La Porsche 911 Turbo, une belle bête, discrète et féroce
À défaut d’être toujours la plus spectaculaire, la Porsche 911 a certainement été la sportive la plus marquante du premier siècle de l’automobile. La première a été produite à l’automne 1963 et la série n’a cessé d’évoluer durant le presque demi-siècle qui a suivi.
Or, de toutes les 911 de série, la plus charismatique a toujours été la Turbo. Au fil des années, Porsche a produit des sportives nettement plus chères et exotiques – la 959 par exemple ou alors la Carrera GT – mais aucune n’est aussi complète que la version actuelle de la Turbo.
La première Turbo fut dévoilée en 1973, en pleine crise du pétrole. Son moteur arrière de 3,0 litres produisait 260 chevaux et elle était particulièrement difficile à maîtriser mais ses performances et son grand aileron en firent un classique instantané.
La Turbo a toujours gagné en puissance par la suite mais sa transformation la plus importante est venue en 1995 avec le lancement de celle qui venait couronner la série 993. Elle était enfin dotée d’un rouage intégral pour dompter les 400 chevaux de son moteur à double turbo.
En 2001 Porsche lançait la version 911 Turbo de la série 996, la première dont le fameux six cylindres à plat était refroidi par liquide. Elle fut suivie en 2006 par la 911 Turbo de type 997 qui se distinguait par les ailettes à géométrie variable de ses turbocompresseurs.
Nouveautés bien cachées
Les sorciers de Zuffenhausen ont fait tellement de modifications et de retouches sur la version 2010 de la 911 Turbo qu’ils l’ont présentée comme une deuxième édition de la série 997. Ses dimensions extérieures sont inchangées et seuls les initiés remarqueront au premier coup d’œil les blocs optiques à diodes, les prises d’air couleur ‘titane’ et les embouts d’échappement plus gros.
Le Guide de l’auto avait découvert et conduit cette nouvelle 911 Turbo une première fois au Portugal lors du lancement mondial sur le circuit d’Estoril et les routes qui l’entourent.
Nous y avions souligné l’écran de contrôle plus grand et la disponibilité d’un volant doté de grandes manettes d’aluminium pour passer plus facilement les rapports de la boîte PDK à double embrayage automatisé. Nouveau pour la Turbo, ce volant relègue enfin aux oubliettes les boutons trop petits et peu commodes utilisés à cette fin jusque là. Lors du lancement, Porsche affirmait alors s’attendre à ce qu’environ 80 % des Turbo soient vendues avec la boîte PDK et le reste avec la boîte manuelle de série à 6 rapports.
Mais cette nouvelle 911 Turbo avait surtout droit à son premier six cylindres à plat entièrement nouveau en 35 ans. Sa cylindrée grimpait de 3,6 à 3,8 litres et sa puissance de 480 à 500 chevaux avec un couple de 479 lb-pi livré à seulement 1 900 tr/min. Ce moteur profitait pour la première fois de l’injection directe et de la lubrification par carter sec avec pompe et réservoir intégrés. Ses turbos à géométrie variable, dotés d’une turbine d’impulsion plus grande, permettaient de réduire la consommation de 16 % et les émissions de gaz carbonique (le CO2) de 18 % avec la PDK et de 11 % avec la boîte manuelle.
La boîte PDK offre un mode de ‘départ-canon’ électronique (launch control) d’utilisation très simple et d’une efficacité redoutable. Jugez vous-même: sur la ligne droite du circuit d’Estoril, réservé à cette fin, nous avons bouclé le sprint 0-100 km/h en 3,32 secondes et avalé le quart-de-mille en 11,28 secondes avec une pointe de 204,1 km/h. Nous avions obtenu des chiffres quasi-identiques à bord d’une 911 Turbo Cabriolet quelques minutes plus tard. Dans les deux cas, les mesures ont été faites avec notre propre appareil VBox à capteurs GPS. Des accélérations dignes d’un vrai supercar.
Ironiquement, notre collègue Gabriel Gélinas allait conduire la Lexus LFA quelques heures plus tard, à quelques milliers de kilomètres de là. Or le géant japonais affirme que sa première exotique, vendue à environ trois fois le prix de la 911 Turbo, effectue le 0-100 km/h départ-arrêté en 3,7 secondes malgré les 552 chevaux de son V10 et sa coque en fibre de carbone.
Évidemment la LFA est une propulsion et ne profite pas d’un dispositif de démarrage assisté. Considérez alors plutôt que la Audi R8 5.2 dont le V10 développe 525 chevaux et qui dispose d’un rouage intégral et du départ assisté n’a pu faire mieux qu’un 0-100 km/h en 4,19 secondes et le quart-de-mille en 12,20 secondes malgré nos meilleurs efforts durant les essais annuels de l’AJAC.
Sur le même tracé, la grande berline Porsche Panamera Turbo a bouclé les mêmes essais en 3,83 et 11,93 secondes malgré ses modestes (!) 500 chevaux et un poids supérieur de 300 kilos. Nous suggérons à Audi d’emprunter par tous les moyens ce dispositif ‘départ-canon’ à ses cousins de chez Porsche. Pas sûr qu’ils voudront.
Des preuves et des chiffres
Quelle que soit la voiture, on ne sait véritablement ce qu’elle vaut qu’après un essai complet sur nos belles routes. La nouvelle Turbo s’y est montrée plus raffinée, son roulement encore ferme mais plus confortable. Elle ne nous a hélas toutefois pas impressionnés autant que sur les routes portugaises lors de l’avant-première. Nous avions d’abord cru que la Turbo pouvait désormais offrir un confort de roulement aussi exceptionnel que la Audi R8 mais ce n’est pas encore le cas.
