Quand ils devraient rendre les clés...

Publié le 21 juillet 2014 dans Conseils: Protégez votre auto par Nadine Filion

La 2e plus grande inquiétude chez les 55 ans et plus? Surprise : pas la mort ni la dégradation de leur situation financière. Non, après la détérioration de leur santé, ceux qui prennent de l’âge craignent surtout… la perte de leur autonomie. Alors, ne comptez pas sur eux pour renoncer à leur permis de conduire – même si tous les signes montrent qu’ils ne devraient plus se trouver aux commandes d'un véhicule.

On le fait machinalement depuis toujours, mais reste que la conduite automobile demande de la concentration et que tous les sens soient en alerte. Or, que ce soit en raison du vieillissement, d’une médication ou d’une maladie dégénérative, vos parents âgés ont visiblement perdu une partie de leurs facultés.

Certes, ils possèdent des années, pour ne pas dire des décennies d’expérience de conduite. Malheureusement, ils doivent de plus en plus composer avec les marques inhérentes au passage du temps. Soit une vision qui diminue; des réflexes moins rapides; de la difficulté à évaluer vitesse, distances et profondeur; ou encore des mouvements limités, peut-être en raison de l’arthrite ou de rhumatismes.

Les conducteurs âgés sont moins impliqués dans des collisions que la moyenne, dit le Conseil canadien de la sécurité. Mais si l’on tient compte du taux de mortalité des 70 ans et plus versus le nombre de kilomètres parcourus, ces conducteurs décèdent davantage sur la route que tout autre groupe, sauf les 16-24 ans. (De nouvelles études tendent cependant à démontrer que plus un automobiliste âgé prend le volant, moins les risques sont grands – un peu comme s'il entretenait l'habitude de la conduite. Certaines études parlent d'un seuil minimum de 3 000 km par année.) Lorsque ça frappe, les conducteurs du bel âge sont souvent responsables de la collision. Sont alors mis en cause leur temps de réaction, leur interaction déficiente avec les autres ou le fait qu'ils n'aient pas vu l’obstacle. C'est encore pire pour les 80 ans et plus : ils se tuent sur la route une fois et demie plus que les jeunes, soutient la Fondation (canadienne) de recherche sur les blessures de la route (TIRF).

Pire que la mort!

Tous les signes annonciateurs d’une catastrophe sont réunis et le gros bon sens voudrait que vos parents soient les premiers à en convenir. Mais n’allez pas croire que ça se fera aussi simplement.

Le Profil des habitudes liées au transport chez les ainés (Statistique Canada) révèle que ceux qui conduisent sont plus susceptibles de participer à des activités que ceux sans permis de conduire et utilisant d'autres moyens de transport que l'automobile (en commun, adapté, taxi). Dire adieu à ce p’tit bout de plastique signifie donc, très souvent, une vie sociale moins active; une dépendance accrue envers les proches; le sentiment de devenir un fardeau pour les autres – et quoi encore.

Solutions intérimaires

Avant d’en arriver à une telle renonciation, vos parents ont (heureusement) des solutions intérimaires. Par exemple, ils peuvent ne prendre le volant que le jour, tout comme ils peuvent éviter les heures de pointe, les centres-villes achalandés, voire les autoroutes. Question de mettre toutes les chances de leur côté, ils peuvent planifier leur itinéraire en optant pour des trajets connus, qu’ils accompliront en limitant les distractions à bord tels la radio, le cellulaire et même les conversations avec les autres passagers.

Évidemment, mieux vaudrait qu'ils ne conduisent pas par mauvais temps, ni s’ils sont déprimés, fatigués ou – ça arrive! – en colère. Ils devraient par ailleurs se renseigner sur les effets qu’entrainent leurs médicaments. Si l’un d’eux provoque la somnolence, ils devraient s’abstenir de prendre le volant. Même chose s’ils consomment de l’alcool.

