La drôle d'histoire de la première Ford Mustang... vendue par erreur au Canada!
C’est l’histoire d’une vente qui n’aurait pas dû arriver. C’est l’histoire d’un homme qui possédait deux Mustang importantes.
C’est l’histoire d’une auto qui portait un numéro de série pas comme les autres : 00001.
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Avant le jour J
Le 17 avril 1964 est le jour officiel du lancement de la Ford Mustang.
Les 180 premiers véhicules, dits de présérie, sont fabriqués à l’usine de Rouge River, à Dearborn, entre le 10 février et le 5 mars 1964. La production officielle commencera le 9 mars.
Les véhicules de présérie sont expédiés vers les concessionnaires pour le lancement. Logiquement, ce sont les concessions les plus éloignées vers qui sont envoyées les premières autos. C’est pour cela que la 5F08F100001 se retrouve chez Georges Parsons Ford, à Saint-Jean de Terre-Neuve, à 3 500 km de Détroit.
L’auto est un cabriolet blanc avec un intérieur noir. Mécaniquement, elle reçoit un moteur V8 260 pc de 164 chevaux accouplé à une boîte automatique à 3 rapports. Comme véhicule de présérie, elle comporte quelques différences mineures avec les autos de série et certains panneaux apparaissent un peu moins bien ajustés.
La Mustang est préparée chez le concessionnaire et commence à être visible dès le 14 avril. Et elle attire les foules! C’est ce que remarque le pilote de ligne Stanley Tucker lorsqu’il passe devant le garage.
Tucker est né en 1931 et pilotera des avions dès l’âge de 19 ans. Il fera différentes routes dans l’est du Canada avant de devenir capitaine pour la Eastern Provincial Airlines, basée à Saint-Jean.
Comme d’autres, il voit l’auto. Le soir, après le repas, il décide que cette auto sera sienne et il retourne chez Parsons Ford.
Contrairement à l’habitude, c’est lui qui arrive à persuader le vendeur, Harry Philipps, de faire la transaction. Persuader en effet, car l’auto n’était pas à vendre, puisqu’il s’agissait d’un exemplaire de présérie (la première Mustang fabriquée pour être vendue a été achetée par Gail Wise, maîtresse d’école à Chicago, le 17 avril 1964; elle possède toujours cette auto aujourd’hui). Le concessionnaire demande de pouvoir garder le véhicule quelques jours à fins de démonstration.
Tucker prend finalement livraison du cabriolet, après être passé au garage tous les jours pour vérifier que rien n’arrivait, et devient pendant un temps le seul propriétaire de Mustang dans tout Terre-Neuve.
Retour au bercail
Une fois passée la folie du lancement, Ford réalise que la Mustang 00001 a été vendue par inadvertance. La compagnie contacte Tucker pour la racheter, mais ce dernier refuse catégoriquement. Tucker roulera l’auto régulièrement dans Terre-Neuve.
Moins de deux ans plus tard, la Mustang est devenue une icône et elle s’apprête à battre le record de production du million d’exemplaires (1 an, 11 mois et 24 jours). Pour Ford, il devient important de récupérer la 00001. La compagnie recontacte Tucker avec une nouvelle proposition : en échange de la sienne, Ford lui offre la millionième Mustang sans frais. Cette fois-ci, il accepte.
La cérémonie a lieu le 2 mars 1966, à Dearborn. Tucker remet les clés de sa Mustang à Lee Iaccocca (président de Ford et père spirituel de la Mustang), Don Frey (l’ingénieur en chef) et Gene Bordinat (vice-président chargé du style). Elle a alors 10 633 milles à son compteur. En échange, Tucker reçoit la Mustang 1 000 001, spécifiée par lui-même. Sur le bon de commande, il a tracé un grand X, signifiant qu’il prenait toutes les options (cabriolet, intérieur de luxe, volant en bois, transmission automatique, air conditionné, freins à disque , Rally Pack, lecteur de cassettes stéréo, V8 289 pc…). La seule option non retenue est le V8 à haute performance , qui réduisait la durée de la garantie.
Bien à l’abri
Peu de temps après, le musée Henry Ford contactera Ford pour pouvoir récupérer cette auto historiquement signifiante. Elle sera longtemps remisée et seulement montrée pour les 10e et 20e anniversaires de la Mustang, en 1974 et 1984. Ce n’est qu’en 1987 qu’elle joindra l’exposition permanente, où elle est encore aujourd’hui. Finalement, elle sera restaurée en 2013, les hivers canadiens ayant eu quelques impacts sur elle...
Quant à Stanley Tucker, il roulera sa deuxième Mustang jusqu’au début des années 70 avant de la vendre à son mécanicien. On ignore ce qu’elle est devenue. Tucker décédera à Montréal en 2008.
Harry Philipps, le vendeur de chez Parsons Ford, s’est rendu pour la première fois au musée Henry Ford en septembre 2019 pour revoir la Mustang qu’il avait vendue par erreur 55 ans plus tôt. Par ce geste, il a très certainement sauvé un monument de l’histoire de l’automobile.