Mercury Cougar 1971-73 : le gros matou aux griffes coupées
Avec la première génération de Cougar, Mercury avait essayé de jouer sur les tableaux du luxe et de la sportivité simultanément. Avec la seconde génération, l’ambiguïté sera (plus ou moins) réglée.
Si Ford avait initialement hésité à doter la gamme Mercury d’une variante de la Mustang, le succès phénoménal de cette dernière va rapidement résoudre le problème. Présentée en 1967, la Mercury Cougar se distingue par ses lignes élégantes, son intérieur mieux fini, plus de matériaux insonorisants mais repose essentiellement sur la base technique du pony car de Ford. Mercury ajoutera une version plus luxueuse (la XR-7) ainsi que des versions plus sportives (XR7-G, GT-E, Eliminator) qui peuvent bénéficier des moteurs les plus performants de la compagnie à l’ovale bleu (Boss 302, 427, 428 Ram Air, Boss 429). Mais après un excellent départ, les ventes vont baisser régulièrement. La faute à un créneau des pony car encombré, à des tarifs d’assurance qui montent qui montent et à l’apparition d’une certaine Pontiac Grand Prix en 1969 qui va redéfinir la donne.
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Le paradoxe
La Mustang doit être complètement redessinée pour 1971. Elle sera plus longue et plus large afin de mieux accommoder les plus gros V8 dans son compartiment moteur. Le problème, c’est qu’à cause des premières normes de pollution et des tarifs d’assurance, encore eux, le marché est en train de se détourner rapidement des motorisations les plus puissantes et que la Mustang ne bénéficiera du 429 pc qu’un an seulement.

Pour la seconde génération de Cougar, Mercury décide de garder une approche similaire à la première en restant collé sur les évolutions de la Mustang. Mercury choisit cependant de rendre l’auto plus statutaire. On a l’impression que le style a été influencé par la Pontiac Grand Prix 1969, justement. Il faut dire que Semon « Bunkie » Knudsen, ancien vice-président exécutif de GM, a été président de Ford de février 1968 à septembre 1969, exactement dans la phase de développement du design de la Cougar 1971. A-t-il poussé pour aller dans la direction de Pontiac? Ce n’est qu’une hypothèse. Mais ce que l’on sait avec certitude, c’est qu’il a personnellement demandé que la Mustang grandisse et qu’il se promenait régulièrement dans les bureaux de style (voir la confrontation entre lui et Lee Iacocca pour le choix du design de la Lincoln Continental Mark IV).
Finis les phares rétractables, la Cougar 1971 hérite d’une calandre en 3 parties avec une grille en forme de chute d’eau qui semble inspirée par Lincoln. La ligne de toit est similaire à celle de la Mustang hardtop (la Cougar n’aura pas de variante fastback comme la Ford). Les clignotants arrière conservent leur allumage séquentiel. Le cabriolet, introduit en 1969, est reconduit malgré ses ventes limitées. Les ingénieurs parviennent à le rendre plus habitable. La Cougar est un peu plus longue, large et lourde que la Mustang mais partage exactement les mêmes voies.
Cougar 1967 |
Cougar 1970 |
Cougar 1971 |
Mustang 1971 |
|
Empattement (mm) |
2 819 |
2 822 |
2 847 |
2 769 |
Longueur (mm) |
4 834 |
4 981 |
5 001 |
4 813 |
Largeur (mm) |
1 808 |
1 885 |
1 908 |
1 882 |
Voie avant (mm) |
1 476 |
1 486 |
1 562 |
1 562 |
Voie arrière (mm) |
1 476 |
1 486 |
1 549 |
1 549 |
Poids à vide (kg) |
1 357 |
1 500 |
1 490 |
1 372 |

Quelques traces de sportivité
La gamme Cougar 1971 comprend deux niveaux de finition. Le modèle de base (3 289 USD/3 769 CAD en coupé, 3 681 USD/4 219 CAD en cabriolet) vient avec un 351 pouces cubes (5,8 litres) à carburateur Motorcraft 2 corps, la boîte manuelle à 3 rapports, des sièges avec appuie-têtes intégrés, une mini console centrale et des essuie-glaces rétractables. La version XR-7 (3 629 USD/4 145 CAD en coupé, 3 877 USD/4 453 CAD en cabriolet) ajoute le toit en vinyle, l’instrumentation complète (compte-tours, voltmètre, et pression d’huile), le volant trois branches, la sellerie en cuir, des appliques de ronce de plastique sur le tableau de bord, des enjoliveurs de roues exclusifs et des rétroviseurs profilés.

