Les origines de la Nissan Z
Nissan vient de présenter la septième génération de la Z, un modèle qui fait un clin d’œil appuyé au passé.
Pourtant, au lancement de la première génération, personne ou presque n’y croyait… pas même les dirigeants de Nissan!
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Fairlady
La première tentative de Nissan de produire un roadster sport remonte à 1952, avec la DC-3. Cette copie à l'échelle réduite d'une MG ne sera fabriquée qu’à 50 exemplaires… dont seuls 30 seront vendus.
Pas découragé, Nissan retente l’aventure en 1959 en lançant la Sports 1000 avec une carrosserie en fibre de verre vaguement inspirée par la Chevrolet Corvette. À peine 20 exemplaires seront écoulés. Le modèle évolue considérablement en 1960 : moteur 1,2 litre, carrosserie en acier, dimensions agrandies et style modifié. L’auto prend le nom de Fairlady au Japon après que le président de Nissan, Katsuji Kawamata, ait assisté à Broadway en 1958 à une représentation de la célèbre comédie musicale My fair lady. À l’export, elle est connue comme étant la Datsun 1200.
Les choses deviennent plus sérieuses en 1963 avec l’apparition de la série SP310. Dotée de lignes très « britanniques », la nouvelle Fairlady héberge un moteur de 1,5 litre qui permet enfin quelques prétentions sportives. La cylindrée passe à 1,6 litre en 1965 (série SP311) puis un moteur de 2,0 litres (série SR311) est introduit en 1967, offert en parallèle du 1,6 L. Les modèles sont vendus à l’export sous les noms de Datsun 1500, 1600 et 2000. Arrêtée en 1970, la deuxième génération de Fairlady a connu un joli succès commercial (près de 50 000 exemplaires produits, dont 44 000 pour l’exportation), notamment aux États-Unis, où elle a réussi à se bâtir un petit palmarès en compétition. Mais ce n’est rien en comparaison à ce qui va suivre.
Première tentative
Fort des premiers succès de la Fairlady, Nissan entreprend en 1964 le développement d’une GT 2,0 litres sous le code A550X. Le projet est réalisé conjointement avec Yamaha Motor, qui n’est alors qu’un fabricant de motos et qui souhaite diversifier ses activités. Pour le design, Nissan fait appel comme consultant à Albrecht Goertz, un comte allemand connu pour avoir signé les lignes des BMW 503 et 507.
Cependant, Nissan s’inquiète des coûts et annule le projet au courant de 1965. Yamaha récupère ses plans et part voir Toyota pour créer la 2000 GT, un superbe coupé remarqué dans le film James Bond On ne vit que deux fois (mais sous la forme d’un cabriolet, version spéciale pour le film). Cependant, la 2000 GT est chère et sa diffusion reste limitée avec une production de 351 exemplaires entre 1967 et 1970. Nissan en prendra bonne note.
Mr K
À l’heure où les autos sont de plus en plus dessinées par comité, il est bon de se souvenir que cela n’a pas toujours été le cas. La 240Z est issue de la volonté et de la vision d’un homme : Yutaka Katayama, alias « Mr K ».
Katayama est un personnage atypique dans une société japonaise encore traditionaliste au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Né en 1909, il rentre chez Nissan en 1935. Au lieu de chercher le consensus, il aime faire bouger les choses, ce qui le mettra en porte-à-faux avec la direction de Nissan tout au long de sa carrière. Pour preuve, il fonde le premier club automobile japonais d’après-guerre en 1951, le Sports Car Club of Japan, et est l’organisateur du premier Salon de Tokyo en 1954.
En 1960, il est envoyé aux États-Unis pour développer le réseau de concessionnaires de la côte ouest. Nissan a commencé à exporter des véhicules en Amérique sous le nom de Datsun en 1958 dans le plus grand anonymat. Le changement était dû à la peur de l’échec de la part des dirigeants de la marque. Si l’aventure tournait mal, ils craignaient que cela ne rejaillisse sur Nissan. C’est dire le niveau de confiance…
Katayama s’intéresse à la culture américaine, cherche à comprendre les acheteurs et ses efforts payent. Les ventes de Nissan montent en flèche et il est nommé président de Nissan Motors Corps USA en 1965. Il demande des voitures plus grandes, plus puissantes et mieux finies à la direction de Tokyo, qui ne l’écoute que d’une oreille discrète. C’est lui qui se battra pour que la Datsun 510 de 1968 ait un 1,6 litre au lieu du 1,3 litre au Japon. Grâce à la 510, Nissan écoulera près de 60 000 autos en Amérique du Nord en 1969. Katayama trouve de plus en plus d’alliés à Tokyo. Et il lui en faudra pour réaliser son rêve : une voiture de sport au goût des Américains.
