Chevrolet Monte Carlo 1978-80 : le début de la fin
Au milieu des années 70, Chevrolet a ce qu’on appelle un bon problème : la seconde génération de Monte Carlo se vend comme des petits pains chauds et dégage des profits importants pour la marque. Mais il va falloir la remplacer et différents facteurs vont venir troubler la belle histoire.
Il faut remercier Pontiac pour le lancement de la Chevrolet Monte Carlo. Face à l’érosion des ventes de sa Grand Prix basée sur un châssis pleine grandeur, la direction de Pontiac, menée par John DeLorean (futur fabricant de coupés à portes papillon éventuellement capables de voyager dans le temps), décide de transférer le modèle sur un châssis intermédiaire. Montée sur un empattement de 116 pouces (2,95 m) mais avec un avant très long, la première Grand Prix est lancée pour le millésime 1969. Afin de réduire les coûts, DeLorean montre les plans de l’auto à Pete Estes, directeur de Chevrolet et ancien patron de DeLorean. Les deux conviennent de partager l’outillage du toit et Chevrolet pourra présenter son coupé de luxe personnel en 1970. Ainsi est née la première Monte Carlo. Elle réalise un bon démarrage et 439 393 exemplaires sont produits en à peine 3 ans.
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Pour la seconde génération, lancée au millésime 1973, Chevrolet efface toute connotation sportive et vise d’abord et avant tout le luxe. Mais, et c’est paradoxal, John DeLorean, qui est entre temps devenu directeur général de Chevrolet, insiste pour que la Monte Carlo tienne aussi bien la route que des véhicules européens. Les ingénieurs de Chevrolet y arriveront… presque. N’empêche, grâce à son comportement sain, ses lignes baroques et ses tarifs intéressants, la Monte Carlo va battre des records de ventes avec 1 626 129 exemplaires produits en 5 ans (voir photo ci-dessous). Nous sommes alors à l’âge d’or des coupés personnels de luxe : Mercury a converti sa Cougar en 1974, Chrysler a lancé la Cordoba en 1975 et Ford a transformé sa Thunderbird de modèle pleine grandeur en coupé intermédiaire en 1977.

Trop, c’est trop!
Évidemment, Chevrolet a dû réduire les dimensions de la Monte Carlo pour le millésime 1978 à cause de la crise du pétrole de 1973. Eh bien, en fait, pas du tout! Lorsque GM a lancé ses nouveaux modèles pleine grandeur en 1971, la clientèle a commencé à se plaindre que les autos étaient trop grosses, trop lourdes, trop énergivores et difficiles à garer. C’est dans ce contexte qu’est présenté à la direction de la corporation un plan de réduction des tailles des futurs véhicules en décembre 1972. L’idée est d'introduire une toute nouvelle génération de modèles pleine grandeur pour 1977 et d’intermédiaires, y compris la Monte Carlo, pour 1978. Ainsi, lorsque le premier choc pétrolier éclatera, GM sera déjà en travailler sur des modèles plus adaptés aux conditions changeantes du marché.
Pour la Monte Carlo, cela se traduit par une réduction de l’empattement du châssis A-Body de 116 à 108,1 pouces (2,75 m). Pour les designers, cela pose un problème car ils reçoivent la mission de garder des lignes proches de celles de la génération sortante, qui est 26 cm plus longue. Adapter ce style à de nouvelles proportions ne sera pas chose facile. Les études dureront toute l’année 1974. Au début, ce sont les lignes souples qui sont privilégiées, avec des calandres à 4 phares ronds (un peu comme la Chrysler Cordoba). Une version 4 portes est même un temps envisagée. Finalement, le directeur du design de GM, Bill Mitchell, poussera pour un style avec des arêtes plus marquées qu’il avait baptisé « sheer look » et qui avait été inauguré sur la Cadillac Seville de 1975. C’est pourquoi la Monte Carlo 1978 fait « mélange des genres »… Les pare-chocs en acier sont remplacés par des unités en plastique soulignées par deux barres chromées à l’avant et à l’arrière. Les quatre phares des modèles 1976-77 deviennent deux à l’avant, les feux arrière passent de verticaux à horizontaux et la vitre opéra dans le montant arrière disparaît au profit d’une vitre classique, mais fixe.