Ce qui n’enlève rien à son attrait viscéral. Le plus frappant, c’est un rugissement fabuleux en pleine accélération. Cette musique est nouvelle pour la Turbo qui n’a toujours pas une sonorité aussi envoûtante que certaines rivales ou même que ses sœurs à moteur atmosphérique.
De toute manière, le plus impressionnant avec la Turbo est de rester plaqué à son siège aussi longtemps que la pédale de droite est enfoncée. Notre meilleur chrono avec la Turbo à boîte manuelle de notre essai a été de 3,7 secondes pour le sprint 0-100 km/h et de 12,41 secondes pour le quart de mille, avec une pointe à 199,5 km/h.
C’est à peine mieux que les 3,8 secondes du modèle précédent et nettement moins impressionnant que le chrono de 11,75 secondes de cette Turbo de 480 chevaux. Une question d’adhérence et de motricité, nul doute, puisqu’il a fallu relâcher l’embrayage à 3 000 tr/min tout au plus alors que les modèles antérieurs exigeaient facilement 4 500 tr/min pour un décollage parfait.
La 911 s’est toutefois rachetée quelques semaines plus tard lors des nouveaux essais annuels de l’AJAC. Cette fois sous les traits d’une Turbo S dotée de la boîte PDK et du groupe Sport Chrono qui permet d’exploiter pleinement le ‘départ-canon’ électronique.
Avec son moteur dont la puissance passe de 500 à 530 chevaux et un couple qui grimpe de 480 à 516 lb-pi, la Turbo S expédie le 0-100 km/h en 3,29 secondes et bouffe le quart-de-mille en 11,23 secondes avec une pointe à 204,3 km/h. Il s’agit, dans les deux cas, des meilleures accélérations que nous ayons mesurées à ce jour.
La 911 Turbo S a d’ailleurs été primée Meilleure nouvelle voiture de prestige par l’AJAC devant des rivales directes comme la Audi R8 Spyder et la Mercedes-Benz SLS AMG même si ses lignes sont moins accrocheuses et son moteur moins tonitruant.
Elle danse mieux que jamais
Sur la route il est quasi-impossible d’approcher les limites de la Turbo en tenue de route avec son rouage intégral, ses pneus énormes et ses systèmes électroniques. Sur un circuit, elle sous-vire si on les laisse enclenchés mais si on désactive l’antidérapage (PSM) elle se révèle plus agile et fascinante à piloter que jamais.
Avec son rouage intégral bonifié, les transferts de couple sont plus progressifs et les dérapages plus faciles à maîtriser et maintenir à l’accélérateur. C’est ce que nous avons pu découvrir sur le circuit intérieur serré du tri-ovale de Sanair et sur les longues courbes qui l’encerclent lors du tournage d’un essai pour l’émission du Guide de l’auto. Vous pouvez d’ailleurs voir cet essai de la 911 Turbo dans l’émission complète sur le site du Guide chez Canal Vox. Cherchez l'émission LE GUIDE DE L'AUTO #11 dans la visionneuse.
Pour le pilotage pur, il y a les GT3 et GT3 RS qui se vendent maintenant 132 000 $ et 154 600 $ et pour la puissance et la vitesse brutes vous pouvez choisir la GT2 RS et son moteur turbo de 620 chevaux mais elle coûte 279 500 $. Or, le prix de base de la nouvelle 911 Turbo est maintenant de 159 400 $ et notre voiture d'essai coûterait 166 190 $.
Malgré ses performances hallucinantes, la 911 Turbo est agréable et docile sur la route. Elle est remarquablement compacte pour une grande sportive et offre une visibilité incomparable en version coupé. C’est une grande sportive aux performances d’exception doublée d’une ‘grand tourisme’ fort correcte pour peu qu’on sache limiter un peu son bagage.
Pour les skis et les planches à neige il y a toujours la galerie de toit optionnelle. De quoi arriver toujours avant tout le monde sur les pentes.
Fiche d'évaluation | |
Modèle à l'essai | Porsche 911 2010 |
---|---|
Version à l'essai | Turbo |
Fourchette de prix | 159 400 $ – 242 990 $ |
Prix du modèle à l'essai | 166 190 $ |
Garantie de base | 4 ans/80 000 km |
Garantie du groupe motopropulseur | 4 ans/80 000 km |
Consommation (ville/route/observée) | 12,7 / 8,3 / n.d. L/100km |
Options | Habitacle en cuir ‘naturel’ (420 $), levier de vitesses et frein à main en aluminium (1 780 $), différentiel autobloquant (1 510 $), sièges sport (1 310 $), sièges chauffants (600 $), levier de vitesses sport (880 $), volant chauffant (290 $) |
Modèles concurrents | Mercedes-Benz SLS AMG, Nissan GT-R |
Points forts |
|
Points faibles |
|
Fiche d'appréciation | |
Consommation | Monstre de performance relativement frugal |
Valeur subjective | La plus pragmatique des grandes sportives |
Esthétique | Un classique qui ne se démodera jamais |
Confort | Roulement encore ferme et encore bruyant |
Performances | Moteur souple et accélérations féroces |
Appréciation générale | Une sportive légendaire encore améliorée |