Avoir un oeil de lynx
Si vous êtes amateur de voitures, vous suivez sans doute plusieurs pages web de clubs automobiles ou d’adeptes d’une marque ou d’un modèle. Peut-être même que vous possédez une ou plusieurs voitures « jouet », c’est-à-dire des véhicules qui servent à l’occasion, durant l’été, ne constituant donc pas votre moyen de transport quotidien. Or, les passionnés ont souvent ce que l’on appelle un œil de lynx.
En autres, c’est la capacité de flairer de bonnes occasions. Par exemple, cette vieille Monte Carlo achetée neuve par une grand-maman en 1981, qui dort au garage le plus clair du temps et qui est dans un état immaculé. En passant, elle existe et je la convoite… mais je ne vous dirai pas où elle se trouve!
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Dans la grande « communauté » des amateurs de bolides, ce genre de voiture fait jaser. Et seuls ceux qui ont un œil de lynx l’ont repérée. Bien sûr, on a tous rencontré quelqu’un un jour qui avait une jolie voiture dans son garage. Mais s’agissait-il d’une belle curiosité ou simplement d’une voiture d’été commune comme il en existe des milliers? Parce que si vous considérez qu’une Ford Mustang 2015 qui n’a jamais vu l’hiver est une pièce de collection, vous avez tout faux. En fait, je suis beaucoup plus attiré par l’histoire d’une Mustang GT 2015 roulant toute l’année et affichant 300 000 km au compteur, que par une voiture de 25 000 km qui ne roule que l’été. Ils sont plutôt rares ceux qui utilisent leur véhicule ainsi, et qui en profitent vraiment...

Maintenant, une vraie curiosité automobile comporte certains aspects : elle doit être d’intérêt, rare, ou évoquer des souvenirs pour bien des gens. Par voiture d’intérêt, j’entends par exemple la Buick Grand National 1987, la Mercedes-Benz 190 E 2.3 16V ou la Mazda RX-7 Turbo II qui faisaient rêver les amateurs de performances. Par rareté, j’ai en tête une Pontiac 6000 STE à quatre roues motrices, une Mazda 323 GTX turbo ou un Volkswagen Vanagon Syncro. Et puis, s’il est question de voitures qui évoquent des souvenirs, alors pensez à tout ce que l’on voyait en quantité phénoménale sur nos routes. La Ford Tempo ou l’Aerostar, la Plymouth Voyager, la Toyota Tercel, la Chrysler LeBaron ou la Renault 5.

Je n’ai nommé ici que des modèles des années 80. Mais ça s’applique aussi aux modèles antérieurs et même à ceux des années 90, voire début 2000. En effet, des véhicules comme le Dodge Dakota R/T, la Volkswagen Passat W8 ou l’Acura CL Type S sont déjà des modèles d’intérêt. On pourrait d’ailleurs en nommer des dizaines, parce que l’intérêt varie bien sûr d’un individu à l’autre.

Je reviens toutefois à cet œil de lynx que possèdent certaines personnes pour dénicher des véhicules parfois bien cachés ou qui n’ont aucun intérêt pour 99,9% de la population. Je pense notamment à cette jeune femme, début vingtaine, qui m’a raconté avoir enfin obtenu la voiture dont elle rêvait depuis qu’elle était petite. Une Ford Focus ZX3 2000 à boîte manuelle, de couleur jaune, achetée neuve par sa voisine immédiate, qui ne l’a conduite que pendant trois ans avant de la remiser au garage. Et pour cause, elle n’était physiquement plus en mesure d’en prendre le volant. Une ou deux fois l’an, depuis l’âge de 14 ans, elle discutait avec cette dame en la suppliant de la lui vendre un jour.

Personne d’autre ou presque n’en connaissait l’existence, si bien qu’au jour de ses 18 ans, la vieille dame lui en a fait cadeau! Imaginez, la voiture n’avait que 7 000 km au compteur! Aujourd’hui, la vingtenaire en prend soin comme la prunelle de ses yeux, bien qu’elle l’utilise chaque jour sauf l’hiver, saison pendant laquelle elle partage avec sa sœur… une Focus 2013 complètement dévastée!
Je pense aussi à cet homme rencontré l’été dernier : il m’a raconté avoir mis la main sur une Ford Gran Torino à moteur 429 Cobra Jet achetée… de son propriétaire d’origine, qui l’a conservée pendant 53 ans! Une voiture qui avait besoin d’un peu d’amour, mais qui constitue aujourd’hui une véritable pièce de collection, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’un historique complet.
Pour ma part, j’adore découvrir de nouvelles routes et me mettre en mode « œil de lynx » dans l’espoir de dégoter des trésors dans les arrière-cours. C’est ainsi que j’ai trouvé il y a plusieurs années une Miata 1991 dans la région de Hawkesbury, une Renault Fuego à Saint-Blaise-sur-Richelieu et une camionnette Chevrolet 1972, en banlieue de Nashville. Or, plus récemment, j’ai pu mettre la main sur une voiture que j’avais d’abord vue en 2016 devant un parc à Outremont. Une Isuzu Impulse RS Turbo de 1991, à quatre roues motrices, qui malgré sa corrosion avancée, m’avait semblé d’origine et donc, jamais modifiée.

Une voiture rare (vendue à 200 unités au Canada), particulièrement performante pour l’époque, et qui s’est retrouvée sur Marketplace un soir de décembre 2024. Le hasard a bien fait les choses, puisque j’aurais semble-t-il contacté le vendeur moins de dix minutes après la publication de l’annonce. Un Montréalais qui l’avait achetée neuve, alors qu’il était à l’emploi de General Motors. Il l’a conservée toute sa vie, en la conduisant de façon sporadique à longueur d’année. Entièrement documentée, cette voiture a besoin d’une restauration. Mais il s’agit pour moi d’une voiture fantastique, un exceptionnel arrêt sur image de l’année 1991, l’une des plus intéressantes de l’histoire de l’automobile selon moi.
C’est donc parce que j’avais déjà aperçu ladite Isuzu sur la rue que l’annonce m’a interpellé. Sans quoi, je ne sais trop si elle aurait attiré mon attention car les images n’étaient guère attrayantes. Mon œil de lynx m’a aussi permis de localiser environ une dizaine de voitures du Québec qui se retrouveront peut-être un jour dans mon entrée de garage. Si le prix convient, mais surtout, si les propriétaires daignent me téléphoner. Parce que le petit truc, c’est de laisser une note sur le pare-brise ou, littéralement, de cogner chez les gens, en demandant si le véhicule ne serait pas à vendre, par hasard. Pas toujours évident, mais parfois, ça fonctionne! Alors, avez-vous un œil de lynx?
