Ma première fois au volant : Geo Metro 1992
Dans cette série d’articles « ma première fois », les journalistes du Guide de l’auto vous racontent leurs débuts derrière le volant.
Pour une question de principe, ma mère m’a prévenu rapidement au début de mon adolescence que je ne conduirais pas avant l’âge de 18 ans. Bien que cela aura été la source de plusieurs chicanes mère-fils, j’ai fini par obtempérer non sans regimber au diktat de Rolande.
Il faut dire que la proximité de mes activités dans mon Sainte-Foy natal m’a beaucoup aidé à aiguiser ma patience. Grâce à la « 7 » et la « 13 », je pouvais à la fois me rendre à mes cours au Cégep Garneau et aller « jammer » avec mon band chez Phil sur le chemin Saint-Louis, sans souffrir de ne pas avoir de voiture.
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Malgré tout, je piaffais d’impatience de faire du « break à bras » dans les rues de Saint-Benoît avec l’auto de ma mère. J’anticipais aussi avec plaisir le moment où nous allions crier des insanités aux piétons déambulant dans la rue avant de nous sauver à toute hâte en riant à gorge déployée, comme des ados.
Car c’est ce que j’étais à l’époque. Un ado rempli d’hormones qui choisirait les sensations fortes bien avant la prudence que m’imposait ma mère. Disons qu’aujourd’hui je comprends mieux sa réticence à me donner les clés de sa voiture.
Le jour de mes 18 ans, c’était enfin le moment d’utiliser mon permis avec le bolide familial. J’avais bien sûr depuis plusieurs années conduit à quelques occasions de façon non officielle. Surtout en campagne, les voitures de mes cousins dans le fond des rangs à Montmagny. Mais pour la première fois, j’allais affronter la circulation du chemin Sainte-Foy.
Battue du matin au soir
Ma mère, femme de parole, tint son engagement et fit le geste solennel de me tendre les clés de sa Geo Metro. Pas le hatchback de Ned Flanders. Pas non plus le cabriolet. La berline carrée. Elle était rouge et manuelle. Le même rouge que le petit chaperon. Cette couleur lui allait bien parce que dans l’histoire j’étais clairement le grand méchant loup.
J’ai pris les clés dans les mains de ma mère, sans lui dire merci, j’ai tiré la chevillette et la bobinette cherra. Mon doux que cette voiture en a eu pour son argent! J’ai battu ce char du matin au soir. Une chance que ce n’était qu’un petit moteur de 1,3 litre sur cinq vitesses. Le genre de moteur où tu as toujours la pédale dans le fond, mais qui te déçoit à tous les coups…
Même si je rêvais à l’époque de conduire la Trans Am de Michael Knight ou la General Lee de Bo et Luke, j’ai quand même fini par apprécier la Geo Metro 1992 que le salaire de professeur de ma mère nous avait procuré.
Je ne faisais jamais le ménage à l’intérieur, je mangeais du McDo cinq fois par semaine en conduisant et mes chums de gars passaient leur temps à fumer dedans (pas moi maman, eux), mais j’en prenais quand même soin de façon décente. Plusieurs mois s’étaient écoulés et pas d’égratignure ou d’incident à rapporter. La confiance de ma mère envers moi et ma conduite augmentait de jour en jour et elle me prêtait maintenant sa voiture sans inquiétude. C’était avant le 23 juin 1996.
Une Saint-Jean inoubliable
Le tristement célèbre soir du 23 juin à Québec en 1996. La soirée où la fête de la Saint-Jean sur les plaines d’Abraham a tourné au vinaigre. Depuis quelques années, le climat n’était pas parfait les soirs de Saint-Jean à Québec. Ma mère n’aimait pas trop l’idée que je parte en auto pour fêter sur les Plaines.
D’abord parce que c’est une beuverie épique à ciel ouvert, ce qui devrait être suffisant pour laisser la voiture à la maison, même en 1996, et ensuite, depuis qu’un gars s’était jeté dans le feu cinq ans auparavant, une tension s’était installée entre certains jeunes et la force constabulaire. Et ce qui devait arriver, arriva. Cette année-là, Québec connut une vraie émeute.
Les rues du Vieux-Québec étaient devenues des scènes de guerre, l’Assemblée nationale a été attaquée et plusieurs arrestations se déroulèrent sous nos yeux. Plusieurs voitures avaient des vitres brisées et certaines avaient été mises à l’envers par les émeutiers. Quand j’ai vu ces scènes de désolation, j’ai tout de suite eu un vertige.
Est-ce que la voiture de ma mère, stationnée dans une rue tout près de l’Assemblée nationale, avait été « virée sur le top » par des voyous venus fêter le Québec? La peur me fit prendre mes jambes à mon cou et je décampai sur-le-champ pour, éventuellement, tel un héros, me mettre entre la meute et ma petite Geo Metro rouge afin de la protéger.
Heureusement, à mon arrivée, elle était intacte et j’ai soupiré de soulagement. Mise au courant des émeutes et des gestes de vandalismes durant la soirée, Rolande m’attendait dans le cadre de porte avec anxiété. Bien qu’heureuse de retrouver son bébé sain et sauf (je parle de moi, pas de la Geo Metro) elle m’a quand même grondé pour avoir pris tous ces risques inutiles avec la voiture alors que j’aurais dû prendre l’autobus.
Pfff... l’autobus! Il n'était pas question que je reprenne l’autobus.
J’ai donc décidé que je ne voulais plus vivre dans la crainte de rentrer et d’annoncer à ma mère que sa bagnole était brisée. Il était temps pour moi d’acheter ma première voiture.