Toujours plus gros
La culture automobile varie selon les pays, les continents. Et il est clair que chez nos voisins du Sud, le prestige d’un véhicule a toujours été en partie attribuable à sa taille. Parce qu’une plus grosse voiture, c’est plus spacieux, plus confortable, plus pratique. Parce qu’un plus gros moteur, c’est plus souple, plus performant.
Mais surtout, parce qu’un gros véhicule impose le respect, du moins dans l’imaginaire américain.
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Dans l’esprit des Américains, le plus gros véhicule est aussi un symbole de richesse : il faut le payer, l’entretenir, l’assurer, l’alimenter en carburant. Certes, nous savons tous qu’un véhicule onéreux peut aussi être un signe d’endettement, mais parce qu’il est également gage de réussite, on ne s’attarde pas sur la question…
Ailleurs dans le monde, le symbole de la grosse bagnole ne se définit pas nécessairement de la même façon. Certes, les Asiatiques et les Européens apprécient les voitures luxueuses et prestigieuses, mais ne définissent pas ces critères par le format de leur véhicule. Il faut dire que culturellement, l’espace qu’occupe un véhicule dans l’environnement a toujours été une préoccupation, parce qu’il n’est pas aussi simple de circuler et de se garer à Tokyo qu’à Dallas.
De ce fait, on commercialise là-bas des voitures plus compactes, lesquelles, sans être dépourvues de luxe et de technologies, cadrent mieux avec les désirs et besoins de la clientèle, qui accepte tout de même de payer le gros prix pour les acquérir. À l’opposé, vous aurez peine en Amérique du Nord, spécialement aux États-Unis, à vendre de petites voitures luxueuses et onéreuses, surtout si leur coût est pratiquement aussi élevé que celui d’autos plus grosses.
Au Canada, et au Québec en particulier, cette perception diffère. On aime les plus petits véhicules et on accepte d’en payer le prix. Jusqu’à un certain point. Ainsi, la Volkswagen Golf ou la Mercedes-Benz de Classe A auraient pu survivre chez nous, même si l’on en avait monté les prix. Or, parce que notre marché est dicté par les Américains, on a éliminé plusieurs produits qui, chez nous, pourraient connaître du succès.
Le contexte environnemental auquel nous faisons tous face apporte toutefois son lot de questions, face à la multiplication des véhicules de grande taille. Parce que non seulement l’industrie élimine une à une les petites voitures du marché, luxueuses ou pas, mais elle multiplie l’offre de gros véhicules. Plus lourds, plus encombrants, plus énergivores.
Évidemment, l’industrie se défend en affirmant qu’elle répond à l’appel des consommateurs. En vérité, elle nous les impose en limitant l’offre de petits véhicules et en haussant leurs prix comme leurs taux de financement, alors que ceux de plus gros véhicules sont souvent plus avantageux. Elle se défend aussi avec l’excuse des véhicules électriques, nécessaires à la transition énergétique pour un « avenir plus vert », sans toutefois calculer l’impact réel d’un gros véhicule électrique...
Certes, l’accessibilité actuelle à l’électricité au Québec n’est pas un enjeu. Mais avez-vous idée de l’énergie nécessaire à la recharge d’un Ford F-150 Lightning? Ce dernier est très convoité, mais son poids, ses composants et sa demande énergétique le rendent néfaste pour l’environnement : les terres rares et métaux nécessaires à la fabrication de sa gigantesque batterie impliquent plus de travaux d’extraction qui ne sont certainement pas propres.
Parce que ses 3 100 kilos endommagent plus rapidement notre réseau routier et impliquent une usure prématurée de pièces (suspension, direction, pneus), et parce que sa recharge à domicile demandera un plus grand flot énergétique.
Remarquez, l’industrie ne s’est jamais souciée réellement du poids des véhicules, prétextant l’ajout d’éléments de sécurité. Or, il y a trente ans, une Honda Civic pesait 320 kg de moins qu’un modèle de l’année. Un Jeep Grand Cherokee pesait 390 kg de moins . Et une camionnette F-150 à cabine allongée? Près de 500 kg d’écart avec un modèle de 1993!
Encore un an, et les sous-compactes auront complètement disparu du marché. Terminé les Chevrolet Spark, Mitsubishi Mirage et probablement, la Kia Rio. Par quoi les remplacera-t-on? Par de petits VUS. Plus lourds, plus énergivores, plus coûteux. Et attendez-vous à ce qu’il en soit de même à moyen terme pour les compactes, encore populaires chez nous, mais drôlement moins aux États-Unis.
D’ailleurs, saviez-vous que là-bas, la Toyota Camry se vend deux fois plus que la Corolla? Que l’Accord est plus populaire que la Civic? Et que le rêve ultime de l’Américain moyen n’est pas de conduire une Porsche ou une Ferrari, mais un Cadillac Escalade?
Avec la multiplication des véhicules électriques, on aurait pu s’attendre à un retour des plus petites voitures. Comme la Chevrolet Bolt EV ou la Kia Soul EV. Hélas, chaque nouveauté dévoilée cette année laisse croire à l’élimination de ces modèles. Que l’on remplacera par de grands et lourds VUS, plus énergivores et plus chers. Franchement, le fait qu’un véhicule soit électrique n’empêche pas de se soucier de sa consommation et de son impact environnemental réel!
Je suis d'ailleurs persuadé que chez nous, la petite Volkswagen ID.3 (format Volkswagen Golf) pourrait connaître énormément de succès. Même si on la vendait au prix d’un VUS ID.4 de base. Car de plus en plus d’automobilistes trouveront prochainement avantage à conduire un véhicule électrique qui ne nécessite pas une recharge plus d’une fois par semaine.
Parce que si actuellement, on a l’impression que l’électricité est gratuite, il en sera autrement d’ici peu. D’ailleurs, une récente étude prouvait que si le parc automobile québécois était aujourd’hui totalement électrifié, il serait impossible de répondre à la demande. Et qu’arrive-t-il lorsque la demande est plus forte que l’offre? Les prix explosent.
Manifestement, l’industrie continuera de produire des mastodontes. Donc si vous êtes en quête d’un nouveau véhicule que vous pensez conserver longtemps, considérez qu’un véhicule plus léger offre d’innombrables avantages tant financiers qu’environnementaux. Les coûts d’entretien sont plus faibles, la consommation énergétique comme les matériaux nécessaires à sa fabrication sont moindres, et l’espace qu’il occupera sur le réseau est plus raisonnable.
Et j’ajouterais que la rareté croissante des plus petits véhicules fera en sorte que leur dépréciation sera très faible, parfois même nulle. On le constate déjà avec les Chevrolet Bolt EV qui, usagées de trois ou quatre ans, se vendent encore au prix des neuves. Impossible d’en dire autant des Ford Mustang Mach-E (100% électriques) qui, bien que populaires, voient leur valeur baisser tranquillement.
En terminant, croyez-vous sincèrement qu’en 2023, conduire un gros véhicule est gage de réussite? Que votre voisin se moquera de votre petite voiture? Certainement pas!