« Pensez à covoiturer »: ces messages qui vont accompagner la pub pour les voitures en France
La publicité automobile, reine des écrans et des rues, peut-elle pousser les consommateurs à moins polluer? C’est le pari de la France qui lui accolera dès 2022 des messages en faveur de la marche et du vélo.
À partir du 1er mars 2022, des avertissements seront présentés sur le même modèle que les messages du type « évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé », imposés depuis 2007 dans les publicités pour les produits alimentaires manufacturés et les boissons sucrées.
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Les constructeurs ont deux mois pour ajouter à leurs réclames l’un des trois messages suivants: « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo », « Pensez à covoiturer » ou « Au quotidien, prenez les transports en commun », selon un arrêté du ministère de la Transition écologique publié mercredi.
Cette mesure a été imaginée en 2020 comme une alternative à minima à ce que demandent depuis des années des ONG écologistes, soit l’interdiction de la publicité pour toutes les voitures, qui représentent une part importante des émissions de CO2 du secteur du transport.
Les publicités pour les véhicules les plus polluants (plus de 123 grammes de CO2/km) seront complètement interdites à partir de 2028, afin de préparer les consommateurs à la fin du moteur thermique proposée par la Commission européenne pour 2035.
Les citoyens français rassemblés dans la Convention citoyenne pour le climat avaient proposé de leur côté d’interdire la publicité pour les véhicules consommant plus de 4 L/100 km et/ou émettant plus de 95 grammes de CO2/km.
En mars 2022, la nouvelle obligation vaudra pour tous les supports et sera accompagnée de la mention « #SeDéplacerMoinsPolluer ». En cas de manquement, l’annonceur s’expose à une mise en demeure puis à une sanction pécuniaire pouvant atteindre 50 000 euros (environ 71 709 $) par diffusion.
VUS rois
Cette mesure préserve le secteur automobile qui traverse une période difficile avec la pandémie, la pénurie inédite de puces électroniques et une marche forcée vers l’électrique qui requiert de lourds investissements.
Une interdiction aurait également représenté des milliards d’euros de manque à gagner pour les médias: le secteur reste le deuxième annonceur de France, derrière la grande distribution.
« Je prends acte, on va s’adapter. Avoir des solutions de mobilité à zéro émission, c’est le sens de l’histoire », dit à l’AFP le PDG de Hyundai en France Lionel French Keogh. « Mais il y a un paradoxe: il n’y a pas de distinction entre les motorisations. C’est un peu contre-productif par rapport à la volonté gouvernementale de pousser les ventes d’électriques ».
« Je trouve ça un peu déresponsabilisant. Et ça stigmatise l’automobile », a poursuivi le dirigeant du constructeur coréen qui résiste à la crise en France avec ses ventes de VUS. « Ça veut dire que globalement, il faut trouver des alternatives à l’automobile. C’est la première fois qu’on a un message assez direct de la part du gouvernement. Mais si je fais un trajet court qui passe par une route nationale, je ne le ferai pas à pied ni à vélo ».
« Nous nous conformerons à la législation et analyserons avec notre agence de publicité les moyens pour nous y conformer dès sa date d’application », a indiqué de son côté le groupe Volkswagen, troisième vendeur en France après Stellantis et Renault.
Ces messages viendront s’afficher sous des publicités qui promeuvent souvent les rois du marché mondial: les VUS. En moyenne plus lourds et polluants, ils représentent 42 % des investissements en publicité des marques en France, selon une étude du WWF publiée en avril. L’association écologiste demandait alors au gouvernement de « réorienter le parc automobile et la publicité vers des véhicules d’avenir, plus légers et moins émetteurs ».
Au niveau européen, les publicités automobiles doivent déjà indiquer la consommation et les émissions de CO2. Imposées en 2001, ces mentions (minuscules) ont eu le mérite d’informer les acheteurs, mais elles peuvent être améliorées, selon la Commission européenne.
Dans un rapport de mai, la Direction générale de l’action pour le climat de la Commission proposait notamment d’afficher tous les polluants atmosphériques, au-delà du seul CO2, ainsi que l’autonomie électrique et le coût d’usage des véhicules qui favorise les électriques en dépit de leur coût élevé à l’achat.