Vous souvenez-vous de… l’AMC Pacer?
Lorsque la Pacer arriva sur le marché en 1975, la presse titra « Soudainement, c’est 1980 ». En réalité, le modèle aura toutes les difficultés à se rendre jusqu’à cette année-là, malgré un démarrage brillant.
AMC, issu de la fusion de Nash et Hudson en 1954, a souvent été appelé « le quatrième des trois grands ». Petit constructeur, il devait concurrencer, à l’époque, trois des plus grands fabricants automobiles du monde. Cela obligeait constamment la marque à trouver des solutions originales à moindre frais et à lancer des produits suffisamment décalés pour ne pas affronter de face Ford, GM ou Chrysler. C’est dans cet état d’esprit de « philosophie de la différence » que fut développée la Pacer.
- À lire aussi: Vous souvenez-vous des… Dodge Aspen et Plymouth Volaré?
- À lire aussi: Vous souvenez-vous de la… Lincoln Versailles?
Projet Amigo
Nous sommes en 1971. La première crise du pétrole n’a pas encore eu lieu. Mais déjà, les nuages s’amoncellent sur l’industrie automobile sous la forme de nouvelles normes de sécurité et de pollution. Gerald Meyers, chef du développement produit pour AMC, réfléchit à l’avenir. La compagnie se porte bien, il va toutefois falloir relever de nouveaux défis. Meyers pense qu’AMC peut redevenir le leader dans le segment des compactes. Il envisage un véhicule avec un intérieur spacieux, une excellente visibilité, une bonne tenue de route et, pourquoi pas, un groupe motopropulseur révolutionnaire. Le projet Amigo est lancé.
Les premières esquisses sont réalisées au studio de design de Chuck Mashigan. Plusieurs idées sont évaluées mais l’une se dégage rapidement du lot. On retrouve déjà à l’arrière les formes quasi définitives de la Pacer, avec de larges surfaces vitrées. L’avant est par contre plus court et plus plongeant avec, sur certaines maquettes, des phares escamotables. Tout ceci est rendu possible grâce à l’utilisation d’un moteur rotatif, plus compact à puissance équivalente qu’un traditionnel moteur à 4 temps.
Ensuite, le projet passe au studio des véhicules compacts, dirigé par Bob Nixon, sous la houlette de Dick Teague. Premier problème, les avocats demandent que l’auto soit élargie et reçoive des protections additionnelles en cas d’impact latéral, en prévision de futures normes de sécurité que le gouvernement fédéral envisageait. Cela déséquilibrerait les proportions, selon Bob Nixon.
Deuxième problème : la motorisation. AMC n’ayant pas les moyens de développer seule le moteur rotatif, elle trouva un partenaire sous la forme de General Motors. GM avait acquis la licence Wankel en 1970 et avait commencé les études de moteurs à deux et quatre rotors. AMC était censé installer un bloc à deux rotors (code RC2-206) sous le capot de la Pacer. Mais GM rencontra d’importantes difficultés de développement (émissions, consommation et fiabilité).
Quand il devint évident, courant 1973, que General Motors ne pourrait pas fournir de moteurs rotatifs, AMC dut se tourner en urgence vers son 6 cylindres en ligne de base, demandant de redessiner et de reconcevoir une partie de l’avant. La cloison pare-feu fut modifiée pour pouvoir reculer le bloc classique au maximum. Le réglage des suspensions fut aussi entièrement revu. Quant à GM, il renonça officiellement au moulin rotatif le 24 septembre 1974. La première crise du pétrole était passée par là et il était impensable de sortir un moteur aussi énergivore.
La Pacer fut finalement prête à partir en production à l’usine de Kenosha, dans le Wisconsin, dès août 1974. Par malheur, une grève obligea AMC à ne démarrer l’assemblage qu’en janvier 1975. L’auto fut présentée au public le 28 février 1975.
Démarrage en trombe
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Pacer a des proportions uniques pour l’époque. Par rapport à sa cousine, la Gremlin, elle repose sur un plus grand empattement (2 540 mm contre 2 438) alors qu’elle est à peine plus longue (4 364 mm contre 4 326). Mais surtout, elle est sensiblement plus large (1 963 mm contre 1 793), se rapprochant ainsi de modèles de catégorie supérieure. Pour démontrer ce fait, AMC fera rentrer une Chevrolet Nova dans une maquette à l’échelle 1 d’un avant de Pacer pour son matériel promotionnel.
Autre différence importante, le poids : 1 360 kilos, soit 136 kilos en défaveur de la Pacer. Et encore, il ne s’agit que de la version de base, pas particulièrement bien dotée. Pour obtenir des équipements comme les freins à disque, la boîte automatique, la direction assistée ou une barre antiroulis à l’avant, il y a un supplément de dollars et de kilos. Autre option quasiment indispensable : la climatisation (ou au moins les évents de fenêtre). Car la Pacer possède une large surface vitrée (3,62 m², soit 37% de la surface totale de l’auto ou 50% de plus que la moyenne des compactes).
Sous la chaleur, elle devient un four. La ceinture de caisse est tellement basse que les contre-portes sont rehaussées pour le confort des occupants. Autre originalité, la porte du passager est plus longue de 10 centimètres, pour faciliter l’accès aux places arrière. L’espace intérieur est l’un des points forts de la Pacer. En termes de cotes d’habitabilité, elle est similaire à la Cadillac Eldorado, qui mesure pourtant 1,35 m de plus. La banquette rabattable vient de série.
