Un nouveau programme de mise à la casse au nom de l’environnement?

Publié le 4 février 2021 dans Blogue par Antoine Joubert

On apprenait récemment que la CADA (Corporation des associations de détaillants d’automobiles) avait suggéré au gouvernement canadien d’aller de l’avant avec un projet de loi qui proposerait une compensation financière atteignant jusqu’à 3 000 $, afin de retirer de la route des véhicules âgés de 12 ans et plus.

En gros, un programme de mise à la casse qui stimulerait la vente de véhicules neufs et qui permettrait selon la CADA de réduire les gaz à effet de serre de façon significative.

Des ventes en baisse

Cette proposition découle bien sûr des baisses considérables de ventes de véhicules neufs répertoriées au cours des trois dernières années, mais plus spécifiquement en 2020, où les ventes ont chuté de 19,7%.

Présentée dans l’optique d’une stimulation économique et d’une action environnementale, cette proposition semble avoir été accueillie d’un bon œil par le gouvernement Trudeau, qui déposera prochainement son budget fédéral. Toutefois, je me permets de sévèrement critiquer cette proposition qui en vérité, n’a qu’un seul objectif : celui de vendre plus de véhicules. Une stratégie totalement viable venant de la part des commerçants, mais totalement mensongère au chapitre environnemental.

C’est qu’en fait, on mentionne vouloir retirer des véhicules de la route pour les remplacer par des nouveaux, en ne tenant compte que des émanations polluantes émises par la moyenne des véhicules commercialisés dans les années 2000, versus nos véhicules d’aujourd’hui. Or, parce que les ventes de petites voitures baissent drastiquement au profit des VUS qui eux, gagnent sans cesse en popularité, il est clair que les améliorations en matière de qualité de l’air seraient moindres que ce que l’on avance.

En fait, selon ce qu’on propose, un consommateur pourrait par exemple recevoir une somme de 2 500 $ ou 3 000 $ pour sa vielle Toyota Echo, et se procurer un Chevrolet Silverado à moteur V8, consommant trois fois plus de carburant. Une situation extrême, mais tout de même possible. Alors, imaginons qu’un propriétaire de Hyundai Sonata 2008 troque son véhicule pour un Hyundai Santa Fe tout neuf? S’agirait-il d’un réel gain environnemental, considérant que les deux véhicules consomment à peu près la même quantité de carburant?

La réponse est non. Pourquoi? Parce que bien que les émanations polluantes soient inférieures sur un véhicule neuf, bénéficiant d’un système antipollution plus efficace, il est clair que la fabrication de ce nouveau Santa Fe a elle aussi un impact majeur. En fait, on évalue à l’équivalent d’au moins un an d’émanations polluantes émises par le véhicule lui-même, la seule étape de sa fabrication. Puis, il faut aussi considérer l’impact de la mise à la casse du vieux véhicule, allant de son impact physique à son démantèlement, en passant par le recyclage des huiles.

Photo: Pexels

Ciblons les gros pollueurs

Pour ce que ce programme soit logique au chapitre environnemental, il faudrait selon moi que les véhicules mis à la casse soient de gros pollueurs en piteux état. Des véhicules à moteur V6 ou V8 en fin de vie, et qui seraient remplacés par des modèles hybrides ou électriques, avec lesquels les émissions ne sont que symboliques par rapport à celles des véhicules mis à la casse. Or, dans un tel contexte, on peut aussi imaginer que le budget alloué pour les crédits des véhicules électriques pourrait en partie être déplacé dans ce dernier, bonifiant ainsi l’objectif de réduire les émanations polluantes causées par les véhicules automobiles.

Maintenant, il ne faudrait certainement pas que ce possible projet de loi encourage la vente de plus gros véhicules qui, bien que moins énergivores qu’il y a dix ou quinze ans, continueront d’émettre plus d’émanations polluantes que les petites voitures. Il faut au passage souligner que si les ventes de véhicules ont baissé ces dernières années, c’est peut-être aussi parce que les fabricants ont fortement diminué l’offre de petits véhicules plus accessibles. En effet, avec un prix de vente moyen oscillant autour des 40 000 $, les véhicules neufs sont plus difficilement accessibles pour une partie de la population, qui se rabat plus que jamais vers des modèles d’occasion.

On peut donc aussi en conclure que la moyenne des nouveaux véhicules neufs, en excluant les électriques, sont peut-être plus polluants qu’il y a quelques années, pour la simple raison que la vaste majorité des sous-compactes et compactes perdent en popularité ou sont carrément disparues.

Il faudra donc voir si le gouvernement Trudeau ira de l’avant avec ce projet de loi qui doit être encadré, et qui ne doit certainement pas que servir les fabricants et marchands de véhicules neufs. En attendant, souvenez-vous que le fait de prolonger la vie de voiture véhicule d’occasion en effectuant un entretien adéquat est un geste certainement plus propre que celui de mettre un nouveau véhicule sur la route, quel qu’il soit.

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