Conduire une kei car au Japon, c’est comment?

Publié le 26 novembre 2025 dans Blogue par Julien Amado

Tokyo, Japon – Le marché automobile japonais ne ressemble pas du tout au nôtre. Même si certains véhicules vendus chez nous se retrouvent aussi sur les routes nippones, un grand nombre de modèles circulant au Japon ne font jamais le déplacement jusque chez nous.

C’est notamment le cas des voitures kei (aussi appelées kei cars) diminutif du mot japonais Keijidōsha que l’on pourrait traduire par « voiture légère » même si cela n’a pas tout à fait la même signification que chez nous. En effet, des règles précises encadrent la production de ces véhicules. Et dans notre référentiel, on pourrait plutôt parler de véhicules très très légers!

Les voitures kei ne peuvent pas dépasser 3,40 mètres de long, 1,48 m de large et 2 m de haut. C’est tout de même 23 cm moins long et 20 cm moins large qu’une petite Fiat 500e! Mais ce n’est pas tout, le moteur ne peut pas cuber plus de 660 cc et sa puissance ne doit pas dépasser 47 kW, soit 63 chevaux chez nous. Autre différence importante, ce type de véhicule se distingue des autres par ses plaques d’immatriculation. Elles sont jaunes pour les voitures particulières, et noires pour les véhicules à usage professionnel. Enfin, ces voitures offrent aussi des avantages sur le plan fiscal, les propriétaires payant moins cher pour posséder une kei que pour un véhicule normal.

Photo: Julien Amado

Si ces voitures sont une incongruité amusante vue d’Amérique du Nord, elles répondent à plusieurs problématiques au Japon. D’abord, l’archipel nippon est extrêmement peuplé, l’agglomération de Tokyo correspondant à celle du Canada tout entier! La très forte densité de population fait en sorte qu’il y a peu de stationnement, et que quand ils sont disponibles ils sont étroits et courts. Même chose pour les rues de la ville, dont certaines laissent à peine la place pour un véhicule. Enfin, le Japon est un pays très fortement industrialisé qui importe la totalité de ses sources d’énergie ou presque. Limiter la consommation de carburant pour les voitures particulières est donc encouragé par les autorités.

Une (toute) petite Honda

Pour cet essai routier un peu spécial, nous avons volontairement loué une voiture kei, qui était par ailleurs la moins chère chez le loueur. À 61 $ la journée (excluant les assurances), le tarif était plutôt alléchant!

Beaucoup de constructeurs nippons vendent ces voitures, comme Nissan, Mitsubishi, Suzuki, Daihatsu, Mazda ou Subaru. Mais le hasard a fait que c’est un véhicule de la Série N de Honda qui nous a été attribué. Cette gamme regroupe plusieurs petits véhicules au Japon, notamment la N-One qui n’est pas sans rappeler la défunte Honda e qui n’a jamais été vendue chez nous.

Photo: Honda

Pour notre part, nous avons pris le volant d’une Honda N-WGN, un diminutif de Wagon…alors que le véhicule ne ressemble en rien à une familiale!

La voiture mesure 3,40 m de long et 1,48 m de large, en revanche la hauteur maximale n’est pas atteinte (1,68 m). Elle possède aussi quatre petites roues rejetées dans les coins. Cela dit, les jantes mesurent tout de même 14 pouces alors que nous aurions pensé à des 12 pouces à l’œil nu. En revanche, la dimension des gommes (155/65R14) renvoie aux années 70 ou 80 chez nous.

La petitesse du capot est étonnante, surtout lorsqu’on regarde jusqu’où se rend le poste de conduite. Le moteur est un 3 cylindres en ligne respectant la cylindrée maximale de 660 cc, tandis que le poids culmine à 850 kg. La puissance est un peu plus faible que ce qui est autorisé (58 chevaux) tandis que le couple s’élève à 48 lb-pi. C’est très peu puisqu’une Mitsubishi Mirage offrait respectivement 78 ch et 74 lb-pi! Enfin, sachez que la boîte de vitesses retenue est une CVT.

Ce n’était pas le cas de notre modèle d’essai, mais sachez que la gamme N propose aussi de versions à moteur turbo pour offrir la puissance maximale (63 ch), plus de couple (77 lb-pi) et même un rouage intégral!

Photo: Julien Amado

C’est grand pour une petite voiture

Voiture pragmatique par excellence, une kei a pour mission d’être la plus logeable possible dans un minimum d’espace. Notre Honda ne déroge pas à la règle avec un habitacle étonnamment spacieux pour sa taille, quatre vraies places et un très bon dégagement à la tête. À l’avant, les sièges rappellent les banquettes des bateaux américains (à une échelle différente…) avec une assise très plate mais qui coulisse indépendamment pour le conducteur et le passager.

Photo: Julien Amado

Le tableau de bord, très droit et carré, va à l’essentiel. Un bloc d'instrumentation regroupant toutes les fonctions importantes, un emplacement pour mettre le système de navigation de votre choix et trois cadrans face au conducteur. C’est simple, mais fonctionnel. En revanche, le fait de vendre le véhicule à bas prix impose certains sacrifices sur la qualité des plastiques, durs et peu flatteurs au toucher pour la plupart. L’agencement bicolore apporte tout de même un peu de gaité à l’ensemble.

