L'histoire de Cadillac, la Rolls-Royce américaine

Publié le 14 novembre 2018 dans Voitures anciennes par Alain Morin

L’histoire de l’automobile a de bien drôles ramifications… Par exemple, nous devons remercier Henry Ford pour la création de la marque Cadillac, parangon de prestige de son éternel concurrent General Motors!

Eh oui! Le 30 novembre 1901, Henry Ford crée la Henry Ford Company. Dès mars 1902, Ford, incontestable têtu, se brouille avec ses partenaires d’affaires et quitte l’entreprise. Cette dernière bat rapidement de l’aile. Pour l’évaluation des biens en vue de la liquidation de la Henry Ford Company, les actionnaires se tournent vers un certain Henry M. Leland, un homme dont l’histoire n’est pas banale.

Leland, un ingénieur ayant fait carrière dans l’industrie de la machine à coudre, se distingue surtout par sa volonté absolue de perfection. En 1890, avec des partenaires, il crée la Leland, Faulconer & Norton Co (LF&N) qui fabrique, entre autres, des transmissions pour la Curved Dash de Ransom Eli Olds, produite entre 1901 et 1907. Puis des moteurs. Leland prévoit même un moteur beaucoup plus évolué pour Olds, mais celui-ci décline l’offre.

Plutôt que de remplir tout bonnement son mandat d’évaluateur, Leland convainc les actionnaires de garder la Henry Ford Company en vie et d’utiliser son nouveau moteur. La nouvelle entité s’appellera… Cadillac, du nom du fondateur de la ville de Detroit en 1701, Antoine Laumet de la Mothe, sieur de Cadillac.

Le 22 août 1902, la Cadillac Automobile Company est fondée. Les tout premiers modèles à être construits dans l’ancienne usine Ford, les Runabout et Tonneau, sont pratiquement des Ford rebadgées. Il n’est pas long que la toute jeune marque dévoile un nouveau modèle, plus abouti. En 1905, Cadillac et Leland, Faulconer & Norton s’allient, et ainsi naît la Cadillac Motor Company. Dès lors, ces voitures (qui porteront la feuille de laurier à partir de 1906) deviennent les voitures américaines les plus raffinées qui soient.

Un détour par le Royaume-Uni

En 1906, pour promouvoir l’automobile et sa technicité, Sir Thomas R. Dewar crée un trophée, trophée qui sera remis à la marque ayant le plus fait évoluer ce moyen de transport de plus en plus populaire. En 1908, c’est Cadillac qui remporte ce prestigieux prix pour l’interchangeabilité de ses pièces. Rappelons les faits; le 29 février 1908, trois Cadillac Model K sont choisies au hasard sur la chaîne de montage et sont amenées à la piste de Brooklands (Angleterre) où elles parcourent 30 milles (48 km) avant d’être entièrement désassemblées. Chacune est constituée de 721 pièces. Les trois piles de 721 pièces sont mélangées puis les ingénieurs de Cadillac reforment les trois voitures qui seront ensuite mises à l’épreuve en roulant 2 000 milles (3 219 km). Anecdote : les carrosseries des trois voitures rebâties sont de couleurs disparates puisque les pièces ont été mélangées. Ces voitures sont surnommées Harlequin. Si vous pensiez que Volks avait inventé le concept avec sa Golf Harlequin…

Grâce au trophée Dewar, Cadillac entre dans la légende. C’est d’ailleurs après cet événement que son slogan devient « Standard of the world » (La norme mondiale, traduction libre). En 1912, Cadillac gagnera encore le Dewar avec le démarreur électrique, une fabuleuse technologie qui permet de démarrer le moteur sans devoir tourner une manivelle. Plus qu’une invention technique d’Henry Leland et de son complice Charles F. Kettering, le démarreur électrique a permis à l’automobile de se démocratiser.

Et si l’on trouvait une petite sœur à la Cadillac?

Cadillac poursuit sa carrière, innovant souvent et se montrant, toujours, parmi les marques les plus réputées au monde. Depuis 1909, elle fait partie de l’empire General Motors, se situant hiérarchiquement au faîte, bien au-dessus de Buick. En 1927, GM décide de créer la LaSalle, une marque qui vient s’insérer entre Cadillac et Buick. L’aventure LaSalle, du nom d’un autre grand explorateur français, René-Robert Cavelier de La Salle, dure jusqu’en 1940.

