Ford Fusion 2014: Une calandre magique

Publié le 1er janvier 2014 dans 2014 par Jacques Duval

C’est fou ce qu’une simple calandre peut contribuer à la popularité d’une voiture et même à hausser sa cote d’estime au sein d’un panel de journalistes automobiles! Le plus bel exemple nous vient de la Ford Fusion qui a d’abord été retenue parmi les finalistes au titre de « Voiture de l’année » pour ensuite séduire une véritable armée d’acheteurs en raison, d’abord et avant tout, de sa grande beauté accentuée par cette fameuse calandre mimant celle des Aston Martin, reconnue par plusieurs comme étant la plus belle voiture au monde.

Soyons honnêtes, la Ford Fusion n’est pas une voiture exceptionnelle, mais une très honnête berline qui s’est frayé un chemin vers le sommet des ventes par un artifice de style.

Ce n’est guère son seul mérite, mais disons que son succès est un peu usurpé. Tout comme les chiffres de consommation avancés par Ford, particulièrement pour la version hybride créditée d’une moyenne fabuleuse de 4,1 litres aux 100 km sur la route.

Dans le but de savoir s’il s’agit là d’un pieux mensonge de la part des responsables de la publicité, j’ai fait l’essai d’une Fusion hybride en prenant soin de mettre à profit toutes les astuces susceptibles de limiter la consommation de la voiture. Cela implique notamment de ne pas dépasser 100 km/h et de freiner uniquement lorsque c’est absolument nécessaire. Or, malgré une conduite pépère à faire rager les autres automobilistes, « ma » Fusion n’a pu faire mieux que 5,5 litres aux 100. Après plusieurs centaines de kilomètres, dont le quart en ville, la moyenne globale s’est affichée à 6,5 litres aux 100. C’est très bon, à tel point que l’on peut se demander pourquoi Ford croit nécessaire d’en rajouter.

L’œuf sous la pédale

Passons l’éponge sur cet écart de conduite pour voir si la Fusion mérite tous les commentaires positifs dont elle fait l’objet, en excluant son irrésistible calandre. Dans sa version hybride, la motorisation est assurée par un 4 cylindres à cycle Atkinson dont les 141 ch sont bonifiés par le moteur électrique de 47 chevaux pour un total de 188 ch. Ce serait largement suffisant si la transmission automatique à variation continue (CVT) n’était pas aussi lymphatique, marquant une pause agaçante au moment de la mise en route ou des reprises. Et les chiffres ne mentent pas puisqu’il faut environ 9 secondes à cette Fusion pour atteindre 100 km/h.

Un autre aspect des performances de cette Ford hybride qui ne correspond pas à la réalité est la vitesse que l’on peut atteindre sans que le moteur thermique entre en fonction. On annonce qu’il est possible de rouler à 100 km/h en misant uniquement sur la poussée du groupe électrique. Pourtant, en conduisant comme s’il y avait un œuf sous la pédale d’accélérateur, je n’ai pas réussi à dépasser 70 km/h. Il faut toutefois être très attentif pour détecter la mise en marche du moteur à essence tellement le passage d’un mode à l’autre est imperceptible. Un très bon point.  

Au volant de la Fusion, la sensation de conduite propre aux voitures américaines est bien présente, tout comme dans les 7 autres versions de ce modèle. Le comportement routier mérite néanmoins des louanges avec peu de roulis en virage et des réactions assez neutres. Ayant affaire à une traction avant, il y a bien un léger effet de couple, mais rien de dramatique. Et l’on pourra contourner la situation en optant pour la traction intégrale que Ford propose sur ce modèle, ce qui est un acquis non négligeable.

La tenue de route ne ternit en aucune façon le confort, lequel demeure assez serein même dans les rues absolument défoncées et carrément atroces de mon patelin de Saint-Bruno-de-Montarville. Y rouler dans une voiture neuve la met sérieusement à l’épreuve. Si c’est traumatisant pour son propriétaire, c’est le pactole pour un journaliste automobile!