Beaucoup en moins et un peu en plus
Les nouvelles A-Body reposent toujours sur un châssis en échelle. Les réductions de dimensions sont sensibles (voir tableau ci-dessous) mais les ingénieurs parviennent tout de même à maintenir les cotes d’habitabilité, voire même à les augmenter. Le volume du coffre est également plus généreux.
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Dimensions en mm |
1973 |
1978 |
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Empattement |
2946 |
2745 |
|
Longueur |
5347 |
5090 |
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Largeur |
1971 |
1816 |
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Hauteur |
1351 |
1370 |
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Voie avant |
1572 |
1486 |
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Voie arrière |
1552 |
1467 |
|
Poids à vide (V8, kg) |
1684 |
1440 |
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Hauteur plafond avant |
955 |
965 |
|
Hauteur plafond arrière |
950 |
961 |
|
Espace aux jambes avant |
1074 |
1086 |
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Espace aux jambes arrière |
841 |
923 |
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Largeur aux hanches avant |
1422 |
1311 |
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Largeur aux hanches arrière |
1344 |
1394 |
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Largeur aux épaules avant |
1494 |
1402 |
|
Largeur aux épaules arrière |
1450 |
1419 |
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Volume coffre (L) |
416 |
456 |
Le gain en poids est conséquent : près de 240 kg… avec le V8. Car se cache sous le capot une première dans l’histoire de la Monte Carlo : un V6 de 231 pc (3,8 litres) en monte standard (voir gamme des moteurs canadiens en fin de texte). Un V8 de 305 pc (5 litres) reste offert en option. La boîte de vitesses de base sur le V6 est une manuelle à 3 rapports alors qu’il peut recevoir une manuelle à 4 rapports ou une automatique à 3 rapports contre supplément. Ces deux dernières sont les seules disponibles avec le V8. Cela n’étonnera personne que les transmissions manuelles aient été extrêmement peu commandées (2 601 exemplaires en 1978).

Grâce à ce gain de poids, la consommation moyenne du modèle de base est en baisse de 23% par rapport à celle de la Monte Carlo 1977 et les performances restent à peu près similaires malgré des puissances réduites. La troisième génération parvient à conserver les acquis de la seconde en matière de comportement routier avec des ressorts hélicoïdaux aux quatre coins et des barres antiroulis à l’avant et à l’arrière. De plus, une suspension renforcée et un différentiel à glissement limité Positraction sont livrables en option. Les freins sont à disque à l’avant et à tambour à l’arrière.
Deux versions sont offertes : de base, appelée aussi Sport, proposée à 4 785 USD/5 534 CAD et Landau pour 5 678 USD/6 570 CAD. Cette dernière ajoute au maigre équipement de base des enjoliveurs de roues de luxe, des moulures latérales de bas de carrosserie, des rétroviseurs sport, des filets de peinture décoratifs, le toit en vinyle et les freins assistés. Les options ne manquent pas : intérieur en vinyle, condamnation centrale des portes, volant inclinable, roues Rally (sauf sur Landau), sièges baquets, toit ouvrant électrique, vitres électriques, sièges électriques, antenne électrique, choix de radios (dont une avec lecteur 8 pistes), haut-parleur (au singulier) arrière, direction assistée, régulateur de vitesse, instrumentation sport, console centrale (avec sièges baquets), désembuage arrière, vitres teintées et différentes garnitures de luxe. Un toit T-Top avec panneaux en verre est aussi livrable, une première dans l’histoire du modèle. Bref, un coupé personnel de luxe qui n’est luxueux que de nom… Enfin, il y a 14 teintes disponibles.

Victoire de la forme sur le fond
Chevrolet présente ses modèles 1978 le 6 octobre 1977. Les nouvelles Monte Carlo sont plutôt bien accueillies par la presse mais, contrairement à 1973, elles ne recevront pas le titre de « Voiture de l’année » de la part du magazine Motor Trend pour 1978, celui-ci allant aux Dodge Omni et Plymouth Horizon.
Dans son édition de 1978, le Guide de l’auto réalise un essai combiné des Chevrolet Monte Carlo et Pontiac Grand Prix (qui repose sur la même plateforme). La conclusion est loin d’être enthousiaste : « Au risque de nous répéter, il faut conclure que les nouvelles Chevrolet Monte Carlo et Pontiac Grand Prix risquent de décevoir la clientèle habituelle de ces modèles. Les voitures n’ont plus le même cachet et même si, logiquement, elles offrent davantage du côté des performances et de l’habitabilité, nous croyons qu’elles sont peut-être trop discrètes. À notre avis, un coupé deux portes Malibu bien équipé offrira à meilleur compte tout autant qu’une Monte Carlo tandis qu’une Grand LeMans aura les mêmes avantages par rapport à une Grand Prix ». Le confort et le silence de roulement ont été appréciés mais le freinage et la visibilité trois-quarts arrière ont été vus comme problématique. La fiabilité a également été jugée incertaine, le moteur calant parfois lors de virages ou freinages brusques.

