Vous souvenez-vous de la… Chrysler Imperial?
À son lancement, Chrysler clamait que l’Imperial offrait le meilleur de l’ingénierie mondiale et sous-entendait qu’elle était supérieure aux Mercedes, BMW, Rolls-Royce et Jaguar combinées. Il fallait oser!
Un nom prestigieux
Le nom Imperial apparaît pour la première fois chez Chrysler en 1926. En 1955, Imperial devient une marque à part entière et lutte contre Lincoln et Cadillac. Au fil du temps, les Imperial se différencient de moins en moins des Chrysler et la marque disparaît à la fin du millésime 1975.
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De 1981 à 1983, le nom fait son retour avec un coupé sur base de Cordoba et publicisé par Frank Sinatra lui-même. Sans plus de succès. Mais Chrysler persévère quand vient le temps de renouveler son haut de gamme au début des années 90.
C’est la danse des plateformes…
En 1979, Chrysler est exsangue et demande l’aide du gouvernement américain. C’est cette année qu’elle sort ses nouveaux modèles pleine grandeur, basés sur la plateforme R. Ces autos sont un échec et sont abandonnées en 1981. Les modèles intermédiaires basés sur la plateforme M (eux-mêmes dérivés des compactes Aspen et Volare, basés sur la plateforme propulsion F) prennent le rôle des nouveaux haut de gamme de la corporation.
La plateforme M est importante pour Chrysler dans les années 80 parce qu’elle s’avère être une meilleure vendeuse que prévu et génère des marges élevées. Elle perdurera jusqu’en 1989.
Mais la vraie vedette chez Chrysler dans les années 80, c’est la plateforme K à traction avant, lancée en 1981 avec les Dodge Aries et Plymouth Reliant. De 1981 à 1995, elle sera servie à toutes les sauces : berline, coupé sport, cabriolet, familiale, mini fourgonnette, limousine, modèles bas de gamme ou modèles de luxe. Elle servira même de base à des véhicules badgés Maserati ou Shelby.
Si la plateforme K a sauvé Chrysler au début des années 80, c’est l’obstination de son patron, Lee Iacocca, à l’utiliser coûte que coûte qui entraînera une nouvelle rechute au début des années 90. Iacocca avait préféré augmenter son empire industriel en rachetant le fabricant d’avions Gulfstream et Lamborghini (nous y reviendrons) plutôt que d’investir en recherche et développement.
Réchauffé
Résultat, quand vient le temps de remplacer les véhicules basés sur la plateforme M, c’est encore la K qui s’y colle. Utilisant une variante baptisée C, les Dodge Dynasty et Chrysler New Yorker sont lancées en 1988. Au Canada, la Dynasty est vendue sous le nom Chrysler. Ce sont des autos au style extrêmement conservateur, voire dépassé. Sous les capots, rien de nouveau non plus.
Pour le millésime 1990, Chrysler offre une version rallongée de la plateforme C, baptisée Y. L’empattement passe de 2,65 à 2,78 mètres, le tout au bénéfice des passagers arrière. Deux variantes sont proposées : la New Yorker Fifth Avenue et l’Imperial. Chrysler en profite aussi pour inaugurer un nouveau V6 maison de 3,3 litres pour remplacer le V6 3 litres Mitsubishi.
Il développe une puissance de 147 chevaux, un couple de 183 lb-pi et est accouplé d’office à une boîte automatique à 4 rapports à commande électronique.
Ce qui différencie l’Imperial de la New Yorker Fifth Avenue, c’est une calandre plus imposante avec un emblème en forme d'aigle et des porte-à-faux allongés, faisant passer la longueur de 5,04 à 5,15 mètres.
L’équipement de base est complet : climatisation automatique, commodités électriques (vitres, verrouillage, siège et antenne), freins à disque aux 4 roues avec ABS, autoradio Chrysler-Infinity à 8 haut-parleurs, coussin gonflable conducteur, correcteur d’assiette automatique à l’arrière.
Étonnamment, les équipements les plus distinctifs restent en option : tableau de bord digital, intérieur en cuir Mark Cross, suspension pneumatique aux 4 roues, système d’alarme. Plus étonnant encore, une New Yorker Fifth Avenue peut avoir accès à tous ces équipements, de série ou en option. Dès lors, on se demande à quoi sert l’Imperial dans la gamme.
Au Canada, l’acheteur peut retrouver les Dynasty, Dynasty LE, New Yorker Landau, New Yorker Fifth Avenue et Imperial chez un concessionnaire Chrysler, soit essentiellement 5 variantes du même véhicule, mais dont les prix s'étalent de 17 300 à 38 130 dollars.
L’accueil de la presse est… mitigé. L’équipement, le confort et le silence sont de bon niveau, mais le 3,3 litres apparaît un peu à la peine, surtout face à la concurrence qui offre des V8. Le Guide de l’Auto 1991 juge la tenue de route simplement abominable.
L’Imperial évoluera peu au cours de sa courte carrière. En 1991, le 3,3 litres est remplacé par une variante 3,8 litres. La puissance ne monte qu’à 150 chevaux, mais le couple passe à 204 lb-pi, ce qui reste tout juste suffisant. En 1993, les angles des faces avant et arrière seront légèrement arrondis.
Les ventes d’Imperial en Amérique du Nord n’auront jamais été importantes : 14 968 en 1990, 11 601 en 1991, 7643 en 1992 et 7064 en 1993.
L’image de l’auto était floue, la concurrence interne forte et la concurrence externe encore plus forte! Si, sur le papier, elle proposait quelques équipements intéressants, elle n’offrait en aucun cas le raffinement de ses rivales européennes. En 1994, les toutes nouvelles New Yorker sur base LH sonnaient le glas pour l’Imperial.
Lamborghini!
Il reste une dernière histoire amusante à raconter sur l’Imperial. Iacocca pensait utiliser Lamborghini comme un logo prestigieux à apposer sur des versions haut de gamme, un peu à la manière d’AMG pour Mercedes. Bob Lutz, alors vice-président chez Chrysler, explique que Iacocca avait demandé l’étude d’une Imperial Lamborghini Edition.
Ce qui fut fait, malgré l’évidente résistance interne des designers. Une Imperial fut modifiée en ce sens : peinture rouge vif (y compris sur la calandre), toit vinyle enlevé, suspensions rabaissées, intérieur retapissé de cuir beige, roues Lamborghini avec des pneus taille basse étaient au menu. Il y avait des logos Lamborghini partout, même sur les appuie-têtes. Mais, apparemment, rien au niveau moteur. Vous avez dit sacrilège? Heureusement, rien n’ira plus loin que l’étude de style interne.