Sous le capot, on retrouve donc le fidèle 6 cylindres 232 pc (3,8 litres) lancé en 1964 et développant 100 chevaux. Un 6 cylindres de 258 pc (4,2 litres) bon pour 110 chevaux était disponible en option (une version à carburateur deux corps de 120 chevaux sera aussi offerte en cours d’année). Tous deux bénéficient de l’allumage électronique. Côté transmission, une manuelle à 3 rapports avec levier au volant vient de série alors qu’une manuelle à 3 rapports avec levier au plancher ou une automatique à 3 rapports (fournie par Chrysler) sont optionnelles. Un surmultiplicateur (overdrive) Laycock de Normanville est également disponible. La Pacer sera la seule AMC vendue avec une direction à crémaillère.
Le prix de base de la Pacer était de 3 299 $ US (3 995 $ CAD). Le groupe optionnel X à caractère « sportif » offrait des sièges baquets, le levier de vitesses au plancher, un volant sport, de l’insonorisation additionnelle, l’ensemble Décor extérieur, des roues à 5 branches et la barre antiroulis avant. Le groupe optionnel D/L (pour De Luxe) donnait accès à des baquets inclinables avec tissu exclusif « Basketry Print », une finition faux bois du volant et de la planche de bord, un tapis de coffre, l’ensemble Décor extérieur et de l’insonorisation additionnelle.
À la présentation, les clients se précipitèrent vers les concessions. AMC dut revoir à la hausse ses capacités de production. À la fin de l’année, la marque avait fabriqué 72 158 exemplaires, n’arrivant pourtant pas à répondre à la demande. La crise du pétrole avait heurté de plein fouet AMC et l’introduction de la Pacer avait coûté cher à la compagnie, qui connaîtra des pertes en 1975. Mais avec un tel succès entre les mains, les dirigeants d’AMC étaient certains d’un retour rapide à la rentabilité.
Une chute rapide
Le millésime suivant n’apporta logiquement que peu de changements. De nouvelles options apparaissent : rapport de pont allongé pour l’économie, boîte manuelle 4 rapports, ensemble Rally (console centrale, horloge et groupe d’instrumentation). Une série spéciale Sundowner est proposée en cours d’année. La production est en hausse (117 244) mais cela est dû à la demande de l’année précédente. En fait, le trafic dans les salles d’exposition est en baisse et les ventes commencent déjà à s’en ressentir.
Le millésime 1977 introduit l’une des nouveautés les plus significatives dans l’histoire de la Pacer sous la forme d’une deuxième carrosserie : la familiale. Le porte-à-faux arrière est allongé de 10 centimètres, ce qui permet de faire passer le volume de chargement de 835 litres à 1 354. Les versions familiales D/L ont droit à des appliques en faux bois. La familiale deviendra instantanément plus populaire que le coupé, et ce, jusqu’à la fin de la carrière de la Pacer.
Autres nouveautés : la disparition du 258 pc de 110 chevaux, les moteurs restants sont donnés pour 88 et 114 chevaux, les freins à disque deviennent standard et une sellerie Levi’s est disponible en option. AMC testera un temps des versions avec le 4 cylindres d’origine Audi monté dans la Gremlin depuis 1977… sans grand succès, l’auto étant trop lourde. Malgré les nouveautés, la production prend un sérieux coup : 58 264 exemplaires (dont 20 265 coupés et 37 999 familiales). AMC est maintenant dans une situation financière difficile et certains évoquent la disparition de la marque.
Un V8 de 304 pc (5 litres) développant 130 chevaux et une calandre agrandie (pour accommoder le V8) sont les changements significatifs pour 1978. La gamme est simplifiée (la version D/L devient le modèle de base et le groupe X est remplacé par un ensemble Sport), et le réservoir est réduit de 22 à 20 gallons. Les ventes dégringolent littéralement et AMC ne produit que 21 231 exemplaires (7 411 coupés et 13 820 familiales, seules 2 514 Pacer recevront le V8). Si la compagnie réalise des profits cette année-là, c’est grâce à la division Jeep.
Le 6 cylindres de base disparaît en 1979 alors que le V8 ne développe plus que 125 chevaux. Le modèle de base devient DL (sans la barre oblique) et une version Limited est ajoutée. Elle comprend l’intérieur en cuir, le confort électrique, le volant inclinable et la radio AM de série. Mais rien n’y fait, la Pacer sombre : 10 215 exemplaires produits (2 863 coupés et 7 352 familiales, 1 014 Pacer équipées du V8). L’année voit le début de l’association avec Renault. La Pacer n’intéresse plus personne chez AMC.
Le millésime 1980 s’arrête abruptement le 3 décembre 1979 après seulement 1 746 exemplaires produits (405 coupés, 1 341 familiales, le V8 a disparu). La Pacer sort des chaînes de montage pour de bon!
La mauvaise blague
La Pacer n’aura été fabriquée que durant six ans (à 280 858 exemplaires). De désirable à son lancement, elle est rapidement devenue une blague dans le milieu de l’automobile. Parmi les raisons, on pourra citer le dessin peu commun, des performances anémiques, une fiabilité parfois douteuse, un marketing mal adapté et une deuxième crise pétrolière en 1979.
La concurrence japonaise lui aura aussi causé un sérieux tort. L’expérience de Gerald Meyers n’aura pas tourné comme prévu. Il faudra attendre le film Wayne’s World en 1992 pour que la Pacer redevienne (un peu) cool avec, il est vrai, une bonne dose d’ironie. Party time Wayne! Excellent!
PS : la Mirthmobile originale du film s’est vendue aux enchères pour 71 500 dollars US début 2022.