Malgré un segment des coupés personnels de luxe très encombré, la Monte Carlo parvient à réaliser la deuxième meilleure année de son histoire mais reste en retrait de 12,9% par rapport au record de 1977.
Un nouveau souffle… enfin…
Contrairement aux habitudes de Detroit par rapport à la deuxième année d’un nouveau modèle, les changements ne vont pas manquer pour 1979. Esthétiquement, la grille, les feux latéraux avant et les phares arrière sont redessinés, les selleries sont modifiées tandis que le toit en vinyle ne couvre plus le montant arrière mais juste le toit. La peinture deux tons est disponible en option. Techniquement, le V6 de 3,3 litres introduit en cours de millésime 1978 comme option devient le bloc de série. La boîte de base reste la 3 rapports manuelle, seulement sur le V6 standard (seulement 1 412 exemplaires en seront équipés) alors que la manuelle à 4 vitesses est supprimée. Un nouveau V8 de 4,4 litres est ajouté à la gamme tandis que le 5 litres voit son carburateur passer de 2 à 4 corps.
Suite au second choc pétrolier, l’économie nord-américaine commence à ralentir et cela se ressent sur la production de la Monte Carlo, qui baisse de 11,5%. Mais cela n’est rien face à ce qui s’en vient en 1980…

Pour ce nouveau millésime, la calandre avant est entièrement redessinée : nouvelle grille et quatre phares carrés avec les clignotants et feux de position situés dessous. Le moteur de base redevient un 3,8 litres mais il s’agit d’un 229 pc produit par Chevrolet plutôt que du 231 pc provenant de chez Buick. La boîte manuelle à 3 rapports est logiquement supprimée. L’équipement de base comprend alors la boîte automatique ainsi que la direction et les freins assistés. À l’intérieur, les selleries et garnitures sont révisées et de nouvelles roues Rally sont disponibles.

Mais la grosse nouveauté de cette année modèle, c’est le V6 turbo de 3,8 litres. Basé sur le bloc Buick, il reçoit un carburateur 4 corps et un turbocompresseur qui font passer la puissance à 170 chevaux et le couple à 265 lb-pi. En conditions réelles, les performances ne sont pourtant pas bluffantes, le turbo mettant un certain temps à réagir, ni les économies d’essence. Cependant, 13 839 acheteurs se laisseront tenter par cette option qui se distingue par un bossage additionnel sur le capot (voir photo ci-dessous, une rareté qui combine ce moteur avec le toit T-Top).

Gamme des moteurs canadiens
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1978 |
1979 |
1980 |
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V6 200 pc (3,3 litres) 2 corps |
Option (95 chevaux)* |
Standard (94 chevaux) |
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V6 229 pc (3,8 litres) 2 corps |
Standard (115 chevaux) |
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V6 231 pc (3,8 litres) 2 corps |
Standard (105 chevaux) |
Option (115 chevaux) |
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|
V6 231 pc turbo (3,8 litres) 4 corps |
Option (170 chevaux) |
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V8 267 pc (4,4 litres) 2 corps |
Option (125 chevaux) |
Option (120 chevaux) |
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|
V8 305 pc (5,0 litres) 2 corps |
Option (145 chevaux) |
||
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V8 305 pc (5,0 litres) 4 corps |
Option (160 chevaux) |
Option (155 chevaux) |
* : offert en cours de millésime
L’économie est alors en train de plonger et la production de la Monte Carlo prend une débarque de 53%! Il faut dire aussi que les tarifs ont sensiblement augmenté (6 524 USD/7 279 CAD comme prix de base) et que la concurrence se renouvelle (notamment la Ford Thunderbird).

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Monte Carlo Sport |
Monte Carlo Landau |
Total |
|
|
1978 |
216 730 |
141 461 |
358 191 |
|
1979 |
225 073 |
91 850 |
316 923 |
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1980 |
116 580 |
32 262 |
148 842 |
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Total |
558 383 |
265 573 |
823 956 |
Considérés comme une quatrième génération, les modèles 1981 ne sont en fait qu’un restylage profond sur la même base technique destiné à améliorer l’aérodynamisme afin de réduire encore les consommations. La production remontera un peu pour ce millésime mais la chute commencée en 1980 continuera inexorablement jusqu’à la fin du modèle en 1988. Cette génération aura droit au meilleur (versions SS et Aerocoupe) comme au pire (moteurs diesel avec un V8 de 105 chevaux… et un V6 de 85 chevaux!).

Ensuite, la Monte Carlo ne reviendra qu’en 1995, cette fois-ci en tant que traction avant à construction monocoque basée sur la plateforme W-Body de la Lumina. Mais ceci est une autre histoire…
