes et d’étendre la bannière Fiat à l’ensemble des concessionnaires Chrysler/Dodge/Jeep/Ram, offrant gratuitement à ceux qui lui avait récemment levé le nez, un ensemble d’outillage et d’accessoires nécessaire à la vente de la 500e.

Un coup de poignard supplémentaire aux concessionnaires qui ont initialement déboursé pour l’obtenir, et qui doivent eux-mêmes lancer de fortes campagnes de promotions en abaissant les prix (non supportés par le manufacturier), pour écouler les stocks qui leur ont été attribués avec promesse d’une aide manufacturière... Et vous vous demandez pourquoi les concessionnaires ont une dent contre leur constructeur?

Photo: Antoine Joubert

35 $ par semaine, plus taxes

Certains l’admettent, ils auraient préféré ne jamais devoir vendre cette voiture, et plutôt recevoir davantage de support pour la commercialisation de modèles Dodge, Jeep et Ram. Voilà donc pourquoi une poignée de concessionnaires ont lancé le bal avec une promotion annonçant un prix de 35 $ par semaine (ou 150 $ par mois) pour une location de 36 mois, à un taux de 3,99%, sur une Fiat 500e Red Edition. Un prix qui s’accompagne bien sûr de conditions, impliquant notamment une mise de fonds de 3 995 $ de la part de l’acheteur, un rabais de 2 799 $ et un plein crédit de 12 000 $ taxes incluses, même s’il s’agit d’une location sur 36 mois.

On sait que pour obtenir les crédits plafonds, il est obligatoire d’effectuer une location sur 48 mois. Or, les concessionnaires auraient vraisemblablement trouvé une manière « créative » d’en permettre l’obtention, même pour une location de trois ans. Il faut dire qu’ils sont prêts à tout pour écouler ces voitures, qui seront plus difficiles à vendre dès le 1er janvier 2025, alors que le crédit provincial de 7 000 $ passera à 4 000 $.

Photo: Antoine Joubert

En fin de compte, cette stratégie de liquidation qui rappelle une époque pas si lointaine et déjà vue pour Fiat, risque d’affecter négativement l’image de la marque, et du produit. Une conséquence des trop nombreuses mauvaises décisions de la part de Stellantis Canada, incluant une mise en marché médiocre, une stratégie boiteuse par le biais de ses concessionnaires et un trop gros poids sur le marché du Québec, là où les crédits sont plus généreux.

Maintenant, est-il trop tard pour corriger le tir? Non. En revanche, il faudra jouer franc jeu avec les vendeurs, les éduquer, revoir la stratégie marketing, ajuster les prix et faire briller le produit à la hauteur de ce qu’il mérite. Car bien qu’il ne s’agisse pas d’une révolution automobile, la Fiat 500e mérite un meilleur sort. Et avis aux vendeurs : ce n’est pas en hurlant vos rabais, en contractant vos biceps ou pire, en prenant l’accent italien sur des vidéos Instagram, TikTok ou Facebook, que vous parviendrez à vos fins. On ne vend pas une Fiat 500e de la même façon qu’un Ram Warlock à un « gars de construction »!

Photo: Antoine Joubert

Et la voiture, elle?

Cette petite automobile n’a rien à voir avec sa devancière. Du moins, sur le plan technique. Quant à sa robe, elle n’a rien perdu de son charme, et arbore même des formes plus modernes auxquelles s’intègrent de façon sympathique des feux à DEL. Dommage qu’elle ne soit proposée qu’en trois teintes! Mais bon, n’en demandons pas trop, puisque je vous le rappelle, on peine déjà à vendre les stocks existants. Oh, il existe une quatrième teinte baptisée « or rose », laquelle vous obligera à vous tourner vers la version La Prima, coûtant 5 000 $ de plus... Un modèle orné de chrome, possédant un habitacle couleur crème avec similicuir, un système audio supérieur et des assistants de conduite, mais honnêtement trop coûteux. Alors, restons-en au modèle de base, le Red Edition.

Photo: Antoine Joubert

Bonne nouvelle, la position de conduite est beaucoup plus intéressante que par le passé. Sans procurer le confort d’une compacte (façon Honda Civic), il faut admettre que les sièges sont mieux sculptés, épousant le corps à merveille et évitant ainsi la fatigue lors des longs trajets. La planche de bord propose quant à elle tous les accessoires modernes, incluant un écran intégrant Apple CarPlay/Android Auto sans fil, une instrumentation numérique détaillée et un chargeur par induction pour appareil cellulaire. Une application mobile afin de faciliter la gestion de recharge et l’obtention de données accompagne chaque Fiat 500e, par ailleurs dotée de sièges avant chauffants.

Photo: Antoine Joubert

Lorsqu’il est question de puissance d’accélération, retenez surtout qu’elle est en mesure de livrer 162 lb-pi de couple de façon instantanée. Car si la puissance est plutôt modérée (117 ch) pour les fortes accélérations, le couple initial permet une réactivité sensationnelle en milieu urbain, là où la Fiat 500e est évidemment le plus à l’aise. Parce qu’elle tourne sur un dix sous, qu’elle accélère promptement et parce qu’elle se gare là où vous ne pourriez imaginer le faire avec votre voiture actuelle. Sauf si bien sûr, vous conduisez déjà une Fiat 500… ou une smart!

