Porsche 911 1985 et 2020 : est-ce que c'était vraiment mieux avant?

Publié le 28 octobre 2020 dans Essais par Julien Amado

On ne présente plus la Porsche 911, la voiture qui a forgé la légende du constructeur depuis sa présentation en 1963. Cinquante-sept ans plus tard, l’auto demeure au catalogue dans un grand nombre de versions et ne s’est jamais aussi bien vendue.

Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’histoire de la Porsche 911 est loin d’avoir été un long fleuve tranquille. Dix ans après sa présentation, la situation a beaucoup changé. Le choc pétrolier, l’incertitude qu’il fait peser sur les prix du carburant ainsi qu’un taux de change défavorable entre le dollar américain et le deutsche mark allemand font baisser les ventes.

Et dans les hautes sphères, la direction du constructeur, emmenée par Ernst Fuhrmann, mise davantage sur les Porsche à moteur avant, censées représenter l’avenir de la marque.

À terme, la 911 devait d’ailleurs quitter le catalogue, laissant la 928 seule au sommet de la gamme. À la fin des années 1970, le développement de la 911 est ralenti avec une disparition programmée en 1981. Avec son refroidissement par air et son moteur en porte à faux arrière, elle ne représentait plus l’avenir, en opposition aux 924 et 928, dotées de l’architecture Transaxle (moteur à l’avant et boîte à l’arrière) et du refroidissement liquide. Pourtant, un changement de direction va remettre en cause cette décision.

L’arrivée de Peter Schutz, nouveau directeur de la marque à partir de 1980, va tout bouleverser. En accord avec Ferry Porsche, il relance le développement de la 911, croyant fermement en son potentiel. Il faut dire que les ventes de la 911 se maintiennent et que Porsche écoule moins de 928 que prévu.

La 911 SC hérite alors de quelques modifications mécaniques pour rester dans le coup. Un modèle cabriolet fait son apparition et une nouvelle version de la voiture est mise en chantier.

L’arrivée de la Carrera 3.2

Après avoir failli disparaître, la 911 renaît au milieu des années 1980. Et l’auto qui incarne ce renouveau, c’est la Carrera 3.2, qui arrive pour l’année-modèle 1984.

Photo: Julien Amado

C’est sur le moteur qu’a porté le plus gros du travail. Cylindrée augmentée à 3,2 litres, lubrification améliorée, système d’allumage et d’injection revus, le flat-6 revendique désormais 231 chevaux dans sa version européenne. En Amérique du Nord, il faut se contenter de 207 chevaux à cause des normes antipollution. Cela vous semble un peu faible comme puissance? Pour vous remettre dans le contexte de l’époque, une Ferrari 288 GTO, au sommet de la production automobile en 1984, ne développe que 394 chevaux…

Vendue jusqu’en 1989, la Carrera 3.2 fait partie des 911 de type G, aussi appelées modèle G, la dernière à porter une appellation avec des lettres de l’alphabet. Avec ses pare-chocs à soufflets destinés à passer les normes de collision américaines, son moteur refroidi par air et sa ligne indémodable, elle possède toutes les caractéristiques chères aux puristes.

Notre modèle d’essai est une Carrera 3.2 de 1985, rouge indien, dotée de deux options très prisées au milieu des années 1980 : l’aileron arrière de la 911 turbo, ainsi que les fameuses jantes Fuchs de 16 pouces de diamètre.

La première chose qui étonne quand on se penche sur l’auto, c’est sa petite taille. Comparée aux standards actuels, elle semble minuscule! Cela dit, avec son « regard » unique et ses lignes magnifiquement proportionnées, le charme agit toujours.

Photo: Julien Amado

Habitacle accueillant et confortable

L’ouverture de la porte dévoile un habitacle minimaliste. En dépit de ses 35 ans, l’intérieur de notre modèle d’essai est superbe. La moquette épaisse, posée en bas des portes et sur le sol, rappelle les années 1980, tout comme les éléments en plastique noir qui ont au moins le mérite de bien traverser le temps.

Si l’on fait abstraction du système audio plus récent, l’auto que nous avons mise à l’essai est entièrement originale. Et mis à part des sièges partiellement électriques, l’air climatisé et les vitres électriques, l’équipement demeure limité.

Photo: Julien Amado

Les sièges, moins enveloppants que ceux d’une 911 moderne, sont un modèle de confort. On s’étonne tout de même de s’enfoncer autant dans le coussin de l’assise. Un tour de clé (côté gauche, évidemment) suffit à lancer le flat-6, dont le ralenti oscille un peu à froid avant de se stabiliser.

Les pédales articulées vers le bas offrent un ressenti différent des pédaliers actuels, dont la fixation de l’embrayage et du frein se fait par le haut. Alors que l’on pourrait s’attendre à un embrayage très dur à actionner, il n’y a pas besoin d’exercer un gros effort avec le pied gauche. Tout le contraire de la direction, franchement lourde à l’arrêt.

Elle s’allège heureusement dès que la vitesse augmente. Les premiers tours de roue se font en douceur, le temps de faire chauffer le moteur (un élément très important sur une Porsche refroidie par air). Bruyante, l’auto vous fait entendre tous les bruits environnants (roulement, vent et moteur), sans que cela soit désagréable.

La direction n’égale pas le tranchant des Porsche actuelles, mais fait malgré tout preuve d’une bonne précision. Le freinage, suffisamment efficace, ne possède évidemment pas le mordant des autos actuelles, mais se veut parfaitement dimensionné pour ralentir les 1 165 kg de la Carrera 3.2. Toutefois, il ne faut pas hésiter à appuyer fort sur la pédale pour obtenir un ralentissement digne de ce nom.