Alors que plusieurs marques de prestige ne peuvent survivre à la Grande Dépression qui a suivi le krach boursier d’octobre 1929, Cadillac en est sortie grandie… non sans avoir perdu quelques plumes! En 1930, elle dévoile une extraordinaire pièce d’orfèvrerie mécanique, un V16 de 452 pouces cubes. Évidemment, le prix est tout aussi extraordinaire… tandis que l’économie s’effondre. Les ventes de Cadillac diminuent de 84%. Au lieu de paniquer, la noble marque ne lâche pas le morceau et produira des modèles V16 jusqu’en 1940. Et c’est exactement cette aura de prestige et d’inaccessibilité qui permet à Cadillac de sortir de la crise plus forte et d’entrevoir l’avenir avec sérénité.

Ça a commencé tout petit…

Durant les 25 années suivantes, Cadillac continue d’innover et d’occuper le faîte du prestige américain. Après la guerre de 39-45, le célèbre designer Harley Earl pose de petits ailerons sur les ailes arrière des Cadillac, imitant ainsi l’empennage de l’avion de combat P-38 Lightning. Année après année, ces appendices vont pousser jusqu’à atteindre leur paroxysme en 1959. Ces ailes ont souvent été comparées à l’économie américaine de ces années-là : grandioses, flamboyantes et délirantes. Puis, à partir de 1960, elles s’assagissent pour disparaître après l’année-modèle 1964.

Jusqu’en 1973, année où la planète, mais surtout l’Amérique du Nord, est touchée par une crise pétrolière sans précédent, les dirigeants de Cadillac n’avaient qu’à présenter des voitures toujours plus lourdes, plus longues et bourrées de chrome pour épater le public, un public qui voulait montrer à quel point il avait bien réussi dans la vie. Après 1973, le vent tourne…

« C’est fini ce temps-là… »

Dès lors, Cadillac commence à se chercher, autant au chapitre du style que de l’innovation. Selon plusieurs, le fond du baril est atteint en 1982 lorsque Cadillac présente la Cimarron, une Chevrolet Cavalier à peine améliorée. Il faut attendre le début des années 90 avant que le nom Cadillac soit associé à une voiture alliant luxe et innovation : l’Eldorado, construite entre 1992 et 2002. Certes, plusieurs modèles Eldorado avaient fait rêver des hordes d’amateurs dans le passé mais celle de la dixième génération vise dans le mille. Elle est belle, juste assez différente, technologiquement avancée et mécaniquement heureuse.

Respectant la tendance du marché, Cadillac dévoile son premier VUS en 1998, l’Escalade, un GMC Yukon Denali endimanché. En 2002, on en tirera même une camionnette, l’Escalade EXT, basé sur le Chevrolet Avalanche. Puis sont arrivés le VUS compact SRX et, plusieurs années plus tard, les XT5 et XT4.

Cadillac = Corvette

Même la superbe décapotable XLR (2004-2009) devait sa présence à la Corvette. Il fallait quand même le faire… doter une Cadillac d’un châssis et d’une mécanique de Corvette! Une telle association dans les années 60 ou 70 aurait tenu de l’hérésie. Aujourd’hui, les Cadillac dont l’appellation se termine par V, comme dans ATS-V ou CTS-V, sont des sportives de haut niveau. Et quelle sonorité en accélération!

À peine quelques semaines avant la rédaction de cet article, le nouveau PDG de Cadillac, Steve Carlisle, a pris la sage décision de ramener les bureaux de la marque à Detroit, là où ils auraient dû demeurer. En effet, en 2014, Johan de Nysschen avait décidé qu’avoir les bureaux de la maison-mère à New York amènerait à ses voitures une aura de sophistication. Ce qui ne s’est malheureusement pas produit.

La marque Cadillac ne représente plus le prestige d’antan et n’est plus à l’avant-plan technologique comme jadis. Mais, contrairement à l’éternelle concurrente qu’est Lincoln, la marque au laurier ne s’assoit plus dessus et gagne chaque année en sportivité et en prestige. Certes, Cadillac suit la parade… mais avec panache!

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