Ford GT90 : sensations fortes à saveur des années 90!

Publié le 30 janvier 2022 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

La Ford GT90 est l’un des concepts les plus marquants des années 90. Ses lignes sculptées et son moteur dément en ont fait rêver plus d’un.

Retour sur une histoire qui mérite d’être racontée.

Inspirée par la course

Nous sommes à l’été 1994. John Coletti, directeur de SVT, la branche chargée de produire les Ford les plus énervées, rassemble une petite équipe d’ingénieurs pour développer un concept de supercar pour le prochain Salon de Detroit… qui est dans 6 mois.

Le but est de créer une digne descendante de la légendaire GT40, quadruple gagnante des 24 Heures du Mans. L’échéance proche impose de puiser dans des banques d’organes existants. Comme son illustre aïeule, elle bénéficiera de nombreuses pièces d’origine anglaise. Dans le cas présent, c’est la Jaguar XJ220 (Jaguar est alors propriété de Ford depuis 1989) qui donne sa boîte de vitesses 5 rapports, ses suspensions et son châssis monocoque en aluminium. Ce dernier est modifié et allongé (2 640 mm d’empattement pour la Jaguar et 2 946 mm pour la Ford).

C’est le Canadien James Hope qui réalise le design du concept. Il s’agit du premier véhicule Ford à implémenter la nouvelle philosophie de design de la marque, le « New Edge design ». Les arêtes sont nettes, les lignes élancées mais, de par les proportions, on arrive à voir en filigrane la GT40. D’autant que, comme pour cette dernière, l’ouverture des portes empiète sur le toit (en fait, un dôme en verre laminé). À l’arrière, la proéminente sortie d’échappement est entourée de tuiles de céramique afin d’éviter que les panneaux de carrosserie en fibre de carbone ne prennent feu tant les pots sont chauds. Parce qu’il y en a sous le capot!

Photo: Ford Motor Company

Pièce de résistance

Pour ce qui est du moteur, John Coletti veut un V12. Pour ce faire, l’ingénieur Bob Natkin réalise un dessin avec deux V8 4,6 L de la famille « Modular » (moteur apparu en 1991 sur la Lincoln Town Car) où il coupe une rangée de cylindres à chacun, les soude et y greffe des culasses à 4 soupapes par cylindre.

Le V12 conserve l’alésage des V8 (90,2 mm) mais, grâce à un vilebrequin différent des moteurs de série, a une course réduite (77,3 mm contre 90 mm) ce qui porte sa cylindrée à 6,0 L. Coletti exige au moins 600 chevaux. Qu’importe, Natkin ajoute au V12 quatre turbos Garrett Systems T2! La puissance « estimée » monte alors à 720 chevaux et le couple à 660 lb-pi. Le moteur final est fabriqué et assemblé chez Roush, spécialiste des Mustang de performance, avec le bloc coulé en une seule pièce. Ce sera une Lincoln Town Car (!) qui servira de mule pour les tests routiers de ce moteur.

Rêve ou réalité?

La Ford GT90 est dévoilée au Salon de Detroit 1995 et vole immédiatement la vedette. En plus des lignes tranchées, du V12 et de l’intérieur bleu flash (vive les années 90!) auquel on accède en appuyant sur un petit bouton jaune à côté de la porte, elle embarque une innovation intéressante : un détecteur d’angles morts pour combler le problème de l’affreuse visibilité vers l’arrière. Détail amusant, la bande de roulement des pneus est gravée « GT90 ».

Photo: Ford Motor Company

Bientôt, le monde s’enflamme. On parle d’une production limitée à 500 exemplaires, qui aurait soit le V12, soit un V8 à compresseur de 500 chevaux, pour 1996 afin de célébrer l’arrivée aux trois premières places des 24 Heures du Mans 1966. On parle d’un prix de 150 000 $. D’autant que la voiture est roulante et que Ford la fait essayer, y compris à Jeremy Clarkson pour Top Gear.

La marque annonce des performances qui font, encore aujourd’hui, rêver : 0 à 60 mph en 3,1 secondes, 0 à 100 mph en 6,2 secondes et une vitesse de pointe de 235 milles par heure (soit 378 km/h). Une telle vitesse mettrait la GT90 sur la première place du podium des autos de série les plus rapides, devant la McLaren F1, plus légère (1 138 kilos contre 1 452 pour la GT90) mais moins puissante (618 chevaux contre 720).

Cependant, tout cela reste hautement théorique car la voiture n’a jamais été testée à sa pleine capacité. Lors des essais à la presse, les soupapes de décharge des turbos sont soudées ouvertes. Les turbos sont alors à pression atmosphérique et la puissance n’est « que » de 400 chevaux. Durant l’essai de Top Gear, Fred Goodnow, chef du projet GT90, explique que l’auto aurait besoin de 2 à 3 ans de développement pour être compétitive.

En fin de compte, la GT90 a-t-elle failli entrer en production et Ford se serait-il ravisé au dernier moment? Il semblerait que non. Dans un communiqué de presse émis le 6 décembre 1994 (soit un mois avant le salon) et inclus dans le dossier de presse distribué au Salon de Detroit, il est écrit noir sur blanc : « Bien qu’il n’y ait actuellement pas de plans pour construire une version de production de la GT90, l’auto a un but pratique en tant que banc d’essai pour des technologies, concepts d’ingénierie et nouvelles fonctionnalités axées sur le conducteur qui pourraient éventuellement être utilisées dans des modèles Ford de série ».

Photo: Ford Motor Company

Et après?

La Ford GT90 va continuer de faire rêver le monde, soit à travers différentes expositions, soit avec de nombreuses apparitions dans des jeux vidéo. Plusieurs en fabriqueront même des copies grandeur nature (plus on moins bien réalisées…).

En 2009, RM Sotheby’s (à l’époque RM Auctions) annonce qu’elle sera mise à l’enchère lors de sa vente de Scottsdale, en 2010. Finalement, l’auto est retirée de la vente à la dernière minute. Elle est rachetée par Brent Hajek, qui a fait fortune dans le pétrole, qui l’expose au Hajek Motorsports Museum, à Ames dans l’Oklahoma. La GT90 peut continuer de faire rêver le monde!

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