La voiture électrique est moins coûteuse qu’en 2024
Encouragés par des subventions de 12 000 $, les Québécois ont acheté l’an dernier un nombre record de véhicules électriques. Pratiquement un véhicule sur trois vendu lors des derniers mois de 2024 était électrique ou hybride rechargeable. Et pour cause, le Programme Roulez vert allait diminuer la subvention de 7 000 $ à 4 000 $, et que celle du fédéral serait réévaluée.
Les concessionnaires ont donc fait de très bonnes affaires en vendant ces véhicules à fort prix, sans un sou de rabais et financés à des taux parfois presque usuraires, parce que la demande y était. Beaucoup de Québécois convaincus de faire la meilleure affaire en ville se sont « garrochés » pour se procurer des véhicules à 55 000 $, 60 000 $, et même à 75 000 $, en profitant toujours de ces subventions, soit 5 000 $ du fédéral et 7 000 $ du provincial.
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Aujourd’hui, à peu près un an après cette folie, l’heure est à la constatation. La subvention provinciale est bel et bien descendue à 4 000 $ (après avoir été temporairement retirée entre le 1er février et le 31 mars 2025), tandis que le fédéral a laissé tomber la sienne en l’espace d’une fin de semaine, prouvant d’une part la mauvaise gestion de ces fonds et d’autre part le désintérêt du Canada envers cette industrie.
Dès lors, les ventes de véhicules électriques se sont mises à chuter, causant de sérieux maux de tête aux constructeurs et aux concessionnaires. En effet, les stocks de VÉ étaient encore présents en forte quantité, parce que les Québécois en achetaient beaucoup plus que le reste des Canadiens. Et c’est à ce moment que le vrai jeu a commencé…

De l’eau dans le vin
Avec plusieurs millions de dollars d’inventaire de véhicules électriques qui, du jour au lendemain, devenaient beaucoup plus difficiles à vendre, les concessionnaires ont joué de stratégies. Certains se sont plaints (avec raison) à leurs constructeurs respectifs, contestant ce trop fort pourcentage de véhicules électriques leur étant imposés au détriment des autres modèles à essence. D'autres concessionnaires ont développé des stratégies maison pour liquider leurs stocks.
Quoi qu’il en soit, on a pu constater qu’en 2024 les constructeurs et les concessionnaires avaient fait des affaires d’or en vendant, pendant toute une année, une quantité invraisemblable de véhicules au prix de détail suggéré, sans un sou de rabais, et avec divers produits financiers qui s’ajoutaient facilement à une facture à première vue très alléchante. Ainsi, une garantie prolongée de 3 000 $ et un traitement antirouille à 1 000 $ allaient procurer une meilleure tranquillité d’esprit l’acheteur qui faisait le pas vers l’électrification pour la première fois, et qui ne voulait surtout pas rater la chance de profiter des subventions.
De ce fait, au tournant de l’automne, Chevrolet vendait pas moins de 100 Equinox EV par jour dans la Belle Province, à des prix oscillant entre 53 000 $ et 61 000 $ avant taxes, mais avant l’application des subventions. Les gens croyaient faire une bonne affaire, même s’ils déboursaient souvent beaucoup plus que pour un véhicule standard qu’ils se seraient procuré dans autre contexte.
Hélas, à présent, on constate que le Chevrolet Equinox EV coûte moins cher qu’à pareille date l’an dernier, et ce, malgré la diminution des subventions de 66,6%. Celles-ci sont en effet passé de 12 000 $ à 4 000 $, représentant en réalité une somme avant taxes de 3 479 $. Or, une baisse du taux de financement d’un véhicule financé sur un terme de 5 à 7 ans, peut réduire le coût d’achat réel de plus de cette somme.
Et nous en avons la preuve puisque de nos jours la plupart des marques incluant Chevrolet proposent des taux plus alléchants que pour leurs véhicules à essence. Des taux à 0%, 0,9% ou 1,9%, accompagnés de rabais colossaux, comme c’est le cas pour la Fiat 500e (jusqu’à 9 000 $ de rabais) ou le Ford Mustang Mach-E de base qui, avant même l’application de la subvention, voit sa facture allégée de plus de 11 000 $.

Le résultat d’une analyse que j’ai pu réaliser au cours de la dernière semaine illustre qu’à l’exception des Tesla, la très grande majorité des véhicules électriques de masse coûtent dorénavant moins cher qu’à pareille date l’an passé. Des mensualités parfois amoindries de 100 $ par mois, sinon des prix un tantinet inférieurs, parce que les constructeurs ont mis de l’eau dans leur vin. En gros, les rabais jadis octroyés par nos gouvernements le sont aujourd’hui par les manufacturiers. Autrement dit, si le Canada n’offre plus sa subvention de 5 000 $ et que Québec réduit la sienne de 3 000 $, les manufacturiers les compensent.
Et ce sera pareil l’an prochain, lorsque la subvention provinciale dégringolera de 4 000 $ à 2 000 $. Sauf si le ministre Bernard Drainville (nouveau ministre de l’Environnement) décide de la retirer prématurément. Selon moi, ce serait la meilleure chose à faire étant donné que l’on a désormais la preuve que le gouvernement a rempli les poches des concessionnaires et donc, que les contribuables ont généreusement contribué à ce que des individus puissent se payer des véhicules plus chers, parfois même à plus d’une reprise, en leur signant chaque fois un beau chèque de 12 000 $.
Attention, je ne dis pas que les subventions n’ont pas aidé à démocratiser et à populariser la voiture électrique! Au contraire, celles-ci ont permis au plus grand nombre de s’y intéresser, en proportion plus que partout ailleurs en Amérique du Nord. Et elles ont forcé les fabricants à faire des efforts pour vendre chez nous des véhicules qui n’auraient certainement pas été offerts en aussi grande quantité. Toutefois, elles ont aussi contribué à la profitabilité des concessionnaires...
Je suis d’avis qu’aujourd’hui, les subventions accordées par le Programme Roulez vert du gouvernement du Québec doivent être immédiatement retirées, sachant que les constructeurs ajusteront leurs prix et qu’ils offriront des produits répondant aux désirs et aux besoins de la clientèle, et non pas aux exigences des plafonds d’admissibilité aux subventions gouvernementales.
Je suis également défavorable à un retour de la subvention promise par le fédéral en juin dernier, et qui se fait toujours attendre. Cela pourrait permettre aux constructeurs de hausser les taux de financement et de diminuer les rabais sur leurs véhicules. Nous en saurons davantage lors du dépôt du prochain budget fédéral, le 4 novembre 2025.
En attendant, le véhicule électrique est plus accessible qu’avant, disponible et accompagné de généreux rabais et d’offres de financement quasi inégalables. Sachant cela, n’est-il donc pas ironique de constater que les ventes de VÉ ont chuté de près de 40% au Québec? Tout ça, parce que l’on nous a vendu les subventions comme étant l’aubaine du siècle, alors qu’on le sait, le marché automobile s'ajuste constamment. Parce qu’il s’agit toujours d’une question d’offre et de demande.
