VinFast : consommer-jeter?
Je me suis déjà exprimé à maintes reprises sur le fait que les véhicules d’aujourd’hui étaient à mon sens plus fragiles ou plus difficilement réparables, même avec de gros sous, que les véhicules du passé. Et cette semaine, j’ai aperçu sur les réseaux sociaux une image qui m’a jeté par terre. Celle d’un VinFast VF 8 de 4 000 km accidenté au niveau de la portière arrière droite, occasionnant des dommages qui, à première vue, semblaient superficiels. Or, le verdict est tombé après plus de quatre mois d’attente et d’évaluation. L’assureur (Beneva) a déclaré le véhicule perte totale.
Eh oui, un VUS de plus de 60 000 $ envoyé à la casse, alors que les dommages ne semblent pourtant pas si graves. Du moins, en apparence. J’ai voulu creuser l’histoire en contactant le propriétaire de la voiture pour en savoir davantage.
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Grosso modo, bien que les dégâts apparents ne concernent que la portière et l’arche de roue, il faut aussi compter des dégâts structuraux et d’autres au niveau de la suspension et de la jante. Après une première évaluation, le coût des dommages estimés par l’évaluateur avoisinaient les 19 000 $. Une somme importante, mais évidemment très loin d’égaler la valeur du véhicule, acquis quelques mois auparavant.

Or, après une recherche approfondie, l’atelier de carrosserie (FixAuto Carrefour Laval) a constaté un dommage au niveau du longeron structurel de sous-bassement du véhicule. Un problème un peu plus sérieux, qui se règle néanmoins facilement avec une procédure issue du manufacturier. Toutefois, avant d’effectuer ce type de réparation, l’assureur exige dans ce contexte une évaluation de l’état de la batterie haut voltage (puisqu’il s’agit d’un véhicule électrique), impliquant par conséquent sa mise hors fonction et son retrait. Cela requiert de l’équipement spécialisé, du temps et de l’expertise, mais permet de s’assurer que l’on ne répare pas un véhicule sur lequel on aurait aussi à remplacer la batterie.
Ce seul facteur a fait grimper la facture de façon astronomique. Or, après des mois d’attente, l’atelier de carrosserie a appris qu’il n’existait encore aucune procédure de réparation structurelle de la part de VinFast, qui aurait amorcé la commercialisation de son produit bien avant que l’on en maîtrise l’entretien et les réparations. Si cette situation est peu fréquente, certains carrossiers ont pu la constater à quelques reprises au cours des dernières années, et pas seulement avec des véhicules électriques.
De ce fait, et parce que l’assureur avait déboursé des sommes considérables en location de voiture de remplacement, en entreposage, en remorqueuse et en frais de toute sorte, il a déclaré le véhicule comme perte totale. Essentiellement, il était impossible de poser un diagnostic précis, rendant impossible l’évaluation des coûts de sa remise en condition. Une somme qui aurait pu partir en vrille en raison de l’absence de procédure de VinFast, mais aussi parce que l’on considère souvent que le manque d’expertise et d’assurance d’une qualité véritable de réparation pourrait occasionner de futurs problèmes…
Monsieur Noël, propriétaire de ce VinFast VF 8, était conscient du genre de risque qu’il courait en se procurant un véhicule sans historique et provenant d’un constructeur fraîchement débarqué au pays. Or, les délais d’attente et sa non-réparabilité l’ont fait déchanter. Monsieur Noël mentionne toutefois avoir reçu un excellent service de son assureur, qui lui a fourni un véhicule de remplacement pour 30 jours, et qui l’a ensuite dédommagé pour plus de 4 000 $ (lui permettant largement de payer ses mensualités), durant la période où son véhicule dormait à l’atelier, sans réponse ni solutions.

Refusant de revivre une telle mésaventure, et parce qu’il admet avoir rencontré divers problèmes d’ordre électronique avec son VinFast, M. Noël a donc décidé de revenir à une formule plus traditionnelle. Il s’est tourné vers un Subaru Crosstrek Onyx, dont il est très satisfait. Un véhicule plus standard et qui se réparera sans doute beaucoup plus facilement, le cas échéant. En outre, sa valeur demeurera élevée pour longtemps, à l’inverse d’un VinFast VF 8 qui perd environ 30% de sa valeur dès la première année. Du moins, si l’on se fie à ce modèle VF 8 Plus 2023 vendu à 36 995 $ par un marchand de la Rive-Nord de Montréal.
Du consommer-jeter. Voilà à quoi se résume pour le moment le VinFast VF 8 qui, avec l’absence d’expertise, de procédures et de pièces pour le réparer, prouve que sa durée de vie véritable est sérieusement compromise. Idem avec les Tesla pendant nombre d’années. D’ailleurs, même si ces produits se sont démocratisés, les experts en carrosserie s’entendent toujours pour dire qu’ils sont plus à risque d’être déclarés comme perte totale que des véhicules équivalents provenant de constructeurs mieux établis. Remarquez, on pourrait aussi sortir des exemples de Hyundai Ioniq 5 et de Ford Mustang Mach-E qui ont pris le chemin du centre de recyclage, car on ne savait pas trop comment les réparer…
En terminant, loin de moi l’idée de tomber dans le cynisme, mais cet exemple prouve encore qu’en dépit de ce que l’on nous laisse miroiter, l’impact environnemental d’un VÉ est peut-être un peu plus important que mentionné... Parce que rappelons-le, la fabrication d’un véhicule électrique versus celle d’un véhicule à essence traditionnel représente près de deux ans d’émissions de gaz à effet de serre issues d’un pot d’échappement. Or, si le véhicule n’est pas réparable et qu’on le condamne après seulement quelques mois, un an, ou même deux, où se trouve l’avantage environnemental?