Afin de rester alertes, ils devraient constamment balayer des yeux les alentours et régulièrement consulter leurs rétroviseurs – des rétroviseurs qui auraient avantage à être doublés de miroirs d’appoint. Surtout, ils devraient en profiter pour graduellement apprivoiser d’autres moyens de transport : train, métro et autobus dans les régions urbaines, covoiturage et services locaux dans les régions plus éloignées. Bien sûr, les amis et membres de la famille sont là. Vos parents sont mal à l’aise de solliciter pareilles faveurs? Offrez-leur un échange de services : pourquoi pas un raccompagnement en voiture… contre un bon petit plat cuisiné?

Et pas besoin de vendre la voiture sur le champ : « Souvent, les gens du troisième âge se sentent en sécurité sachant que leur véhicule est toujours dans leur entrée de garage, dit le CAA.» Par-dessus tout, il faut se mettre à leur place. Un jour, la vieillesse ou la maladie nous forcera, nous aussi, à dire adieu à notre chère automobile.

Comment le lui dire?

Plus le temps file et plus la situation « automobile » de vos parents empire. Vous vous dites qu’un accident est inévitable et qu’une discussion s’impose. Oui, mais... que leur dire? Et surtout comment? Le messager qui amorcera le propos doit être choisi non pas pour sa fermeté ou son éloquence, mais plutôt pour… sa compassion, son écoute et, bien sûr, sa crédibilité. Ce bon messager laisse d’abord trainer ce magazine sur la table de cuisine.

Quelques jours plus tard, il aborde le sujet avec quelques exemples concrets : cet épisode où l'on s’est égaré dans un endroit pourtant familier; les fois où l'on a confondu les pédales d’accélérateur et de frein; la difficulté qu’on éprouve à conserver la voiture dans sa voie; la collision évitée de justesse, l’autre jour... Avec beaucoup d’empathie, le porteur de mauvaise nouvelle ne blâme pas les aptitudes de conduite qui régressent, mais plutôt l’état de santé qui se fait moins reluisant.

Et il indique ses inquiétudes quant à la sécurité de son proche. C’est le temps ou jamais de lui rappeler à quel point il lui est cher. Et de lui parler des conséquences lourdes à supporter s'il se blessait ou blessait quelqu'un d'autre.

Réactions à prévoir

Des réactions négatives et des phrases assassines du genre « Mêle-toi de ce qui te regarde » sont fort possibles. Ne précipitez rien : il faut laisser l'idée germer. Et laisser son parent faire ses propres choix. Ce faisant, peut-être découvrira-t-il que de ne plus avoir à conduire aide grandement à réduire son anxiété…

On peut recommander un avis objectif, un examen médical par exemple. On peut aussi suggérer un cours de révision, tel le « 55 Alive » offert par le Conseil canadien de la sécurité (613 739-1535, poste 233 ou www.canadasafetycouncil.org. Au Québec, le programme « 55 ans au volant » est offert par l’Association québécoise des retraités du secteur public et parapublic, www.aqrp.qc.ca ou 1800653-2747, poste 55).

Si ça ne passe pas...

Si le message ne passe décidément pas, il faudra peut-être procéder à un signalement (anonyme) aux autorités provinciales délivrant les permis. Ces dernières pourront exiger un examen médical et, possiblement, une réévaluation des compétences de conduite.

L'essentiel, c'est d'éviter que son proche – et, par sa faute, tout autre usager de la route – ne subisse des blessures. Ou, pire, soit tué dans un accident automobile. Repousser le problème sous le tapis, par crainte ou par culpabilité, n’est pas la voie à suivre : « Il est plus important de protéger la vie de quelqu’un que de préserver ses sentiments », dit CAA.

Au Québec, comme en Alberta, à Terre-Neuve, dans les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut : examen médical et d’optométrie à 75 et à 80 ans, puis tous les deux ans. Notez que dans presque tous les territoires et les provinces, un médecin, un policier ou un proche peut demander un examen médical, un test de la vue ou un essai routier.

Sur la piste d’un retrait progressif – ou rapide – du permis de conduire.

*Source : Nadine Filion / CAA
Il y a d’autres signes qui mettent sur la piste d’un retrait progressif – ou rapide – du permis de conduire. Les voici :

Erreurs de conduite :

Problèmes psychiques ou physiques

Autres signes de perte d’aptitudes

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