Fiasco de SAAQclic : un rapport accablant du Vérificateur général
Comment des dirigeants de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) ont-ils pu cacher des retards, des problèmes informatiques et une explosion des coûts de 500 millions $ alors que le gouvernement donnait le feu vert au déploiement catastrophique de SAAQclic?
Le premier ministre François Legault affirme avoir été berné. « On nous a menti », plaident les ministres.
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Dans son rapport déposé jeudi, le Vérificateur général du Québec fait état de cachotteries qui auraient été orchestrées par un petit groupe de personnes au sein de la société d’État. Est-ce possible qu’à lui seul, le département responsable du projet SAAQclic ait pu flouer la haute direction, le conseil d’administration et les élus, ultimement responsables de faire atterrir la première grosse transformation numérique de l’histoire du Québec?

Des données qui ont été falsifiées
La transformation numérique de la SAAQ dérapait depuis longtemps, selon le rapport du VG. En juin 2020, tous les indicateurs liés aux risques informatiques et aux respects des coûts du projet étaient dans le rouge. Puis, du jour au lendemain, ils sont devenus verts, modifiés par les dirigeants du programme.
La direction des technologies de l’information, sous la gouverne de Karl Malenfant, aurait fait miroiter que le programme CASA, censé moderniser l’organisation avec la plateforme SAAQclic, était sur la bonne voie, note la VG Guylaine Leclerc. Elle signale que les indicateurs étaient falsifiés pour faire croire qu’ils respectaient les cibles d’échéance et de coûts.
Entre-temps, le budget de 638 millions $ a explosé. Les coûts atteindront « minimalement » 1,1 milliard $ d’ici 2027.

Pourquoi le feu vert a-t-il été donné?
Le nouveau PDG de la SAAQ, Éric Ducharme, soutient aujourd’hui que le déploiement de SAAQclic n’aurait pas dû avoir lieu.
En novembre 2022, la haute direction et le CA avaient été informés du retard dans la réalisation des tests informatiques finaux. Pour cette raison, la SAAQ a reporté à février 2023 la mise en service.
Pourtant, au lancement, 20% du travail restait incomplet. Plusieurs avis écrits et un verbal ont été émis par des experts afin d’avertir les responsables des risques de dérapage. Le gouvernement dit avoir été trompé.
« Moi, je n’étais au courant de rien de ça. Je n’ai pas mis de pression sur qui que ce soit. Je suis extrêmement choquée qu’on nous ait menti », a affirmé la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

Des services toujours pas au rendez-vous
Le déploiement désastreux de SAAQclic a mené à des bogues informatiques, à des fermetures du service, à des retards dans la prise de rendez-vous et à de longues attentes dans les succursales.
Selon le rapport du VG, la mise en service du nouveau système a certes entraîné des problèmes importants et n’a pas encore engendré les bénéfices attendus. Une sous-estimation colossale de la complexité du volet « permis, immatriculation et contrôle routier » a fait grimper le budget de plus de 300%. Par exemple, la simplification des factures n’a pas été mise en place.
Cependant, le VG estime que la transformation numérique était nécessaire en raison de la désuétude de l’ancien système.

Qui est responsable de ce fiasco?
La ministre des Transports Geneviève Guilbault a promis de faire la lumière. Elle avait pourtant déjà mandaté en 2023 le PDG Éric Ducharme afin d’obtenir des réponses et qu’il fasse le ménage à la SAAQ. Le rapport du VG les fait mal paraître. Ils n’avaient rien vu ni entendu.
L’actuel PDG a visé du bout des lèvres l’ex-vice-président aux technologies de l’information aujourd’hui à la retraite. « Karl Malenfant avait un très grand rôle à jouer avec son collègue de [la firme informatique] LGS », a-t-il dit. Il a admis qu’il y aurait matière à enquête interne, sans s’engager à la déclencher.
Selon les libéraux, les parlementaires ont été trompés et « tout le monde était au courant ». Or, la VG Guylaine Leclerc ne peut se prononcer sur ce que savaient les ministres. Qu’en est-il de la responsabilité ministérielle?
Selon l’Assemblée nationale, « un ministre doit répondre non seulement de ses propres actions, mais aussi de celles de ses fonctionnaires. Il pourrait même être forcé de démissionner en raison d’un cas important de mauvaise gestion. »