Hyundai Ioniq 5 : de l'extrême rareté à la surabondance

Publié le 11 février 2025 dans Blogue par Antoine Joubert

C’était il y a deux ans. Un ami proche avait l’intention de se procurer un Hyundai Ioniq 5 à quatre roues motrices, primé pour sa conception ingénieuse, son autonomie, sa polyvalence et sa rapidité de recharge. À cette époque, les concessionnaires Hyundai se contentaient d’ajouter des noms à une liste, qui devenait parfois théorique puisque l’on avait l’impression que c’était peine perdue.

Certains « chanceux » auront eu le « privilège » de payer le plein prix pour ce VUS, qui s’accompagnait d’un crédit de 13 000 $ (taxes incluses) en raison des offres gouvernementales en place à l'époque. L’aubaine du siècle, disait-on, alors que ces véhicules se revendaient 10 000 $ au-dessus du prix payé sur le marché de l’occasion, parfois même plus. L’offre versus la demande était si faible que les prix s’en voyaient gonflés, à l’instar de certains autres modèles électrifiés.

Hélas, mon vieil ami a été incapable de mettre la main sur l’un de ces modèles, privilégiant alors l’achat d’un Kia Niro hybride qu’il a obtenu en deux mois.

Mais voilà, après avoir traversé plusieurs tempêtes, le marché est aujourd’hui complètement transformé.

Photo: Hyundai

Dans les faits, la demande pour l’Ioniq 5 était si forte en 2022 que Hyundai Canada a mis énormément de pression auprès du constructeur afin d’obtenir un maximum d’unités. Des unités que l’on allait techniquement être capable d’écouler d’un claquement de doigts sans même s’inquiéter d’une quelconque et possible surabondance. Or, après quelque temps, le délai d’attente estimé parfois à plus de deux ou trois ans est devenu plus réaliste : un an, voire quelques mois. Et pour cause, beaucoup de consommateurs avaient laissé leur nom et un dépôt chez plusieurs concessionnaires, souhaitant évidemment n’acheter qu’un seul véhicule. La liste de 100-125 acheteurs fondait alors comme neige au soleil, au point où (en 2023) il était possible d’acheter un Ioniq 5 et de le recevoir en quelques mois ou semaines.

Pour 2024, on allait régler ce problème. Hyundai Canada a finalement réagi à cette sollicitation démesurée d’unités, alors que la demande allait se stabiliser. Car la concurrence avait elle aussi des offres alléchantes sur le marché, de même qu’un généreux inventaire. Puis, les Ioniq 5 ont tranquillement encombré les stationnements des concessionnaires, à l’inverse des Venue, Elantra et Kona à essence que l’on recevait désormais en quantité limitée.

Photo: Hyundai

Tandis que le vent tournait de bord, et ce, même si les ventes d’Ioniq 5 allaient encore bon train, la Colombie-Britannique (seule autre province canadienne à offrir de généreuses compensations financières pour l’achat de VÉ) a soudainement modifié son programme, rendant inadmissible le multisegment de Hyundai. Par conséquent, l’essentiel de l’inventaire britanno-colombien a été rapatrié au Québec, non sans une certaine pression du constructeur. Parce que déjà, chez certains concessionnaires québécois, on comptait plusieurs dizaines d’unités en stock, avec peu d’espoir de pouvoir s’en défaire.

En mai 2024, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de réduire de 7 000 $ à 4 000 $ le crédit provincial pour VÉ, donnant ainsi aux concessionnaires un argument de taille. Cela dit, Hyundai Canada avait peut-être sous-estimé le succès colossal du nouveau Chevrolet Equinox EV qui a débarqué au mois de juin dernier, n’empêchant pas la firme coréenne de réaliser tout de même de très bons chiffres. Surtout à partir de l’automne, alors que l’industrie sonnait le glas sur cette réduction prochaine des crédits.

Photo: Antoine Joubert

Et voilà qu’à la mi-décembre, Québec déclare mettre temporairement fin à son programme en éliminant les crédits dès le 1er février 2025. De 7 000 $ en décembre, on passait à 4 000 $ en janvier, puis à 0 $ en février. Un choc pour les concessionnaires qui n’avaient que quelques semaines pour trouver des stratégies, un vrai casse-tête, surtout pendant les Fêtes où les gens n’ont pas la tête au magasinage de voitures.

Une autre pierre allait toutefois tomber sur la tête des vendeurs de VÉ en début d’année 2025: le gouvernement fédéral décide à son tour de bientôt mettre fin au programme iVZE, octroyant 5 000 $ de crédit pour l’Ioniq 5. Une annonce faite le 10 janvier (un vendredi) où l’on stipulait que le programme serait abandonné le 31 mars 2025 ou plus tôt si les fonds n’y étaient plus. Or, dès le lundi suivant (13 janvier), on apprenait l’abolition immédiate du programme en question...

