Ford F-150 SVT Lightning : quand Lightning ne rimait pas avec électrique

Publié le 3 janvier 2023 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

Ford a lancé pour le millésime 2023 son F-150 Lightning, un camion 100% électrique. « Lightning » était donc un choix de nom judicieux. Pourtant, ce mot n’a pas toujours été synonyme d’écologie. Il y a 30 ans, il faisait plutôt référence à la vitesse de l’éclair!

Les années 60 ont établi la recette des muscle cars : un gros moteur dans un petit (disons moyen) châssis. Les années 90 vont la redéfinir pour les camions. C’est Chevrolet qui lance les hostilités en 1990 en glissant un V8 de 7,5 litres (454 pc, 230 chevaux) dans un camion C/K et en le nommant 454 SS, en référence aux glorieuses Super Sport des années 60. En 1991, GMC emboîte le pas avec le Syclone, une   camionnette compacte avec un V6 de 4,3 litres dopé par un turbo Garrett et développant 280 chevaux. L’année d’après, le même bloc sera installé dans un VUS, qui prendra le nom de Typhoon. Ford ne devait pas être en reste.

L’équipe des véhicules spéciaux

En 1981, Ford avait fondé SVO (Special Vehicle Operations) dans le but de créer des véhicules de performance. Ce qui aboutira à la commercialisation de la Mustang SVO de 1984 à 1986. Et pas grand-chose d’autre…

L’activité reprend du souffle à partir de 1991 alors que SVO devient SVT (Special Vehicle Team). Les premiers modèles sont présentés au Salon de l’auto de Chicago en février 1992 : la Mustang Cobra et le F-150 Lightning. Début 1994, John Coletti en prend la tête. Coletti porte un titre prestigieux chez Ford : l’homme qui a sauvé la Mustang. C’est lui qui s’est battu pour que la Mustang ne soit pas produite sur une base de Mazda et a proposé une alternative qui deviendra le modèle 1994 (plate-forme SN-95).

À partir de là, SVT construira des versions sport de la Mustang, du F-150 mais aussi des Contour et Focus. Jusqu’en 2004, près de 145 000 véhicules porteront cet illustre logo. Après, SVT sera impliqué dans le retour des Mustang Shelby et la conception du F-150 Raptor de 2010. Les activités de performance à travers le monde seront fusionnées au sein de Ford Performance en 2014, signant la disparition de SVT.

Première génération

Pour son camion de performance, SVT choisit le plus petit F-150 (cabine simple et boîte courte fleetside) en deux roues motrices pour réduire le poids. L’extérieur se distingue par ses pare-chocs et la grille de couleur carrosserie, un  béquet avant intégré, des phares antibrouillards, des logos spécifiques sur la boîte et des roues de 17 pouces.

Photo: Ford

Deux couleurs sont disponibles au lancement (rouge et noir) tandis que le blanc sera ajouté l’année suivante. L’intérieur (couleur charbon) est basé sur la finition XLT avec le groupe d’équipement préféré. Ainsi, le Lightning offre la climatisation, les vitres et le verrouillage électrique, le régulateur de vitesse, le volant inclinable et une radio AM/FM avec lecteur de cassettes et 4 haut-parleurs. Il bénéficie également de sièges baquets à réglage électrique, d’une console centrale, d’un volant en cuir, d’une instrumentation spécifique et de tapis de sol avec le logo Lightning.

Le cœur du Lightning, c’est son V8 de 351 pouces cubes Windsor (5,8 L) passablement revu : nouvelles têtes, tubulures d’admission, tubulures d’échappement, pompe à essence à haut débit, nouveaux injecteurs, filtre à air redessiné et échappement double. Résultat, la puissance passe de 200 à 240 chevaux et le couple de 310 à 340 lb-pi. Ça n’a pas l’air de beaucoup, mais rappelez-vous que le 7,5 litres du 454 SS ne développe « que » 230 chevaux en 1990 et 255 chevaux à partir de 1991. La boîte de vitesses automatique à 4 rapports E4OD recalibrée est la seule disponible. L’essieu arrière à glissement limité utilise un rapport de pont de 4,10:1. Le châssis est renforcé et les suspensions sont abaissées (1 pouce à l’avant et 2,5 pouces à l’arrière). On retrouve des barres antiroulis d’un pouce et des amortisseurs Monroe Formula GP sur les deux essieux.

Photo: Ford

L’accueil de la presse est positif. Elle apprécie sa tenue de route et ses performances. Le magazine Motor Trend réalisera le 0 à 60 mph en 7,2 secondes et le quart de mille en 15,6 secondes. Une Mustang GT fait certes un peu mieux mais elle n’a pas une capacité de remorquage de 5 000 livres (2 267 kilos). Les modifications se limitent à un intérieur gris et à la disponibilité d’une banquette 3 places à partir de 1994. Toujours en 1994, Ford présentera un Bronco préparé à la sauce sportive et baptisé « White Lightning » mais celui-ci ne dépassera pas le stade concept. La réponse initiale du public est plutôt bonne et les ventes s’établissent comme telles :

1993

1994

1995

Noir

2 691

1 382

824

Rouge

2 585

1 165

695

Blanc

---

1 460

761

Total

5 276

4 007

2 280

En 1995, la baisse des ventes de près de moitié et le besoin de Ford de préparer la chaîne d’assemblage de l’usine de Wayne, dans le Michigan, pour le nouveau modèle de 1997 amènent à la disparition du Lightning à la fin du millésime après 11 563 exemplaires produits. Mais la foudre va frapper une fois de plus…

Deuxième génération

Pendant que le lancement de la dixième génération de F-150 (plate-forme PN-96) mobilise d’importantes ressources de Ford, Coletti songe déjà à la deuxième itération d’un Lightning avec, cette fois-ci, quelque chose de plus méchant. En collaboration avec Roush, SVT greffe sur le V8 5,4 litres Triton un compresseur Eaton Gen IV M112 soufflant à 8 psi maximum avec un refroidisseur air/eau ainsi que des bielles et un vilebrequin forgés. Grâce à cela, la puissance passe de 260 à 360 chevaux et le couple de 345 à 440 lb-pi. La boîte automatique à 4 rapports 4R100 reçoit des composants internes destinés aux F-250/350 ainsi qu’un radiateur supplémentaire. L’essieu arrière est Detroit Locker à glissement limité avec un rapport de pont de 3,55:1.

