Nissan, de Datsun à Carlos Ghosn
La marque Nissan fait beaucoup parler d’elle par les temps qui courent. Carlos Ghosn, son leader, a récemment été arrêté au Japon pour malversation financière et utilisation de biens de l’entreprise à des fins personnelles. Nissan n’a pas mis de temps pour annoncer qu’elle se séparait de Ghosn, soudainement devenu paria. Pourtant, il y a près d’une vingtaine d’années, le sort de la firme était entre les mains de Ghosn et si elle est encore en vie, c’est en grande partie grâce à ce dernier. C’est bien pour dire… Retour sur une marque qui a eu ses (très) hauts et ses (très) bas.
Le premier juillet 1911, Masujiro Hashimoto fonde la première compagnie fabriquant des voitures sans chevaux au Japon, la Kaishinsha Motor Car Works (qui pourrait être traduit, très librement, par « Une bonne compagnie automobile »). Il faut attendre 1914 avant qu’une première voiture soit construite, la DAT, d’après la première lettre du nom de trois investisseurs, Kenjiro Den, Rokuro Aoyama et Meitaro Takeuchi.
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Du soleil et pas de pertes
En 1925, la Kaishinsha devient la DAT Jidosha & Co Ltd ou, si vous préférez DAT Motorcar Co. Après s’être fait connaître au Japon surtout grâce à de petits camions, DAT dévoile une minivoiture en 1931, la Datson Type 11. La même année, elle est renommée Datsun, « son » pouvant vouloir dire en japonais « perte ». Avouez qu’il est plus vendeur de parler du soleil que de pertes! D’un autre côté, Google Translate, cette infâme invention de l’ère moderne, nous apprend que « sun » en japonais veut dire « dimensions ». Si votre japonais est meilleur que le nôtre, ne vous gênez pas pour nous éclairer! Bref, Datsun existe depuis 1931.
Et naquit Nissan
Petit retour en arrière. En 1928, Yoshisuke Aikawa crée la Nihon Sangyo, un holding contrôlant des fonderies, et active sur le marché des pièces automobiles de rechange. Le nom Nissan provient de la contraction de Nihon et Sangyo. Suite à plusieurs tergiversations financières, Nihon Sangyo et DAT s’associent en 1931… et c’est ainsi que Nissan devient constructeur automobile dès 1933. Aussitôt, l’entreprise achète un terrain de 66 000 mètres carrés à Yokohama et y fait construire une usine de montage. Le 11 avril 1935, une première voiture y est construite (certaines publications parlent du 12 avril). Il s’agit d’une Datsun 14, une Austin Seven produite sous licence. Durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), Nissan produit surtout du matériel de guerre.
Direction USA en Fairlady
Dès ses débuts, la marque DAT a de solides liens avec les États-Unis puisque Hashimoto, le fondateur, y avait étudié l’ingénierie mécanique. De plus, une des entreprises qui fait partie de la DAT est Kubota (oui, oui, le Kubota qui fabrique encore des pépines et autres tracteurs) dont l’ingénieur-chef est un Américain, William R. Gorham. Ce n’est donc pas un hasard si une bonne partie des méthodes de travail et des équipements dont bénéficie la nouvelle Nissan sont américains, facilitant ainsi les ventes dans ce marché fort lucratif.
La première voiture à être distribuée en terre américaine, sur la côte ouest, est la toute petite Datsun 1000, dont le moteur de 1 litre (1 000 cc) ne lâche pas moins de… 37 chevaux. Datsun propose aussi la Fairlady, un agréable petit roadster qui plaît aux Américains.
La Skyline
Les années 60 sont bénéfiques pour Datsun / Nissan qui voit ses ventes augmenter partout dans le monde. Une nouvelle usine ouvre ses portes à Oppama au Japon en 1962. En 1966, Nissan s’associe avec Prince Motors, fondée en 1952, ce qui donnera naissance à une voiture qui marquera plusieurs générations, la Skyline, descendante directe de la GT-R d’aujourd’hui.
C’est en 1970 que Datsun s’établit vraiment dans le cœur des Américains avec la fabuleuse 240Z. Datsun profite aussi de la crise du pétrole de 1973, alors que l’Amérique veut de plus en plus de petites voitures économiques. Ça tombe bien pour les Japonais, Datsun inclus, c’est exactement ce qu’ils offrent! Pour répondre à la demande toujours grandissante des marchés mondiaux, Nissan implante des usines au Mexique, en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Taiwan, en Afrique du Sud et aux États-Unis. Dans ce dernier cas, c’est surtout pour éviter une taxe de 25% imposée aux véhicules importés que Nissan érige une usine à Canton, Mississippi. Cette usine ouvre ses portes le 27 mai 2003 et est toujours en fonction.
Datsun devient Nissan
Les années 80 sont celles de la consolidation pour Nissan alors que le nombre de modèles, d’usines, d’alliances et de véhicules vendus à travers le monde est constamment à la hausse. En 1981, le nom Datsun est remplacé par Nissan. Jusqu’alors, le nom Nissan représentait le conglomérat et Datsun sa division automobile. Sur quelques marchés, le nom Datsun est conservé jusqu’en 1986. Le 20 mars 2012, Nissan annonce qu’elle ressuscite le nom Datsun dans certains pays en émergence.
Le 8 novembre 1989, Nissan amorce une nouvelle aventure en Amérique du Nord, Infiniti. Il s’agit de la marque de luxe de Nissan, un peu comme Lexus pour Toyota ou Acura pour Honda. Les véhicules Infiniti – qui ironiquement ne sont pas vendus au Japon – ont souvent leur pendant chez Nissan.
Les années 90 sont difficiles pour Nissan, aux prises avec une crise économique sur le marché japonais, des coûts de production grimpants et des dettes de plus en plus préoccupantes. À tel point qu’une alliance avec un partenaire financier fort n’est plus une option. Des pourparlers ont lieu avec DaimlerChrysler, mais n’aboutissent pas. C’est plutôt la compagnie française Renault qui se montre intéressée.
Un certain Carlos Ghosn
Le 27 mars 1999, l’union est consacrée. L’Alliance Renault-Nissan est née et devient le quatrième plus important constructeur au monde. Carlos Ghosn est mandaté pour diriger Nissan tandis que Louis Schweitzer continue de s’occuper de Renault. Le 6 mai 2009, Ghosn prend le relais de Schweitzer et cumule les deux fonctions. Sous la gouvernance de Ghosn, Nissan redevient prospère.
Petit coup d’accélérateur jusqu’en 2016, alors qu’une autre marque japonaise, Mitsubishi, est accusée, comme quelques autres constructeurs, d’avoir falsifié les cotes de consommation de certains de ses véhicules distribués au Japon. Les actions de Mitsubishi chutent et Nissan, le cœur sur la main, en profite pour aider la marque éprouvée… en s’en emparant.
Coup de théâtre le 19 novembre 2018, alors que Carlos Ghosn, considéré comme l’un des industriels les plus puissants au monde et surnommé, non sans raison Cost Killer (tueur de coûts), est emprisonné au Japon. Ghosn, qui bien entendu clame son innocence, n’a pas encore été accusé mais, déjà, Nissan annonce son limogeage alors que Mitsubishi s’apprêterait à en faire autant. De son côté, Renault n’est pas aussi catégorique, du moins pour l’instant. Au moment d’écrire ces lignes, elle vient de nommer un président par intérim, Thierry Bolloré.
Décidément, le monde de Nissan sera toujours une source infinie de surprises! Restez des nôtres car l’Histoire s’écrit chaque jour, comme dit le sage…