En agissant de la sorte, les deux paliers de gouvernement ont littéralement bousillé tous les plans stratégiques de Hyundai Canada et des autres joueurs de l’industrie, les obligeant à faire preuve de créativité. Quelques jours plus tard (et avant tous les autres constructeurs), Hyundai a fait part de son intention d’indemniser financièrement les acheteurs jusqu’au 31 janvier. Un ajout d’un rabais de 5 000 $ sur les véhicules, lesquels s’accompagnaient déjà de crédits fort généreux. Des crédits provenant de Québec, mais aussi de Hyundai Canada, qui constatait l’urgence de liquider plus de 1 600 unités de Ioniq 5 2024 reposant dans les stationnements de divers concessionnaires québécois.

Photo: Hyundai

Février 2025

Nous voilà maintenant rendus à la deuxième semaine de février. Hyundai n’octroie désormais que 3 000 $ de rabais sur les Ioniq 5 2024, alors que les modèles 2025 débarquent. Une situation que l’on corrigera sans doute dans les prochains jours, considérant que les rabais de la concurrence varient de 5 000 $ à 16 000 $. Par exemple, 5 000 $ de rabais pour le Nissan Ariya, 6 500 $ pour le Ford Mustang Mach-E, 9 000 $ pour le Kia EV6, 8 000 $ pour le Volkswagen ID.4, 14 000 $ pour le Toyota bZ4X et 16 000 $ pour le Subaru Solterra.

Or, l’importance pour Hyundai Canada de liquider réside aussi dans le fait qu’en date du 7 février 2025, il restait encore au Québec un peu plus de 1 000 Ioniq 5 2024 invendus! Oui, un millier! En décembre 2024, ils se vendaient à compter de 46 500 $ et aujourd’hui, il faut tenter de les vendre à partir d’environ 54 500 $...

Une situation épineuse lorsque l’on sait que notre ministre de l’Environnement, Benoît Charette, a confirmé le retour d’un crédit de 4 000 $ au 1er avril 2025, rendant inintéressant l’achat d’un VÉ pour les sept prochaines semaines. Cela illustre d’ailleurs toute l’ignorance et l’insouciance d’un gouvernement qui prend des décisions sans en mesurer les impacts.

Photo: Hyundai

Alors oui, 1 000 Ioniq 5. Mais dites-vous qu’il en va de même chez Volkswagen qui compte encore plus de 1 100 véhicules en stock, uniquement au Québec. Et pour que Subaru accepte d’étiqueter un Solterra avec 16 000 $ de rabais, finançable à 0,5% de taux d’intérêt, tout en confirmant qu’il n’existera pas de modèle millésimé 2025 (justement en raison de son surplus d’inventaire), cela prouve à quel point tous ceux qui vendent des véhicules électriques sont actuellement en eaux troubles.

N’oublions pas que l’achat d’un modèle 2024 en février ou mars 2025 s’accompagne d’une perte de valeur immédiate d’au moins 5 000 $, conséquence d’une année modèle antérieure. Ce à quoi vous ajouterez une forte dépréciation qui, elle, est naturelle. Pourquoi? Parce qu’en ce moment, l’offre est plus grande que la demande. Il suffit d'appeler un concessionnaire Toyota afin de savoir combien il donnerait pour un bZ4X 2024 légèrement usagé. S’il est franc, il vous dira qu’il ne peut pas payer plus que la moitié du prix initial. Or, il risque plutôt de vous répondre qu’il ne préfère pas l’acheter. Même si vous avez l’intention de vous procurer autre chose, comme un RAV4.

Photo: Toyota

Chez Hyundai, le jeu diffère un peu, puisque la popularité de l’Ioniq 5 demeure. Cela dit, personne n’acceptera d’effectuer une transaction avec seulement 3 000 $ de rabais, alors que la concurrence offre jusqu’à cinq fois plus. Et avant que l’on reparte en vrille pour commander des centaines de véhicules électriques que l’on doit supporter financièrement jusqu’à ce qu’ils soient vendus, il est clair que les concessionnaires feront preuve de prudence. Et pour ajouter au désordre, voilà que l’industrie pourrait avoir à subir des tarifs douaniers salés. Un autre élément qui pourrait avoir un sérieux impact sur l’industrie automobile, mais cette fois, pas juste celle des véhicules électriques.  

D’une voiture l’an dernier championne de la Coupe Stanley, l’Ioniq 5 ne se qualifie donc même pas pour les séries cette année. Une triste dégringolade, qui n’a rien à voir avec le produit lui-même, mais plutôt avec sa mise en marché et les décisions girouettes de nos gouvernements. Il reste à voir quels seront les chiffres de ventes de février et mars, après un mois de janvier qui n’a pas été aussi intéressant qu’anticipé.

En terminant, mon ami propriétaire d’un Kia Niro hybride et qui n’est jamais passé à l’électrification, vient justement de recevoir un appel de son concessionnaire Kia. Une offre très alléchante pour un Kia EV6 2024, de même qu’une somme très généreuse pour son véhicule qui, contrairement aux VÉ, a conservé une excellente valeur de revente. Fera-t-il le saut? Probablement pas…

À voir aussi : les cours de Hyundai sont pleines d’Ioniq 5

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