Photo: Julien Amado

Un bonheur à conduire

Objectivement, avec 207 chevaux et un 0 à 100 km/h réalisé en 6,1 secondes, les performances n’impressionnent plus en 2020. Cependant, les sensations que procure cette mécanique sont si plaisantes qu’on se régale à la faire monter en régime.

Doux et disponible en bas du compte-tours, le moteur donne le meilleur de lui-même entre 4 000 et 6 500 tr/min. La sonorité devient alors plus rauque et présente, sans être trop envahissante. Fort en couple, le moteur se caractérise par une montée en régime plus lente qu’une 911 récente. Mais ne vous y trompez pas, les chiffres qui défilent derrière l’aiguille du compteur de vitesse rappellent que la poussée est bien réelle!

Photo: Julien Amado

De son côté, la boîte de vitesses nécessite un mode d’emploi particulier. Avec cette transmission (de type 915 pour les connaisseurs), il faut décomposer chaque mouvement au moment de changer de rapport. C’est surtout vrai quand on rétrograde. Un changement trop brutal se soldera par des craquements désagréables. Pour ceux qui maîtrisent l’exercice, un double débrayage bien exécuté permet d’éviter le problème.

Et si l’envie vous prend de conduire la voiture plus rapidement, sachez qu’elle nécessite un mode d’emploi précis. Contrairement à la majorité des autos qui ont un moteur disposé à l'arrière, le bloc de la 911 est monté en porte-à-faux, derrière l’axe des roues arrière. Avec cette masse importante, le faible poids sur le train avant peut rendre la voiture sous-vireuse.

Pour résoudre ce problème, il faut entrer en courbe avec du frein pour aider l’inscription de la voiture. Par contre, il ne faut pas abuser du freinage en appui sous peine de voir le train arrière devenir baladeur et tenter de passer devant. La Carrera 3.2 étant dépourvue de toute aide à la conduite, il faut donc être attentif si l’on souhaite adopter une conduite plus enthousiaste.

Quand on fait le bilan de cet essai, on ne peut qu’être impressionné par la qualité du produit sorti par Porsche il y a 35 ans. D’autant plus que notre modèle d’essai tourne comme une horloge suisse et tient parfaitement la route après 260 000 km de bons et loyaux services. Voilà qui en dit long sur la durabilité des 911 fabriquées à cette époque.

Photo: Julien Amado

35 ans plus tard

À côté de la « petite » 3.2, la 911 2020 est beaucoup plus trapue et intimidante. Plus longue, plus large, chaussée de grosses roues de 20 pouces, elle semble plus athlétique, surtout avec le kit aérodynamique optionnel de notre modèle d’essai. Cela dit, la filiation avec les premières 911 reste visible.

À l’intérieur, la richesse de l’équipement et la finition impeccable tranchent également avec sa devancière. Sièges plus fermes et enveloppants, console centrale rehaussée surmontée du levier de vitesses, instrumentation à cinq cadrans entièrement numérique (à l’exception du compte-tours), grand écran multimédia, la 911 n’a pas oublié les bases, mais s’est modernisée au fil des années.

Photo: Julien Amado

Sous le capot arrière, cette Carrera S est elle aussi dotée d’un flat-6, mais il est maintenant turbocompressé et refroidi par eau. Toujours placé en porte-à-faux arrière, il a tout de même été avancé vers le centre de la voiture pour diminuer l’effet « sac à dos » typique de la 911.

Fort de 443 chevaux, il n’a que 300 kg de plus à déplacer que la Carrera 3.2. Les performances font donc logiquement un énorme bond en avant. Si l’on s’en tient aux chiffres, la Carrera S manuelle n’a besoin que de 4,2 secondes pour passer de 0 à 100 km/h. Et avec la boîte PDK et l’ensemble Sport Chrono, cette valeur tombe à 3,5 secondes!

Photo: Julien Amado

Performances de haut vol

Avec plus du double de la puissance de la 911 3.2, les performances sont incomparables. Souple et plaisant jusqu’à 3 000 tr/min, le moteur change de visage passé 5 000 tr/min se ruant littéralement vers la zone rouge! La boîte à sept rapports, rapide et précise, permet des changements de vitesse éclairs. Le tout dans une sonorité magnifique, surtout quand on libère l’échappement en sélectionnant les modes de conduite les plus sportifs.

Cela dit, la Carrera S 2020 n’est pas seulement capable de rouler en ligne droite. Notre modèle d’essai, doté des roues arrière directrices optionnelles, virevolte d’une courbe à l’autre avec une rapidité incroyable. La stabilité dans les grandes courbes impressionne, tout comme le freinage puissant, endurant et qui offre un excellent ressenti à la pédale.

Photo: Julien Amado

Cette efficacité se fait au prix d’un roulement plus ferme que la Carrera 3.2, mais qui demeure acceptable pour un usage quotidien. Finalement, mis à part quelques bruits de roulement et de vent à haute vitesse, ainsi qu'un manque de rangements dans l’habitacle, il n’y a pas grand-chose à reprocher à cette nouvelle mouture de la 911.

Certains esprits grincheux peuvent bien penser que la 911 d’aujourd’hui a perdu son âme avec les années. Il suffit d’en prendre le volant pour infirmer cette affirmation. Les deux autos proposent un superbe agrément de conduite, mais elles le font chacune à leur manière. La Carrera 3.2 s'illustre par sa conduite plaisante à laquelle s’ajoutent les bruits et les sensations mécaniques typiques d’une 911 ancienne. De son côté, la 911 2020 met en avant sa technologie de pointe, son efficacité et ses performances dignes d’une voiture de course.

Un grand merci à Daniel Robitaille pour le prêt de sa superbe Carrera 3.2, sa patience et sa disponibilité pendant la journée d’essai.

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