Photo: Julien Amado

Enfin, le coffre est très facile d’accès grâce au hayon rectiligne qui se soulève en totalité et possède un seuil très bas. Le volume n’est pas immense mais il est possible de changer la disposition grâce à deux tablettes qui permettent aussi de cacher des objets à la vue des passants.

Photo: Julien Amado

Une kei à l’assaut du « Fujisan »

Le Mont Fuji, aussi appelé « Fujisan » par les Japonais, est une montagne sacrée doublée d’un symbole du pays. Culminant à 3 776 mètres d’altitude, il est en partie visitable en voiture. Inutile de vous dire qu’entre la faible puissance et l’air raréfié, notre Honda N-WGN va avoir fort à faire!

Au démarrage, le moteur ne se fait pas trop entendre…et c'est mieux car sa sonorité n’a rien d’enivrant! Essentiellement urbains, les véhicules kei sont comme des poissons dans l’eau en ville. Nous ne nous sommes jamais faufilés avec autant de facilité dans la circulation! La N-WGN tourne « sur un 10 cennes » ou plutôt…sur un « 10 Yens » pour faire plus local.

Photo: Julien Amado

Jusqu’à 40 km/h la voiture avance sans trop se faire prier. Mais se lancer sur une voie rapide demande une certaine anticipation! Passer de 40 à 80 km/h est plutôt laborieux, et il faut faire attention aux voitures « normales » déjà engagées sur l’autoroute lorsqu’on emprunte une voie d’accélération. Il n’y avait pas de vent lors de notre essai, et le véhicule s’est montré stable en dépit d’un aérodynamisme plus proche de l’armoire que du missile profilé.

C’est lorsque nous avons dû grimper plus fortement que le moteur a commencé à peiner. Même avec l’accélérateur à fond, le moteur s’époumonait jusqu’à 6 500 tr/min sans parvenir à maintenir l’allure. Mais la vue absolument magnifique sur le Fujisan valait bien tous ces efforts!

Photo: Julien Amado

Et en tant qu’amateurs d’automobile, nous avons évidemment fait un détour du côté du Fuji Speedway, piste mythique qui a accueilli des épreuves de calibre international comme la Formule 1, l’Endurance, le Super GT, la Super Formula, etc. Il n’était évidemment pas question d’aller faire crisser les pneus de notre Honda N-WGN sur l’asphalte, mais de visiter le musée dont vous pourrez retrouver la visite bientôt sur notre site web.

Pour parcourir de longues distances, se déplacer au Japon est aussi plaisant en train que frustrant en voiture. Les limites de vitesse sont basses et les conducteurs généralement scrupuleusement respectueux des indications. On peut donc rester derrière un camion à 48 km/h pendant des kilomètres sur une route limitée à 50 km/h. Cela fait aussi en sorte que l’on parcourt très peu de distance, une étape de 35 ou 40 kilomètres pouvant facilement prendre une heure sur des routes secondaires!

Photo: Julien Amado

Notez qu’avec une voiture kei, cela facilite les choses, mais cela occasionne tout de même un certain agacement lorsqu’on est habitué aux routes canadiennes. Notre descente du Mont Fuji de nuit nous a au moins permis de constater que la Honda N-WGN n’avait pas la moindre prétention sportive. Nous avons sélectionné le mode Sport au levier de vitesses, mais comme vous vous en doutez, à part une réactivité légèrement améliorée de l'accélérateur cela n’a pas fait de miracles…

Du côté du châssis, les roues très éloignées les unes des autres et la carrosserie haut perchée font en sorte que les limites sont très vites atteintes.

Et c’est sans compter sur le GPS intégré à la voiture, qui nous a répété sans cesse que nous devions respecter les limites de vitesse même lorsque l’aiguille dépassait d’un ou deux km/h à peine. Avant de rendre les clés, un détour à la station-service nous a permis de calculer la consommation d’essence…qui nous a déçus.

Photo: Julien Amado

Certes, grimper une montagne n’aide pas à diminuer l’appétit d’un moteur, mais les 5,5 L/100 km relevés nous semblent élevés considérant les performances affichées…D’autant plus lorsque l’on compare avec le chiffre avancé par Honda (3,5 L/100 km).

En faisant le bilan de cet essai, il ne fait aucun doute que ces véhicules ne sont pas adaptés à l’Amérique du Nord. En dépit d'un prix très compétitif (14 230 $ taxes incluses pour notre modèle d'essai au moment d'écrire ces lignes), ils ne se vendraient pas s’ils étaient proposés tel quel au Canada.

Cela dit, il y a des idées intéressantes à reprendre des voitures kei. Un véhicule de petit format, pouvant être doté du rouage intégral, qui ne néglige pas les aspects pratiques et conserve une certaine simplicité mécanique et technique aurait tout à fait sa place sur notre marché.

À voir aussi : la visite du Salon de la mobilité de Tokyo 2025

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