Vous souvenez-vous de la… Lincoln LS?

Publié le 10 décembre 2021 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

Finis les chromes dégoulinants et les suspensions en guimauve, les Lincoln des années 2000 allaient attaquer les conquérantes européennes de front, être plus BMW que BMW!

Du moins le croyait-on chez Ford…

Remise en cause

Si les années 80 ont été excellentes pour Lincoln, en se hissant enfin au niveau des ventes de Cadillac, les années 90 ont été plus difficiles et la marque ne doit alors sa survie qu’au très lucratif Navigator, lancé en 1998. La clientèle vieillit et la concurrence européenne et japonaise se fait toujours plus forte. La recette traditionnelle ne prend plus. Et donc, comme le dit le dicton : si vous ne pouvez pas les vaincre, joignez-vous à eux.

Photo: Lincoln

Collaboration transatlantique

Ça tombe bien, car Ford a dans son escarcelle la vénérable marque anglaise Jaguar, acquise en 1989. Après une longue période d’hésitation, le projet d’une toute nouvelle plate-forme propulsion, baptisée DEW98, est lancé. Il s’agit d’un développement commun entre Ford et Jaguar qui servira de base aux Lincoln LS, Ford Thunderbird (2002-2005), Jaguar S-Type (2000-2008) et XF (2008-2015). Elle devait être également utilisée pour la Mustang 2005 mais Ford changera ses plans.

L’accent est mis sur la qualité de la tenue de route. C’est pourquoi la LS reçoit une suspension indépendante aux quatre roues et de nombreux composants en aluminium (suspensions, capot, couvercle de coffre et ailes avant) pour réduire le poids. Les ingénieurs arrivent à obtenir une répartition avant/arrière du poids quasi parfaite : 51/49 pour la version avec V6 et 52/48 pour la mouture avec V8.

Les moteurs proviennent de chez Jaguar. Le V6 de 3,0 litres est dérivé du Duratec Ford que l’on retrouve dans la Taurus, mais il bénéficie d’un système de distribution variable. Le V8 de 3,9 litres est une évolution spécifique à Ford du bloc AJ-V8 introduit par Jaguar en 1996. Les puissances sont respectivement de 210 et 252 chevaux. Dans les deux cas, ils sont accouplés à une boîte automatique à 5 rapports et , cerise sur le gâteau, une boîte manuelle 5 rapports provenant de chez Getrag est aussi disponible sur le V6. On n’avait plus vu une boîte manuelle chez Lincoln depuis 1952!

Le style extérieur est confié à Helmuth Schrader. Né en Allemagne, il est entré chez Ford Europe en 1974 avant de venir travailler à Detroit en 1994. Il a la lourde tâche de combiner ses influences européennes avec les codes stylistiques de Lincoln. Le style intérieur est dirigé par Ron Swick.

Photo: Lincoln

Démarrage en fanfare!

La Lincoln LS est dévoilée au Salon de l’auto de New York en 1998 et arrive sur le marché en juin 1999 pour le millésime 2000. Elle porte alors le nom de LS6 et LS8 (selon les moteurs) mais Lexus craint que ce nom ne soit trop proche de celui de sa berline LS. Lincoln les rebaptisera LS V6 et LS V8. À ce moment, la marque a de grands espoirs pour la LS et espère attirer de plus jeunes acheteurs (de 30 à 50 ans). Elle estime pouvoir vendre 70% de V8, 25% de V6 automatiques et 5% de V6 manuelles (mais souhaite que ce dernier chiffre soit plus élevé).

Pendant un temps, les dirigeants de Lincoln pensent sérieusement la commercialiser en Europe et évaluent la possibilité d’une version diesel. Toutefois, l’achat de Volvo en 1999 chamboule la donne et retardera ces plans… avant qu’ils ne soient complètement annulés.

Les prévisions de ventes pour l’année calendaire 1999 sont de 30 000 exemplaires et de 65 000 pour 2000 (y compris Canada et Mexico). Effectivement, les objectifs sont tenus avec des ventes américaines de 26 368 exemplaires en 1999 et 51 039 en 2000. Le titre de Voiture de l’année 2000 décerné par Motor Trend ne doit pas y être étranger. Le magazine apprécie le pari pris par Lincoln. D’ailleurs, l’ensemble de la presse reconnaît les qualités routières de la LS.

Photo: Lincoln

Éditions spéciales

Pour le millésime 2002, Lincoln introduit une version LSE (pour Lincoln Special Edition) qui n’est en fait qu’un ensemble esthétique (grille spéciale, bas de caisse, roues uniques et échappement double). Cet ensemble sera aussi disponible en 2004 et 2005 (tous les modèles 2006 auront un avant similaire à la LSE).

Toujours en 2002, Lincoln présente au Salon de New York un concept dévoilé avec McLaren Performance (rien à voir avec la marque anglaise…). Le V8 de 3,9 litres reçoit un compresseur de type Eaton qui fait monter la puissance à 350 chevaux. Il est accouplé à une boîte manuelle Tremec à 6 rapports. Enfin, les suspensions sont revues et les roues de 18 pouces sont chaussées de Michelin Pilot Sport. Cela aurait pu faire une intéressante concurrente à la BMW M5 mais Lincoln n’ira pas plus loin…

Ça se gâte…

À partir de 2001, les ventes commencent à baisser. Une baisse que le restylage de 2003 n’arrive pas à endiguer. À ce moment, les moteurs sont revus et leurs puissances grimpent à 232 chevaux pour le V6 (après être passée à 220 chevaux en 2002) et 280 chevaux pour le V8. La boîte de vitesses manuelle est supprimée. Elle n’a réussi à séduire que 2 331 acheteurs en trois ans, largement moins que prévu. Les faciès avant et arrière sont revus et l’équipement est enrichi. Un nouveau système audio certifié THX (une première dans l’industrie) comprenant 10 haut-parleurs et combiné à un système de navigation avec écran tactile est optionnel.

Après, il ne se passe plus grand-chose… Le V6 est abandonné en 2006 pour faire la place à la nouvelle Zephyr traction avant, cousine de la Ford Fusion. La LS s’éclipse à la fin du millésime 2006 et l’usine qui la produit, Wixom dans le Michigan, est fermée.

Photo: Lincoln

Que s’est-il passé?

C’est probablement le magazine Car and Driver qui résume le mieux la Lincoln LS dans un essai comparatif en 2002 : une auto impossible à haïr, mais difficile à aimer.

La LS est plutôt réussie, elle n’arrive pourtant pas à se démarquer. Ni l’extérieur ni l’intérieur n’ont le panache de certaines de ses concurrentes. Son positionnement est flou : elle vise à concurrencer la Série 5 mais elle est souvent comparée à la Série 3.

Et puis, il reste le déficit d’image de Lincoln à combler dans ce segment… ce qui n’est pas une mince affaire.

Enfin, Ford traverse des années tumultueuses entre 2000 et 2006 et la LS perdra son principal avocat avec le départ du PDG Jacques « the knife » Nasser  en octobre 2001.

La LS aura été fabriquée à 262 900 exemplaires (dont 245 520 pour les États-Unis) et n’aura pas de remplaçante directe. Elle n’aura pas réussi à « amener une nouvelle dimension à Lincoln » comme le clamait Motor Trend en 2000 lors de la remise du titre de Voiture de l’année.

En vidéo : Antoine Joubert s'exprime sur la fin des voitures chez Lincoln

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