Crédits pour véhicules électriques : la fête est terminée

Publié le 17 décembre 2024 dans Blogue par Antoine Joubert

On l’a vite oublié, mais il y a une quinzaine d’années, le gouvernement fédéral octroyait des rabais pour les véhicules à faible consommation de carburant. Il souhaitait à l’époque stimuler l’industrie automobile et inciter à remplacer de vieux véhicules plus polluants par du neuf. Ainsi, des voitures comme la Honda Civic hybride et la Toyota Prius, mais aussi de petits VUS comme le Jeep Compass, étaient subventionnées pour des montants variant de 500 $ à 2 000 $. On payait des sommes colossales pour que votre vieux véhicule (même si bon pour encore plusieurs années) soit envoyé à la casse.

Ces mesures insipides n’ont pas tenu le coup bien longtemps. D’autant plus qu’elles n’avaient rien « d’écoresponsable », un mot qui n’existait même pas à l’époque, mais qui ne s’applique certainement pas par le geste d’envoyer à la casse des véhicules en bon état de marche. Si aujourd’hui le fait de subventionner des véhicules à essence nous semble invraisemblable, imaginez ce qu’il en sera dans une quinzaine d’années, lorsque l’on vous rappellera que le gouvernement offrait à chaque individu jusqu’à 12 000 $ pour qu’il se procure un véhicule électrique coûtant jusqu’à 65 000 $, parfois plus. En 2040, les véhicules électriques devraient constituer la majorité de ceux qui seront alors en circulation, et il nous semblera surréaliste d’imaginer qu’un gouvernement a pu un jour lancer de telles sommes non pas de façon collective, mais de façon individuelle.

Photo: Dominic Boucher

L’annonce faite cette semaine par le ministre Charette, qui était cité deux semaines plus tôt quant à une éventuelle pénurie d’essence, a certainement eu l’effet d’une bombe sur l’industrie automobile. Et pour cause, le retrait total des subventions pour véhicules électriques dès le 1er février 2025, signifiant la suspension du programme Roulez vert. Un changement de cap drastique alors que les acheteurs de véhicules neufs s’empressent déjà de s’en procurer un d’ici au 31 décembre, considérant cette baisse confirmée des crédits provinciaux qui passent de 7 000 $ à 4 000 $ dès le 1er janvier. Or, ces 4 000 $ ne seront octroyés que 31 jours, alors qu’ils devaient l’être toute l’année.

Vous pouvez ainsi imaginer que certains acheteurs seront pris de panique, sinon réviseront leur stratégie d’achat. Une situation catastrophique pour les concessionnaires qui vendent principalement des VÉ, et qui n’auront d’autre choix que de se creuser les méninges pour venir à bout de vendre ces dizaines, voire centaines de véhicules. Pour les concessionnaires Ford, GM, Hyundai et Kia, une nouvelle qui pourrait bousiller leur année 2025, considérant en plus l’arrivée prochaine de nouveautés. Certains d’entre eux ont actuellement des stocks de véhicules électriques pour suffire à la demande pendant les quatre ou cinq prochains mois, mais dans un contexte où s’applique un total de 9 000 $ de crédits (incluant le crédit de 5 000 $ du gouvernement fédéral, toujours valide). Or, le 1er février, avec un crédit équivalent à celui de l’Ontario, les choses pourraient dégringoler.

Photo: Antoine Joubert

Et ce n’est pas tout, puisque l’on peut s’attendre à ce que le gouvernement fédéral stoppe rapidement son crédit de 5 000 $ pour véhicule électrique, étant donné la probabilité de déclenchement d’élections plus tôt que prévu. Ce faisant, l’industrie et les consommateurs pourraient devoir composer avec des véhicules électriques aucunement subventionnés, ce qui signifie que vous payeriez aussi cher pour une Fiat 500e que pour un Toyota RAV4 hybride. Autant pour une Hyundai Ioniq 5 que pour un BMW X3. On se retrouverait aussi avec un écart de 18 000 $ entre un Hyundai Kona électrique et un modèle à essence équivalent.

Voilà donc le portrait du marché automobile québécois qui sera sérieusement chamboulé au cours des prochains mois. Pour les constructeurs, un sombre scénario, d’autant plus que l’on continuera à leur infliger de sévères pénalités s’ils n’atteignent pas les ratios (thermique vs électrique) leur étant imposés. Le pire, ce sera pour les concessionnaires Volkswagen. Ceux qui, depuis plusieurs mois, ne peuvent vendre de VÉ en raison d’un rappel de sécurité sur le point de se régler, mais qui affecte tous les Volkswagen ID.4. Dans certains cas, plus de 70% des stocks des concessionnaires sont des ID.4 que l’on ne peut livrer, et qui auraient pu être vendus avec des crédits de 12 000 $ en 2024.

Photo: Antoine Joubert

Selon nos sources, Volkswagen devrait pouvoir recommencer à livrer des ID.4 en début d’année 2025, ne laissant que quelques semaines aux consommateurs pour se le procurer avant que le crédit provincial ne disparaisse. Or, certains concessionnaires ont plus de 200 ID.4 livrables immédiatement. Des véhicules qu’ils doivent supporter financièrement et dont la valeur au détail varie entre 51 000 $ et 66 000 $.

Avec du recul, on peut imaginer que le ministre Charette était, au courant de tout ça depuis un bon moment. Ses « messages » divulgués dans les médias en incitant les gens à rapidement se procurer un véhicule électrique comportaient visiblement de petits caractères que personne n’avait décelés. Rappelons qu’il avait renforcé son point quant à l’interdiction de la vente de véhicules à essence dès 2035, en prétendant que l’on commençait déjà à fermer des stations-service, faute de demande. Ouais… disons !

À voir : le retrait des subventions pour véhicules zéro émission

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