Citroën SM 1972 : Grand Tourisme à la française

Publié le 1er septembre 2025 dans Essais par Julien Amado

« Citroën réinvente l’automobile ». C’est par ces mots que Jacques Duval débute un essai routier élogieux dans Le Guide de l’auto 1972. Il faut dire que la SM (pour Sport Maserati) est une voiture très ambitieuse à sa sortie. Avec ce coupé de grand tourisme, Citroën se donne comme objectif d’associer l’innovation de la marque à une motorisation italienne de caractère.

Si le projet semblait séduisant sur papier, rien ne va se passer comme prévu pour cette voiture aux lignes futuristes et à la technologie innonvante. Bien que ses capacités dynamiques surclassent un grand nombre de modèles roulant à la même époque, ses soucis de fiabilité, son appétit en essence et sa sortie juste avant le premier choc pétrolier l'empêcheront de bien figurer.

Comme la mythique DS avant elle, la SM réutilise la suspension hydropneumatique de Citroën. Cette dernière permet de faire varier la hauteur de caisse à sa guise, mais aussi d’amortir les chocs comme aucune autre voiture.

Photo: Julien Amado

Très en avance sur son temps lorqu'il est vendu pour la première fois en 1955, le système ne fait plus appel à des ressorts mais à une huile spéciale. Baptisé LHM (pour Liquide Hydraulique Minéral), ce liquide est envoyé sous haute pression dans des sphères recevant de l’azote comprimé dans leur partie haute. Ce sont les grosses boules vertes au-dessus que l'on aperçoit sous le capot moteur.

Photo: Julien Amado

En plus de la suspension, le même liquide est aussi utilisé pour la direction et les freins. Un système d’une efficacité redoutable, affichant un compromis confort/tenue de route inégalé à l’époque. La SM inaugure aussi la Diravi (pour Direction à rappel asservi), qui se comporte différemment d’une voiture normale, nous allons y revenir. 

Sous le capot, Citroën a profité du rachat de Maserati pour monter un V6 dans la SM, plus noble que le 4 cylindres qui motorisait la DS. Affichant une cylindrée de 2,7 litres et ouvert à 90°, il reçoit aussi deux arbres à cames en tête. Les SM ont été vendues avec des moteurs à carburateur ou à injection électronique. Le modèle que vous avez sous les yeux a été importé de France, après avoir été magnifiquement restauré. Son V6 est alimenté par trois carburateurs double corps Weber pour une puissance maximale de 170 chevaux (normes européennes).

Photo: Julien Amado

En ouvrant la porte, nous avons trouvé l’habitacle accueillant, avec une qualité de finition supérieure aux américaines vendues à la même période. Face au conducteur, le tableau de bord abrite des cadrans ovoïdes avec un compte-tours, divers voyants lumineux et un compteur gradué jusqu'à 260 km/h. Une valeur optimiste que la voiture n'atteint pas en réalité. Cela dit, avec une vitesse maximale de 228 km/h pour le modèle le plus performant, la SM était une autoroutière véloce dans les années 70.

Contrairement à certaines Citroën dont l'ergonomie était très spécifique, la SM dispose de commandes plutôt classiques, même si l'autoradio situé à droite du frein à main est difficile à actionner.

Photo: Julien Amado

Les sièges avant sont confortables, bien qu’un peu plats au regard des standard actuels. En revanche, la position de conduite est absolument impeccable. Pour démarrer, il ne faut pas hésiter à « donner du gaz » pour lancer le V6 Maserati. Moteur en marche, un léger appui sur l’accélérateur permet de faire monter les suspensions au niveau adéquat en quelques secondes. À l’arrêt, la direction est très légère, le volant se maniant d’un doigt. Mais contrairement à une voiture normale, la Diravi remet les roues en ligne toute seule lorsqu’on relâche le volant. Avec deux tours de butée à butée, le volant est aussi très direct, ce qui demande une habitude lors des premiers tours de roues.

Photo: Julien Amado

L’embrayage est plus progressif que certaines voitures vendues aujourd’hui et nous avons aimé le maniement de la boîte manuelle, avec des passages francs et une commande précise. Il n’y a que la pédale de frein, prenant la forme d’un petit bouton, qui est difficile à apprivoiser. Dépourvu d’un maître-cylindre et d’un système à dépression d'air, le freinage manque de progressivité et est difficile à doser. Au premier freinage, on se collerait presque la tête dans le pare-brise alors que l'on souhaitait juste ralentir à un arrêt. Au fil des kilomètres, on finit par s'y faire, mais la commande demeure moins plaisante qu'un système conventionnel, surtout en ville. En revanche, rien à dire côté puissance de ralentissement, ça freine très fort!

Photo: Julien Amado

Souple et agréable, le moteur ne se montre jamais violent dans ses réactions. Plutôt creux à bas régime, il faut passer les 4 000 tr/min pour qu’il s’exprime pleinement. Et quelle sonorité! Aucun doute, ce V6 sonne comme une mécanique italienne.

Mais plus que la force du moteur, c’est surtout la qualité de la suspension qui nous a estomaqués. La qualité du roulement et le confort éclipsent toutes les voitures des années 70 que nous avons pu conduire. Même sur les routes défoncées du Québec, la suspension de la SM se joue des trous et saillies avec une facilité déconcertante. Nous avons même abordé un passage à niveau à 90 km/h sans toucher aux freins. La voiture est passée dessus tel un tapis volant sans même renvoyer une vibration dans le volant. Impressionnant!

Photo: Julien Amado

La direction est légère, mais le guidage du train avant excellent. La stabilité de la voiture impressionne dans les grandes courbes et nous comprenons pourquoi Jacques Duval, grand amateur de pilotage et de sportivité, avait tant apprécié cette sportive française.

L’avis de Jacques Duval dans le Guide de l’auto 1972 :

« Oubliez tout ce que vous avez pu conduire jusqu’à maintenant, la Citroën SM n’a rien de commun avec ce qu’il est convenu d’appeler depuis des décennies…une automobile. C’est une éblouissante synthèse de la voiture Grand Tourisme rapide et sûre, et de la limousine de prestige, confortable et luxueuse. La suspension à quatre roues indépendantes fait appel au système hydro-pneumatique. La particularité technique la plus inédite de la SM est sa direction à rappel asservi. Le moindre mouvement entraîne un changement de trajectoire, ce n’est pas le moment de parler avec les mains. La SM se place au quart de pouce, et c’est à vous d’en tirer profit. Le moteur a été conçu et réalisé à Modène tandis que le reste a été placé sous la responsabilité des ingénieurs français. C’est la première voiture Grand Tourisme à traction avant. Les accélérations, sans être foudroyantes, sont très valables et l’on atteint 60 mph en 9 secondes. Le moteur manque un peu de puissance à bas régime, et il faut pousser les intermédiaires à fond pour obtenir de bonnes reprises. En ville, cette voiture se révèle plus agréable à conduire que la DS. Elle est plus maniable et le débattement de la suspension est nettement moins prononcé. À haute vitesse, la stabilité directionnelle est impeccable et la voiture file droit vers l’horizon sans être aucunement affectée par le vent. Avec la SM, l’automobile prend de nouvelles dimensions, et s’engage sur une route dépourvue de tout compromis, où la sécurité ‘agréable’ jour un rôle de premier plan ».

Nous souhaitons remercier Jacques Riendeau, Marcel Riendeau et Anatole Blain pour nous avoir permis de réaliser l’essai routier de cette magnifique Citroën SM.

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