Pour une SAAQ qui incite à l'écomobilisme

Publié le 24 octobre 2019 dans Blogue par Antoine Joubert

Certains groupes radicaux aimeraient que l’automobile à essence soit carrément bannie. Que l’auto électrique devienne l’unique option, sans penser aux répercussions. Comme s’il s’agissait de LA solution. Allons, soyons sérieux!

Je vous l’accorde, la voiture électrique est de loin l’automobile neuve la moins polluante que l’on puisse se procurer. Et parce qu’une majorité d’automobilistes parcourt moins de 100 kilomètres par jour et ne fait que très rarement des virées de plus de 250 kilomètres en une seule journée, il est clair que la voiture électrique peut constituer une solution pour de nombreux acheteurs.

Maintenant, imaginons un monde où, dans l’immédiat, 80% des automobiles qui circulent au Québec sont électriques. Un monde où les pompes à essence des stations-service seraient majoritairement remplacées par des bornes de recharge rapides, lesquelles pourraient d’ailleurs alimenter des véhicules en 10 ou 15 minutes. Parce que oui, ça s’en vient!

Imaginez aussi un monde où les autoroutes sont plus silencieuses, où l’air des villes est plus propre et où la voiture électrique est à ce point ancrée dans les mœurs que l’automobile à essence est aussi répugnante que les images que l’on imprime sur les paquets de cigarettes. Imaginons aussi des autobus, des trains et des tramways obligatoirement électriques, parce qu’eux aussi émettent beaucoup de gaz à effet de serre. N’est-ce pas là le meilleur des mondes en matière de transport?

Photo: Electrify Canada

Oui, peut-être, si l’on considère que l’économie actuelle basée sur le pétrole est revue en entier et que les ressources en électricité sont illimitées. Parce que pour l’heure, il faut se rappeler qu’Hydro-Québec nous supplie déjà de réduire notre consommation d’énergie domiciliaire par période de grand froid. Qu’en serait-il alors si 3,5 millions de véhicules étaient branchés en même temps dans les foyers du Québec? Ouch! Je n’ose même pas l’imaginer. Et bien sûr, on devine également qu’en pareil contexte, les taxes actuellement recueillies sur le pétrole seraient transférées vers l’électricité... Une logique incontournable.

Alors oui, cette route à prendre est inévitable. Mais il faut avoir de belles lunettes roses pour imaginer que cela se produira en un claquement de doigts. Parce qu’il faut des lois pour faire bouger les choses, et parce qu’il faut que ces lois soient logiques aux yeux du public, afin qu’il y adhère.

Ceux qui me suivent à travers mes publications et mes réseaux sociaux me savent évidemment amateur de mécanique, de vrombissement, et déjà nostalgique des voitures que l’on vendait il y a tout juste dix ans. Or, aujourd’hui, je dois me résigner. Admettre que le changement de mœurs est urgent et qu’il est carrément irresponsable en 2020 de commercialiser par exemple, un Jeep Grand Cherokee de 707 chevaux à moteur V8 de 6,2 litres. Un véhicule qui consomme en moyenne 18 litres aux 100 kilomètres et qui émet 413 grammes de CO2 par kilomètre.

Certes, l’acheteur de ce Jeep doit aujourd’hui à la cylindrée de quelques centaines de dollars par an pour avoir le « privilège » de polluer davantage. Or, puisque les 295 $ qui lui sont actuellement exigés n’ont que peu d’impact sur la décision d’achat du véhicule, cette taxe a l’effet d’une goutte dans l’océan.

Sachant cela, je crois qu’il est ainsi temps pour la SAAQ de moderniser et de sévir dans l’application des taxes attribuables au pollueur payeur, ou si vous préférez, à tous ceux qui se procureront un véhicule à essence dans l’avenir. En d’autres termes, cela signifierait à mon sens la gratuité des frais d’immatriculation pour un véhicule électrique, quel qu’il soit.

Photo: Agence QMI

Puis, en se fiant au Guide de consommation de carburant publié par Ressources Naturelles Canada, le pollueur payeur serait taxé en fonction des émissions polluantes du véhicule qu’il se procure. Par exemple, une Toyota Prius serait faiblement taxée, puisqu’elle n’émet que 105 grammes de CO2 par kilomètre, alors qu’un Toyota 4Runner serait plus lourdement taxé, émettant 308 grammes CO2 par kilomètre.

En mettant des chiffres sur ces exemples, imaginons alors que les frais d’immatriculation seraient de 25 $ par tranche de 25 grammes de CO2 par kilomètre pour les 200 premiers grammes, puis une prime sévère de 50 $ par tranche de 25 grammes de CO2, passé 200 grammes. Finalement, une prime encore plus sévère de 100 $ par tranche de 25 grammes de CO2, au-delà de 300 grammes serait applicable.

Cela se traduirait par exemple par des frais d’immatriculation pour une Toyota Prius de 201,04 $ (sans frais attribuables au transport en commun), alors que la prime actuelle est de 194,04 $. Or, pour un Toyota 4Runner dont les frais actuels sont de 230,29 $ (en raison d’une surtaxe à la cylindrée de 36,25 $), la prime grimperait à 576,04 $. Et pour le Grand Cherokee SRT Trackhawk? Une prime de 976,04 $, ce qui - avec les frais de transport en commun - dépasserait le seuil psychologique des 1 000 $ par an.

Évidemment, cette taxation se verrait à mon sens appliquée à partir d’une date butoir, que pour l’achat de véhicules neufs. Parce qu’il ne serait pas logique de changer les règles pour un véhicule qui circule déjà depuis plusieurs années, et pour lequel l’empreinte écologique est déjà faite en grande partie. Car il ne faut pas oublier que la fabrication, en incluant le transport, la manutention de pièces et l’exercice manufacturier constitue la majeure partie des émissions polluantes attribuables à la vie d’un véhicule.

Je sais, les Québécois sont déjà lourdement taxés et j’entends déjà les acheteurs se plaindre de l’éventuelle mise en application d’une telle règle. Or, parce que la taxe actuelle sur l’immatriculation est illogique et qu’elle ne tient pas compte de la consommation d’un véhicule et de ses émissions polluantes, je suis d’avis qu’il est plus qu’urgent de la mettre à jour.

D’une part, pour conscientiser les automobilistes qui favoriseraient par exemple un Toyota RAV4 hybride plutôt qu’un Volkswagen Tiguan, leur faisant ainsi épargner 150 $ par an. Mais aussi, pour permettre de conserver l’application du crédit applicable à l’achat d’un véhicule électrique, ce qui coûte cher à l’État. En espérant bien sûr que ces fonds seraient parfaitement gérés et redistribués en entier dans le fonds vert, nécessaire aux changements de mœurs des automobilistes. Mais ça, c’est un autre dossier!

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