Cette fois-ci, le châssis est complètement d’origine alors que les suspensions sont abaissées (1 pouce à l’avant et 2 pouces à l’arrière) et utilisent des amortisseurs Monroe. Le tout repose sur des roues de 18 pouces montées sur des Goodyear Eagle-F1 GS unidirectionnels avec quatre freins à disque, uniquement en propulsion bien sûr.

Photo: Ford

Extérieurement, tous les Lightning ont une boîte courte flareside avec une cabine simple. L’avant (qui intègre des antibrouillards) et les bas de caisse sont spécifiques. Au départ, trois couleurs sont proposées mais le choix évoluera régulièrement au fil des ans (voir tableau de production ci-dessous). L’intérieur s’ouvre sur des sièges 40/60 à réglage électrique mélangeant tissu et cuir, une instrumentation SVT distinctive blanche, le confort électrique et l’air conditionné à réglage manuel. Les options se limitent à un changeur de 6 disques compacts, un couvre-boîte et un ensemble de remorquage classe III. Comme son prédécesseur, la capacité de remorquage est de 5 000 livres (2 267 kilos). Ce qui change, ce sont les performances!

Ford annonce au lancement, en 1999, les chiffres suivants : 0 à 60 mph en 6,2 secondes, le quart de mille en 14,6 secondes à 156 km/h et une vitesse maximale de 225 km/h. Ces chiffres suffisent à mettre l’eau à la bouche des enthousiastes mais la production, entièrement réalisée à l’usine d’Oakville en Ontario, est limitée à 4 000 exemplaires.

Le millésime 2001 verra l’introduction d’un moteur engendrant 380 chevaux et 450 lb-pi de couple grâce à de nouvelles tubulures d’admission, un refroidisseur redessiné et un papillon d’admission plus large. L’essieu arrière voit son rapport de pont raccourci à 3,73:1 alors que l’arbre de transmission élargi utilise de l’aluminium. Tout ceci permet au magazine Motor Trend d’effectuer le 0 à 60 mph en 5,2 secondes et le quart de mille en 13,8 secondes à 167 km/h. Des gains significatifs! Les têtes de moteur sont revues en 2003 afin de régler un problème de bougies et la charge utile passe de 800 livres (363 kilos) à 1 350 livres (612 kilos).

Photo: Ford

Il est à retenir deux F-150 Lightning bien spéciaux. Le premier est un exemplaire gris qui a obtenu le 13 août 2003 le record homologué du « pick-up le plus rapide du monde » à la vitesse de 147,14 mph (236,75 km/h). Le second est l’exemplaire rouge conduit par Brian O’Conner (alias Paul Walker) dans le premier opus de la saga Fast and Furious, sorti au cinéma en 2001. Même les livraisons de pièces doivent être rapides et dangereuses!

Tout au long de sa carrière, la deuxième génération de Lightning a enregistré de bons chiffres de ventes (voir tableau ci-dessous) avec une production totale de 28 124 exemplaires. Ce qui poussera Ford à continuer l’aventure avec le F-150 onzième du nom.

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Noir

1 601

1 596

1 908

1 198

1 036

843

Rouge

1 533

1 405

1 722

1 086

735

648

Blanc Oxford

866

928

1 170

294

606

428

Argent métallique

---

1 037

1 581

1 018

---

618

Bleu "True Blue"

---

---

---

1 130

---

---

Gris foncé

---

---

---

---

1 170

648

Bleu Sonic

---

---

---

---

723

596

Total

4 000

4 966

6 381

4 726

4 270

3 781

La tentative de troisième génération

Au Salon de Detroit 2003, Ford fêtait son centenaire. Et quoi de mieux que d’annoncer le nouveau F-150, vache à lait de la corporation? En même temps, la marque présenta un concept de troisième génération de Lightning.

Photo: Ford

Au menu, un V8 5,4 litres avec un compresseur Eaton bon pour 500 chevaux accouplé à une transmission Tremec T-56 à 6 rapports. Ce moteur comportait une technologie originale : une partie du liquide de climatisation était redirigée vers le refroidisseur du compresseur afin d’avoir de l’air encore plus frais dans les cylindres. L’idée a été brevetée par John Coletti lui-même et a été surnommée « Cool-etti ». Malheureusement, le projet ne prendra pas forme à cause, entre autres, de l’absence d’une transmission automatique capable d’encaisser le couple. En 2006, une autre tentative aura lieu mais n’aboutira pas non plus à cause de l’effet « toujours plus » : pour avoir plus de performances avec un châssis plus lourd, il faut plus de puissance, plus de freins, une plus grosse transmission… ce qui entraîne un châssis plus lourd et il faut donc plus de puissance… sans parler du prix final de l’engin. Le principal concurrent, le Dodge Ram SRT-10, achevait sa carrière à la fin de 2006. Le marché passait à autre chose et, par conséquent, Ford aussi.

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