Les options ne manquent pas : boîte automatique à 3 rapports C6 Select-Shift (qui équipera 96,9% des Cougar en 1971), boîte manuelle à 4 rapports avec levier Hurst (indisponible sur le 351 pc 2 corps), freins et direction assistés, différentiel à glissement limité, suspension renforcée, vitres électriques, volant inclinable, radios, vitres teintées, dégivrage électrique arrière (même au Canada, il faut le faire!), climatisation, console centrale complète, horloge électrique, toit ouvrant… Bref, si la Cougar se veut haut de gamme, l'acheteur doit obligatoirement mettre la main à la poche pour avoir un véhicule un tant soit peu luxueux. Pour la performance, vous pouviez choisir le 351 pc 4 corps ou le 429 Cobra-Jet qui ne pouvaient être couplés qu’à la manuelle 4 vitesses ou l’automatique.
1971 (Brut) |
1972 (Net) |
1973 (Net) |
|
351 pc (5,8 L) 2 corps |
240 ch / 350 lb-pi |
168 ch / 280 lb-pi |
168 ch / 256 lb-pi |
351 pc (5,8 L) 4 corps |
285 ch / 370 lb-pi |
262 ch / 301 lb-pi |
|
351 pc (5,8 L) 4 corps Cobra-Jet |
266 ch / 305 lb-pi |
264 ch / 314 lb-pi |
|
429 pc (7,2 L) 4 corps Cobra-Jet |
370 ch / 450 lb-pi |
Le 429 pc est aussi disponible avec l’induction d’air forcée Ram Air comprenant une prise d’air fonctionnelle sur le capot. Curieusement, les chiffres de puissance et de couple annoncés restent les mêmes (certainement pour calmer les compagnies d’assurance). Les Cougar équipées du 429 seront évidemment très rares avec seulement 448 exemplaires produits (401 coupés et 47 cabriolets, voir photo ci-dessous).

Il existe également un groupe d’option GT (sur le coupé de base uniquement) qui comprend une prise d’air sur le capot (fonctionnelle uniquement avec le 429 pc Ram Air), deux rétroviseurs extérieurs profilés, la suspension et le système de refroidissement renforcés, un fini noir de la planche de bord, des pneus à flancs blancs, un rapport de pont raccourci et un compte-tours. Cette option sera elle aussi très rare avec seulement 723 Cougar qui en seront équipées. Elle sera pourtant reconduite pour 1972.
Ce changement de positionnement ne sera pas la réussite attendue par Ford. D’un côté, la Cougar vit encore dans l’ombre de sa cousine Mustang et de l’autre, elle subit la pression des coupés personnels de luxe comme la Grand Prix et la Monte Carlo (voir tableau de production en fin de texte). L’effet nouveauté n’a pas joué et, par rapport à 1970, la production baisse : 62 864 exemplaires contre 72 343 l’année précédente. Le cabriolet sera une vraie rareté (5,5% des ventes).

De moins en moins
La preuve que Mercury n’est pas très satisfait des ventes de 1971 est que les prix baissent pour 1972 : -305 USD/-360 CAD en moyenne, soit presque 8,5%. Mais les bonnes nouvelles s’arrêtent là : le 429 est mis aux oubliettes et il est remplacé par un 351 pc Cobra Jet développant tout de même 266 chevaux nets (c’est nouveau pour 1972). C’est le seul bloc à pouvoir encore recevoir la boîte manuelle à 4 rapports. Avec ces changements limités, la clientèle ne semble pas suivre et la production baisse de 14,6%. Petit détail intéressant qui donne une indication sur l’avenir du modèle : c’est la première fois que la XR-7 se vend mieux que la version de base.

Les modifications sont plus substantielles pour 1973. L’avant est revu pour pouvoir accueillir les nouveaux pare-chocs mandatés par le gouvernement fédéral américain (ils doivent résister à un impact de 8 km/h sans dégâts). La grille est redessinée, tout comme les clignotants avant et les phares arrière. Ces modifications ajoutent 52 kilos sur la balance. Le 351 pc 4 corps est retiré du catalogue ainsi que la boîte manuelle à 3 rapports (du moins aux États-Unis, elle est encore mentionnée dans le catalogue canadien imprimé en août 1972). Les freins assistés viennent dorénavant de série. La production de 1973 monte de 12,9%, possiblement parce que la clientèle sait que la Cougar va être renouvelée pour 1974.

1971 |
1972 |
1973 |
Total |
|
Cougar hardtop |
34 008 |
23 731 |
21 069 |
78 808 |
Cougar hardtop XR-7 |
25 416 |
26 802 |
35 110 |
87 328 |
Cougar cabriolet |
1 723 |
1 240 |
1 284 |
4 247 |
Cougar cabriolet XR-7 |
1 717 |
1 929 |
3 165 |
6 811 |
Total Cougar |
62 864 |
53 702 |
60 628 |
177 194 |
Ford Mustang |
151 428 |
125 093 |
134 817 |
411 338 |
Chevrolet Monte Carlo |
112 599 |
180 819 |
290 693 |
584 111 |
Pontiac Grand Prix |
58 325 |
91 961 |
153 899 |
304 185 |
À la croisée des chemins
Les Mustang et Cougar 1971-73 n’ont pas répondu aux attentes de la direction de Ford. Les temps changent : la performance n’est plus au goût du jour et ce sont les coupés personnels de luxe qui sont tendance (comme GM a pu l’observer avec l’explosion des ventes de Monte Carlo et Grand Prix, renouvelées en 1973, voir tableau ci-dessus).
Que faire? Ford va couper la poire en deux et réduire dramatiquement la taille de la Mustang pour 1974 en utilisant le châssis de la Pinto et faire de la Cougar un coupé personnel de luxe en bonne et due forme en la basant sur le châssis de la Torino. Dans les deux cas, le pari sera réussi avec des ventes en forte augmentation pour 1974. À partir de 1980, le destin de la Cougar sera lié à celui de la Thunderbird. Mais cela ne veut pas dire que Mercury ne tentera pas quelques expériences bizarres avec le modèle comme des carrosseries 4 portes ou familiales qui vont lui faire plus de mal que de bien. Mais ceci est une autre histoire…