L’embarras du choix
Éloignons-nous un instant de la version hybride pour souligner que l’acheteur d’une Fusion a l’embarras du choix quand vient le moment de décider sur laquelle des 8 variantes offertes il jettera son dévolu. Ford ratisse très large avec ce modèle comme en témoigne une fourchette de prix allant d’environ 23 000 $ pour sa Fusion de base (la S) avec un maigrichon 2,5 litres de 170 ch à plus de 40 000 $ pour une Fusion Energi Titanium, un hybride rechargeable auquel on attribue une autonomie de 1 221 km, rien de moins. S’il faut se fier à ma propre expérience avec un hybride non rechargeable, on peut s’interroger sérieusement sur la possibilité de réaliser une aussi faible consommation. Affichée autour de 42 000 $ (sans le rabais gouvernemental), cette Fusion doit affronter dans ce créneau de prix une concurrence redoutable comprenant la Cadillac CTS, la Lexus IS 250, l’Acura TL, la Volvo S60 ou la Volkswagen Passat 3,6. Pas facile, admettons-le, même si ces dernières ne peuvent être qualifiées de voitures vertes. À propose de la vaste gamme des modèles Fusion, je dirais que le meilleur choix possible est celui de la version SE avec le moteur 2 litres EcoBoost et la traction intégrale qui s’achète pour environ 30 000$. Le rapport qualité/prix devient nettement plus attrayant.     

De la poudre aux yeux
Ces mises au point étant faites, attardons-nous maintenant à la présentation intérieure : par rapport à une silhouette qui ne recueille que des bravos, elle est tout ce qu’il y a de plus ordinaire. En outre, les sièges avant possèdent un léger renflement qui gâche le confort et l’on est carrément mieux assis à l’arrière où l’espace est généreux pour une voiture de cette catégorie. Ce n’est pas pour autant « une 5 passagers », comme le clame erronément la publicité puisque le conducteur ne peut être considéré comme un passager. On a donc affaire, en bon français, à une 5 places, et encore là, c’est discutable puisque la place du milieu à l’arrière équivaut dans toutes les voitures modernes à être assis sur un banc d’église.

Aussi, à voir les poignées de maintien près de chacun des sièges et l’aileron arrière, on se croirait confronté à une voiture sportive, ce qui n’est évidemment que de la poudre aux yeux. Et Ford n’est pas le seul constructeur à offrir un aileron qui est non seulement tout à fait inutile, mais qui ajoute du poids au véhicule. Bref, tout le contraire du bon sens. Voilà une autre concession à la mode – et par conséquent à la demande populaire – dont les constructeurs sérieux devraient s’abstenir. Passons sur ce détail pour jeter un coup d’œil au coffre qui, dans la version hybride, voit son volume utile amputé du quart en raison de la présence des piles servant à alimenter le moteur électrique. Malgré tout, sa capacité demeure raisonnable. 

Distraction inutile
Je suis peut-être l’exception à la règle, mais le volant m’a semblé trop vertical, ce qui est pardonnable. Ce qui l’est moins, c’est l’écran central qui se veut la 8e merveille du monde… Pour moi, c’est carrément une distraction inutile. Ses commandes tactiles sont, d’une part, trop sensibles tandis que de l’autre, elles refusent de fonctionner si vous les touchez avec des gants. Heureusement, il se vend désormais des gants spéciaux pour contourner ce problème...

Il n’en demeure pas moins que je comprends difficilement l’entêtement des constructeurs à doter leurs voitures d’accessoires électroniques dont la manipulation est une sérieuse entrave à la sécurité. Qu’on les offre en option, je n’aurais aucune objection, mais redonnez-moi mon bon vieil appareil de radio, mes réglages de climatisation traditionnels et tout ce que je faisais machinalement sans quitter la route des yeux. Autrement, je ne réponds pas de ma survie.  

Au final, la Fusion hybride a du mal à justifier son prix d’entrée et l’on fera une meilleure affaire avec les versions à motorisation classique dont les idiosyncrasies sont plus recevables sans que les lignes sublimes de la voiture perdent leur pouvoir attractif.

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