Mort annoncée des voitures sous-compactes?
Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que les constructeurs automobiles cherchent constamment à gonfler leurs profits. Et vous ne serez pas non plus surpris d’apprendre qu’il est clairement plus lucratif de vendre une camionnette de 70 000 $ qu’une sous-compacte de 14 000 $.
Il ne faut donc pas s’étonner de constater que plusieurs constructeurs abandonnent les petites voitures pour miser sur des modèles plus payants. Et loin de moi l’idée de revenir sur l’accès trop facile au financement pour des véhicules que l’on jugerait hors des moyens réels de l’acheteur, mais il va de soi que ce crédit bonbon a aussi un impact sur les tendances du marché automobile.
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Cela dit, les voitures sous-compactes sont ironiquement parmi celles qui, de nos jours , conservent le mieux leur valeur. Elles se revendent facilement, à fort prix, et puisque les ventes de modèles neufs baissent chaque année, la disponibilité des modèles d’occasion se voit aussi affectée. Conséquence, la demande par rapport à l’offre est très élevée, ce qui explique que l’on paie aujourd’hui entre 11 000 $ et 15 000 $ pour une Hyundai Accent de quatre ans, achetée neuve au coût de 16 000 $ ou 17 000 $.
Juste avant d’écrire ces lignes, je survolais d’ailleurs les annonces sur les sites spécialisés, pour réaliser qu’une Accent SE 2017, affichant entre 30 000 et 40 000 km au compteur, pouvait même engendrer un coût de revient équivalent au prix d’achat initial, considérant le prix élevé et le taux de financement applicable à un véhicule d’occasion.
Alors oui, il existe toujours un marché pour la sous-compacte. Pour cette voiture minimaliste, frugale et très pratique en milieu urbain, de par son format. Et il est clair que ce ne sont pas tous les acheteurs qui acceptent de passer d’une Ford Fiesta à un Escape. Parce que les besoins n’y sont pas, parce que l’on ne souhaite pas nécessairement allonger 40 000 $ (ou 600 $ par mois) pour une bagnole , et parce que l’on est conscient que le coût de revient, en considérant les assurances, l’essence et l’entretien, est drôlement plus élevé qu’avec une petite auto!
Moins de choix qu'avant
Au cours des dernières années, plusieurs sous-compactes sont donc disparues du marché. La Chevrolet Sonic, la Ford Fiesta, la Mazda2 ainsi que la Nissan Versa Note. Puis, uniquement cette année, nous assistons à la disparition des Fiat 500, Nissan Micra et de la smart fortwo, sans oublier la Toyota Yaris (la vraie), qui cède sa place à une Mazda rebaptisée.
Qui plus est, Toyota abandonne la déclinaison berline de sa « Mazda Yaris », pour ne conserver qu’un modèle à hayon. Un exercice qu’ont également choisi de faire Hyundai et Mitsubishi, en ne gardant que les modèles à hayon de l’Accent et de la Mirage.
Ne reste donc au menu pour 2020 que la Chevrolet Spark, la Honda Fit, la Hyundai Accent, la Kia Rio (berline et à hayon), ainsi que la Mazda2, vendue comme une Toyota Yaris. Puis, pour 2021, Nissan annonce l’arrivée d’une nouvelle berline Versa, laquelle est commercialisée aux États-Unis depuis l’an passé. Une manière de combler le vide laissé par la disparition simultanée des Versa Note et de la Micra.
À l’heure actuelle, tout laisse croire que Honda pourrait abandonner la Fit, dont la nouvelle génération a été présentée au dernier salon de Tokyo. Les faibles ventes américaines (35 000 unités par année en 2018 et 2019) ainsi qu’une trop faible profitabilité par rapport à une Civic construite au Canada pourrait expliquer son abandon, à une époque où de surcroît, Honda misera sur la refonte de sa Civic et de son multisegment HR-V.
La même logique pourrait également s’appliquer quant à la survie de la Chevrolet Spark, dont les ventes demeurent symboliques compte tenu de l’ampleur du marché américain. Certes, on a tout de même vendu 7 582 unités au Canada en 2019, ce qui représente une hausse d’environ 30%, mais il faut considérer que Chevrolet avait aussi abandonné le Cruze et la Volt, créant un grand vide. Puis, comme Chevrolet n’a vendu que 31 000 Spark aux États-Unis l’an dernier, il est évident qu’aucun effort de commercialisation ne sera fait pour mousser la popularité du modèle.
La crise peut-elle faire grimper les ventes des sous-compactes?
Ne resterait donc alors qu’une poignée de modèles pour satisfaire une clientèle qui, selon moi, risque d’être grandissante au cours des prochaines années. Pourquoi? Parce qu’il est évident qu’une partie de la population sera plus prudente face à la gestion de son portefeuille, et parce que les priorités changeront.
Bien sûr, les VUS demeureront très populaires, particulièrement les modèles compacts et sous-compacts. Or, ceux qui considéraient justement l’achat d’un Buick Encore ou d’une Kia Soul pourraient peut-être revenir à la raison et plutôt opter pour une voiture sous-compacte, plus raisonnable.
Ne soyez donc pas étonnés si les deux constructeurs coréens mettent soudainement un peu plus leur Accent et Rio en valeur. Pour Nissan qui débarque actuellement avec une nouvelle Sentra et qui nous offrira prochainement une Versa, dérivée du petit Nissan Kicks, il pourrait s’agit d’une belle occasion. Une occasion qu’il faudra d’ailleurs saisir, considérant la situation houleuse dans laquelle se trouve actuellement le constructeur.
Alors? Mort annoncée des voitures sous-compactes? Peut-être pas aussi rapidement qu’on pourrait le croire. Certains jetteront la serviette, évidemment, mais d’autres y verront une opportunité. Quant à vous, les acheteurs, sachez que tous les achats dans ce segment peuvent aujourd’hui être considérés comme financièrement intéressants.
Même du côté de la Mitsubishi Mirage qui, disons-le, est victime de moqueries depuis son arrivée en 2014. Mais bon, Mitsubishi Motors du Canada a néanmoins réussi à en écouler jusqu’ici un peu plus de 18 000 unités, ce qui n’est pas négligeable.
Et si, en terminant, vous possédez actuellement une voiture sous-compacte d’occasion, alors sachez qu’elle pourrait bien valoir un peu plus cher que ce que vous pensez. Alors, avant de laisser votre voiture en échange à prix dérisoire chez votre concessionnaire, peut-être vaudrait-il la peine de fouiller sur les sites spécialisés afin d’établir sa réelle valeur.