Corvette à moteur central : une idée qui ne date pas d'hier
Ça bouge sous le capot de la Chevrolet Corvette! Pour la première fois depuis 1953, le moteur passe en position centrale arrière.
Si l’idée peut paraître révolutionnaire pour certains, elle n’est pourtant pas nouvelle. En effet, la possibilité de changer de disposition commence à trotter dans la tête des ingénieurs dès la fin des années 50.
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Voici d’ailleurs quelques concepts à moteur central qui ont été développés par Chevrolet au fil des décennies.
1959 : CERV I
Ce n’est, à proprement parler, pas une Corvette mais elle est le fruit du travail du premier ingénieur en chef de la Corvette, Zora Arkus-Duntov (1909-1996). Dès son arrivée chez GM en 1953, Arkus-Duntov veut faire de la Corvette une vraie voiture de sport (elle n’a à ce moment qu’un 6 cylindres couplé à une boîte Powerglide à 2 rapports).
Rapidement, il ne cache pas son désir de voir le moteur de la Corvette passer à l’arrière. La CERV I (pour Chevrolet Engineering Research Vehicle) est, comme son nom l’indique, un véhicule de recherche sur le comportement routier. Elle embarque une version en aluminium du 283 pouces cubes Chevrolet, développant 350 chevaux. Arkus-Duntov la testera lui-même sur la célèbre montée de Pike’s Peak.
1964 : CERV II
Dès 1961, Arkus-Duntov commence à travailler sur une possible voiture de course. Elle embarque une transmission intégrale et un V8 de 377 pc déployant dans les 500 chevaux. Le style est dû à Larry Shinoda et Tony Lapine (futur designer Porsche). L’auto est présentée en 1964 au Grand Prix de formule 1 de Riverside. Il est prévu d’en construire six exemplaires. Malheureusement, GM est à ce moment-là empêtrée dans les problèmes de la Corvair et préfère se désengager de la compétition. Le seul exemplaire produit sera utilisé par Arkus-Duntov pour le développement de pièces de performance pour la Corvette.
1968 : Astro II XP-880
Durant les années 60, Arkus-Duntov se battra bec et ongles avec la direction de GM pour faire passer le moteur de la Corvette à l’arrière. Présenté au salon de New York 1968, le concept Astro II (dessiné par Larry Shinoda) laisse entrevoir ce qu’aurait pu être la Corvette C3 si Arkus-Duntov avait eu le dernier mot. Mais la C3 venait d’être présentée et les dirigeants de Chevrolet n’avaient pas voulu changer la recette, alors que la marque vendait toutes les Corvette qu’elle pouvait produire. Dommage, parce que les ingénieurs avaient utilisé un maximum de pièces de série pour rendre le projet viable, y compris le 427 pc de 390 chevaux, tout en réussissant à réduire le poids par rapport à une Corvette de série.
1970 : XP-882
Toujours aussi déterminé, Arkus-Duntov commence à travailler dès 1968 sur la future C4, avec un moteur à l’arrière évidemment. Deux prototypes sont construits. À son arrivée à la tête de Chevrolet en 1969, John DeLorean arrête le projet car il vaut augmenter la rentabilité de la Corvette. Arkus-Duntov montre le concept à Bill Mitchell, vice-président en charge du design, qui décide d’envoyer l’auto au Salon de New York 1970. La réponse du public est si enthousiaste que DeLorean revient sur sa décision. On commence à rêver à une Corvette C4 à moteur central arrière. Et Chevrolet ne ménage pas ses efforts en ce sens.
1973 : XP-895
Les deux prototypes XP-882 sont complètement transformés après le Salon de New York. Le premier est envoyé au bureau de style pour développer les lignes de ce que pourrait devenir la future C4. Le résultat final est le concept XP-895. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car XP-895 est plus lourd qu’une Corvette C3 de série, ce qui n’aide pas son cas. Est alors prise la décision de contacter Reynolds Aluminium en 1972 pour concevoir une caisse entièrement en aluminium. Au-delà des difficultés techniques importantes, le surcoût engendré est astronomique, tuant le projet dans l’œuf. XP-895 est finalement montré comme concept au salon de New York 1973.
1973 : Corvette Four-Rotor
Le deuxième prototype XP-882 est envoyé au département d’ingénierie. Ed Cole, le président de GM, s’est porté acquéreur de la licence du moteur à pistons rotatifs Wankel et entend l’utiliser sur la future Corvette. C’était même la condition sine qua non pour qu’elle passe au moteur central arrière. Le moteur est un quadrirotor de 585 pc (9,5 litres!) générant 350 chevaux. Le style, signé Charles M. Jordan (futur vice-président du design GM), vise avant tout à procurer la meilleure aérodynamique. L’auto est montrée au Salon de Paris 1973. Éclate alors la première crise pétrolière. Ed Cole met définitivement le Wankel sur la tablette fin 1974. Après le salon, un V8 de 400 pc remplace le moteur rotatif et le véhicule fait quelques autres apparitions dans des salons sous le nom d’Aerovette. La C3 a encore de longues années devant elle…
1973 : XP-897 GT
En parallèle de la Corvette Four-Rotor, Chevrolet travaille sur un concept avec un moteur rotatif plus petit : deux rotors d’une cylindrée de 266 pc libérant 180 chevaux. Le concept est construit chez Pininfarina et est exposé au Salon de Francfort 1973. Pour les mêmes raisons que précédemment, le développement n’ira pas plus loin. Le 1er janvier 1975, Arkus-Duntov part à la retraite et est remplacé par David McLellan. Il faudra attendre un bon moment avant d’entendre parler à nouveau de Corvette à moteur arrière.
1986 : Corvette Indy
En 1986, la Corvette se porte assez bien, merci. La C4 a été lancée deux ans avant et bien accueillie. La version cabriolet ressort et les puissances recommencent à monter tranquillement. Chevrolet pense à l’avenir, sous la forme du concept Indy. Sous les lignes tendues et fluides se cache un concentré de technologie : moteur V8 Indy de 2,65 litres double turbo produisant aux alentours de 600 chevaux, freins antiblocage, contrôle de traction, quatre roues directrices, suspension active… quasiment de la science-fiction pour 1986! Le concept est montré au Salon de Detroit 1986. Devant la réaction positive, GM décide de continuer le développement du véhicule.
1990 : CERV III
La CERV III est le résultat de ce travail de développement. Au menu, quatre roues motrices et directrices, boîte automatique à six vitesses (constituée de deux Hydramatic à trois rapports), moteur de Corvette ZR-1 alimenté par 2 turbos (650 chevaux), suspension adaptative, large appel à des matériaux composites pour le châssis. C’est une bête! Le public du Salon de Detroit 1990 est enthousiasmé. Si la voiture est très avancée au niveau de son ingénierie, Chevrolet n’a pourtant jamais envisagé de la commercialiser. Elle aurait alors coûté plusieurs fois le prix d’une Corvette C4, dont les ventes s’essoufflent à ce moment. Il faudra encore patienter près de 30 ans…