Syndrome de la pile morte…

Vous craignez de ne pas pouvoir effectuer tous vos trajets quotidiens au volant de cette Fiat? Si oui, elle n’est pas pour vous. Parce que si vous roulez plus de 200 kilomètres par jour, vous souhaiterez sans doute une voiture plus confortable et polyvalente qu’un modèle à deux portières et long de seulement 3,6 mètres. Or, sachant que plus de 80% des automobilistes roulent moins de 100 kilomètres sur une base quotidienne, et que plus du tiers sont presque toujours seuls à bord, il y a fort à parier pour que cette voiture vous convienne. Surtout, si vous composez avec le tracas de la congestion routière ou que vous circulez dans les grands centres.

Photo: Antoine Joubert

Le syndrome de la pile morte, excuse fatidique pour d’innombrables automobilistes qui craignent de faire le saut vers l’électrification, ne s’applique donc qu’en de rares circonstances. Avec une autonomie annoncée de 240 kilomètres, sachez qu’en été et en milieu urbain, cette Fiat sera capable d’atteindre entre 260 et 270 kilomètres sans effort. À l’inverse, on estime à environ 160 kilomètres l’autonomie réelle en plein cœur de l’hiver,  en particulier si la voiture ne dort pas au garage. Dotée d’une batterie de 42 kWh, la Fiat 500e consomme donc un peu plus d’énergie qu’une Tesla Model 3, conséquence d’une technologie électrique plus conservatrice et d’un coefficient aérodynamique de seulement 0,324. Heureusement, vous serez en mesure de rapidement la ravitailler en raison d’une vitesse de charge maximale de 85 kW, permettant dans ce contexte une recharge complète en plus ou moins 45 minutes. À domicile, sur une borne de niveau 2, il vous faudra cependant prévoir un bon 6 heures pour cet exercice.

Photo: Antoine Joubert

Prix raisonnable

Actuellement, les rabais octroyés par certains concessionnaires abaissent la facture sous la barre des 29 000 $ (transport, préparation et crédits gouvernementaux inclus). Comme seule option (puisque de série, il n’y a que le blanc), vous pourrez choisir (à 595 $) la version Red Edition de couleur rouge (voilà qui est ironique), sinon en noir métallisé. Cela dit, la Fiat 500e est aujourd’hui étiquetée à un prix raisonnable, et risque de se déprécier que très peu, considérant d’une part la diminution des crédits, et d’autre part, qu’elle soit la moins coûteuse des autos électriques du marché.

Ne faites pas l’erreur de la financer sur un trop long terme puisqu’en ce moment, les taux sont plus avantageux à la location. À moins que vous ne louiez sur 48 mois ou plus, ce que vous déconseillera sans doute votre concessionnaire qui, encore une fois, trouvera le moyen de vous avantager financièrement.

À une époque de pragmatisme, où chaque sou compte et où plusieurs souhaitent revenir à la base, la Fiat 500e est un choix logique. Aussi amusante que rationnelle, elle ne risque pas de vous causer des ennuis à la façon des anciens modèles, puisque les problèmes de moteur et de transmission laissent place à une technologie électrique qui, depuis quatre ans, a fait ses preuves en Europe. Certes, les Benny & Co et St-Hubert de ce monde pourraient l’adopter pour la livraison de votre quart de cuisse, au même titre que les entreprises d’autopartage. Mais vous aussi, pourriez y trouver votre compte. Si bien sûr, vous en connaissez l’existence. Parce qu’avis aux stratèges de Stellantis, le bouche-à-oreille ne suffit pas…

À voir aussi : combien coûte... la Fiat 500e 2024?

Fiche d'évaluation
Modèle à l'essai Fiat 500e 2024
Version à l'essai La Prima
Fourchette de prix 39 995 $ – 44 995 $
Prix du modèle à l'essai 44 995 $
Garantie de base 3 ans/60 000 km
Garantie du groupe motopropulseur 5 ans/100 000 km
Consommation (ville/route/observée) n.d.
Options n.d.
Modèles concurrents Kia Niro, Mazda MX-30, MINI Cooper SE, Nissan LEAF
Points forts
  • Agilité en ville
  • Équipement complet
  • Rabais attrayants
  • Bouille sympathique
Points faibles
  • Prix excessifs (sans crédits gouvernementaux)
  • Autonomie en hiver un peu juste
  • Mauvaise mise en marché
Fiche d'appréciation
Consommation 3.5/5 On se serait attendu à mieux de cette citadine, qui consomme plus qu'une Tesla Model 3.
Confort 3.5/5 Compte tenu de sa vocation, le confort est ici plus que raisonnable.
Performances 3.5/5 Les accélérations sont franches, surtout en raison d'un couple initial très généreux.
Système multimédia 4.5/5 Un système aussi complet qu'efficace, qui intègre toutes les technologies modernes.
Agrément de conduite 4.0/5 Une voiture franchement sympathique et tellement amusante en milieu urbain.
Appréciation générale 4.0/5 La seule sous-compacte électrique du marché, encore sous-estimée face à ce qu'elle peut offrir.
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