Un projet sans importance
Après la fin du projet A550X, Nissan continue d’évaluer, sans véritable enthousiasme, la possibilité de construire une voiture GT. En octobre 1965, le jeune designer Yoshihiko Matsuo est nommé responsable du style des voitures de sport. Matsuo démarre à partir du travail de Goertz et le fait grandement évoluer. Pourtant, le mythe se créera que c’est Goertz qui a signé les lignes de la 240Z. Ce dernier menacera même de poursuivre Nissan si la marque le déniait. Une lettre d’avocat de 1980 provenant de Nissan soulignera l'implication de Goertz mais maintiendra que le dessin a été réalisé en interne, ce que des clichés de l’époque semblent bien confirmer. Cette lettre mettra fin à la bataille légale.
Lors d’un voyage à Tokyo en 1967, Katayama découvre les travaux de Matsuo et comprend que les deux poursuivent un but commun. Il obtient aussi le support de l’ingénieur Hisashi Uemura, chef de la division de production « Section 3 », responsable des véhicules spéciaux. Il accepte de travailler à l’industrialisation du projet, les responsables des Sections 1 et 2, respectivement chargés des autos et des camions de série, ayant refusé de mettre des ressources sur ce qu’ils considéraient comme un programme mineur.
La voiture est officiellement approuvée pour la production en octobre 1967. Katayama demande qu’elle soit un coupé plutôt qu’un roadster, comme sur les premières études, et que le moteur soit un 6 cylindres plutôt qu’un 4 cylindres. Uemura exigera que la ligne de toit soit relevée afin de correspondre à des morphologies américaines.
Une sérieuse concurrente
Le coupé (série S30) est présenté au Japon le 24 octobre 1969 au Salon de Tokyo sous le nom de Nissan Fairlady Z (Z représentant simplement le nom de code interne du projet). De l’autre côté de l’océan Pacifique, les ventes commencent en Amérique le 22 octobre 1969 pour le millésime 1970. Là, il est renommé Datsun 240Z.
C’est Katayama qui fait changer la désignation, ce dernier craignant qu’il soit perçu comme pas très sérieux par les consommateurs américains. Il se raconte même que c’est Katayama lui-même qui aurait enlevé les logos « Fairlady Z » sur les premières autos livrées depuis le Japon. Mais ceci est une histoire à prendre avec un gros grain de sel…
Le 240 correspond à la cylindrée du moteur, dérivé du 1,6 litre de la 510 auquel les ingénieurs ont ajouté deux cylindres. Il génère 151 chevaux et est accouplé à une boîte manuelle à 4 rapports (l’automatique 3 rapports optionnelle n’apparaîtra qu’en 1971). La 240Z bénéficie de suspensions indépendantes aux quatre coins et d’un équipement de série complet, le tout à un prix de 3 526 $ US, ce qui fera dire à la presse que la Z est « une super affaire ». Pour comparaison, une MG B GT de seulement 92 chevaux est facturée 3 260 $ alors qu’une Porsche 911, de performances similaires, coûte 6 430 $.
Le simple fait que l’on puisse mettre en concurrence une auto japonaise à une Porsche ou à une MG aurait fait hurler tout le monde de rire cinq ans plus tôt. Mais Road & Track concluait son essai en avril 1970 par ces mots : « L’industrie japonaise n’emprunte plus rien aux autres nations. En fait, il faudra probablement lutter très fort pour empêcher un renversement complet de ce cliché ». Vous avez dit prophétique?
La folie Z!
Effectivement, la 240Z se vend au-delà des espérances de Nissan. En 1970, il s’en écoulera aux États-Unis 16 215 exemplaires, 33 684 en 1971, 52 628 en 1972 et 45 588 en 1973. Au Canada, c’est la même histoire : 1 201 immatriculations en 1970, 3 440 en 1971, 4 020 en 1972 et 2 537 en 1973. Au total, le Canada et les États-Unis absorberont près de 97% des ventes mondiales de 240Z (la Fairlady Z japonaise étant comptabilisée à part)!
C’est bien simple, durant les trois premières années, Nissan n’arrivera pas à fournir à la demande. Le pari de Mr K est largement gagné!
Au milieu des années 70, Nissan est le premier importateur japonais en Amérique, devant Toyota. La marque se distingue aussi en compétition (notamment avec Paul Newman). Et que fait la direction de Nissan pour récompenser Yutaka Katayama? Elle le rappelle à Tokyo en 1977 pour le mettre en retraite forcée! Pas rancunier, il continuera d’assurer la promotion de la compagnie.
Avant de disparaître en 2015 à l’âge de 105 ans, il sera intronisé à l’Automotive Hall of Fame en 1998 ainsi qu’à son équivalent japonais en 2008. Il donnera même son sceau d’approbation à la 350Z de 2003. On aurait bien aimé savoir ce qu’il aurait pensé de la nouvelle Z 2023!