Opération minoune, ça urge!

Publié le 19 novembre 2020 dans Blogue par Antoine Joubert

Il y a deux semaines, je me trouvais chez un ami garagiste pour le remplacement des pneus de ma camionnette. Juste à côté de mon véhicule, il y avait une Nissan Versa Note 2014.

Croyez-moi, il fallait y être. Une véritable minoune, comme si on l’avait vieillie prématurément. Pourtant, une voiture de seulement 166 000 km, mais abîmée comme jamais, aux suspensions usées à la corde, au pare-brise fissuré, aux pneus lisses comme des fesses de bébé, complètement désalignée, et sur laquelle les roulements de roue et les freins étaient jugés carrément dangereux.

Hélas, ces innombrables problèmes ne justifiaient pas la présence de cette voiture au garage. En fait, elle s’y trouvait pour un problème de transmission. Une faiblesse sur ces modèles, certes, mais qui dans ce cas, s’expliquait par l’absence évidente d’entretien.

Photo: Michel Deslauriers

Évidemment, l’ami mécano aura tenté l’impossible pour convaincre la conductrice de cette voiture d’effectuer le minimum des réparations jugées plus qu’urgentes. Suggestion vivement balayée du revers de la main par la dame qui « n’avait pas d’argent pour ces niaiseries ».

Malheureusement, ce genre de situation survient très souvent chez les garagistes, aux premières loges pour réaliser que de trop nombreux automobilistes négligent l’entretien de leur véhicule, au point de mettre en péril la vie des autres usagers de la route.

Si un tenancier de bar peut décider de saisir les clés de la voiture d’un client trop olé olé, est-ce qu’un garagiste pourrait aussi empêcher un client de reprendre la route, prétextant que son véhicule est trop dangereux? Bien sûr que non. Impossible d’exiger de leur part de jouer à la police. Mais au mieux, est-ce qu’un signalement pourrait alors être effectué?

Entretien négligé

N’oublions pas que selon l’AIA Canada (Association des industries de l’automobile), des pertes de revenus potentiels de l’ordre de deux milliards de dollars sont annuellement comptabilisées en ce qui concerne l’entretien automobile. Marchands de pièces et garagistes sont donc à même de constater que plusieurs véhicules ne reçoivent pratiquement aucun entretien au cours de leur vie utile. Une lecture facile à faire en corrélation avec la location, de plus en plus populaire, mais qui s’explique également par l’absence de règlements et le coût toujours plus élevé des pièces et de la main-d’œuvre.   

Il est évident que ces chiffres énoncés par l’AIA ont d’abord pour but de mousser les ventes de leur industrie. Or, il faut aussi comprendre que l’irresponsabilité de certains automobilistes peut mettre des vies en jeu. Une situation sérieuse que la SAAQ semble pourtant ignorer, puisqu’il n’existe aucune véritable sanction pour l’automobiliste qui néglige l’entretien sécuritaire de son véhicule.

Chaque fois qu’un accident grave survient, les médias évoquent la possibilité d’une distraction ou d’une vitesse excessive. Solution trop simple pour expliquer de nombreux accidents qui auraient pu être évités. Parce que des pneus, des freins, des amortisseurs et des pièces de direction usés à la corde sont certainement souvent en cause dans ce genre de sinistre. 

Photo: Gilles Olivier

L’inaction de la SAAQ

Il est donc à mon sens plus qu’urgent que la SAAQ instaure un programme d’inspection périodique, en collaboration avec les ateliers mécaniques. Pas seulement sur les véhicules provenant d’autres provinces. Pas seulement sur les véhicules qui n’ont pas été immatriculés depuis plus d’un an. Sur tous les véhicules âgés de cinq ans ou plus. Une inspection qui aurait pour objectif d’augmenter la sécurité sur nos routes et d’améliorer ce cher bilan annuel, pourtant si précieux aux yeux de l’État. Une inspection où il ne faudrait toutefois pas user de zèle, mais qui pourrait être effectuée à raison d’une fois tous les deux ans.

Vous me direz : « Encore de l’argent? ». Et si cette source de revenus supplémentaire pour la SAAQ pouvait permettre de réduire le coût de l’immatriculation ou du permis de conduire? Et surtout, si l’ensemble des garagistes et vendeurs de pièces devaient aussi y mettre du leur sur le plan financier, récoltant au passage des ventes de pièces et de services de réparation? Y verriez-vous un inconvénient?

Chose certaine, notre parc automobile est en piteux état. Une situation qui ne peut perdurer et pour laquelle il faudra prendre action. En éduquant les automobilistes sur l’importance d’un entretien adéquat, et en légiférant pour diminuer ce trop grand nombre d’accidents causés par la « vitesse ».

Oh, en terminant, sachez pour votre gouverne que la cliente propriétaire de ladite Versa Note s’est présentée à nouveau au garage, avant-hier. Cause de la visite? Étrier de frein saisi. Un remplacement de disques, de plaquettes et d’un seul des deux étriers (oui, oui!), puis elle reprenait la route le lendemain, avec une voiture toujours aussi dangereuse. Peut-être sera-t-elle de retour dans deux semaines, avec une table de suspension arrachée! Si bien sûr, d’ici là, elle n’a eu aucun accident.

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