COVID-19 et achat de voiture: la vente en ligne à la rescousse
Les concessionnaires automobiles, même s’ils sont généralement grands, demeurent des commerces fermés, où l’on rencontre des gens dans un cadre de proximité, et où, en temps de pandémie, il y a un risque de contamination. Pas surprenant, alors, que les concessionnaires aient été fermés lors de la crise sanitaire.
L’économie redémarre tranquillement, et ces derniers commencent à reprendre du service. Mais est-ce que la situation va revenir à la normale? Est-ce que les clients se présenteront par milliers dans les concessions automobiles du Québec comme avant? La question se pose, mais comme le dit si bien l’adage, la nécessité est la mère de l’innovation! Ainsi, une nouvelle option commence à prendre forme : la vente en ligne.
- À lire aussi: COVID-19: bonnes affaires en vue chez les concessionnaires
- À lire aussi: COVID-19 : des offres « comme on n’en a jamais vu à partir de maintenant » - Robert Poëti
La vente en ligne, à gros volume
Ceux qui connaissent le monde de l’automobile le savent, la vente en ligne existe déjà, même dans le neuf! C’est notamment le cas chez Tesla, qui vous permet de commander une voiture sans quitter votre salon. Genesis, la marque de luxe du groupe Hyundai, vous permet également d’acquérir une voiture en évitant le concessionnaire. Cela dit, ces deux compagnies sont marginales, si on les compare à des marques qui vendent beaucoup de voitures, comme Toyota, Ford, ou encore Mazda.
Est-ce qu’un constructeur généraliste, qui fait son profit en vendant des centaines de voitures avec une petite marge, peut se tourner vers cette option, histoire de permettre aux gens d’acheter une voiture comme on achète un tube de dentifrice sur Amazon?
C’est le pari qu’a tenté de relever Serge Beaudoin, président de Force Kia, un groupe qui a des concessions de la marque coréenne à Québec, Sainte-Foy, et Val-Bélair.
Alors que les portes de ses commerces étaient verrouillées par décret gouvernemental, une trentaine de ses employés travaillaient à mettre sur pied quelque chose de nouveau: une plate-forme de vente en ligne.
On pouvait ainsi se rendre sur le site web de Force Kia, et par le biais d’un portail, être mis virtuellement en contact avec un vendeur pouvant conseiller les clients en magasin. Le client désire essayer la voiture? La voiture est amenée chez lui pour qu’il puisse faire son essai, tout en respectant les mesures sanitaires prescrites. Le client veut donner sa voiture en échange? Pas de problème, il envoie des photos détaillées de sa voiture, et le concessionnaire virtuel lui fait une offre. Il veut acheter la voiture? Elle sera livrée chez lui, et il pourra même remplir le contrat, « sur une table et des chaises pliantes, s’il le faut », comme le dit M. Beaudoin.
Ne donnant pas de chiffres précis, Serge Beaudoin affirme que l’expérience a permis de vendre « beaucoup de voitures », et il compte continuer d’offrir ce service, même quand vie reprendra son cours normal.
Jean-Bernard Tremblay, président du groupe L’Ami Junior, qui comprend entre autres des concessions GM, Toyota, Nissan et Mazda, a lui aussi profité de la crise de la COVID-19 pour mettre en place un système de vente similaire. En se dirigeant vers son site web, un client sera mis en contact avec un vendeur « qui n’est pas payé à commission, mais bien à l’heure, pour aider le client », précise M. Tremblay.
L’Ami Junior a en outre instauré un système d’essai routier ingénieux. Un client peut réserver un essai routier en ligne, se diriger vers un stationnement du groupe, et à l’aide d’un coffret intelligent, récupérer une clé pour faire l’essai routier. Une fois terminé, il remet la clé, et voilà! S’il achète une voiture, elle sera livrée chez lui, et désinfectée sur place à l’aide d’un système à vapeur sèche.
« Le succès de l’exercice est incontestable, affirme M. Tremblay. Les gens attendaient une solution comme ça, et même une fois la crise passée, ce modèle d’achat en ligne, sans se déplacer, est là pour de bon. Ça devrait représenter, pour nous, entre 20% et 30% de nos ventes ».
Il s’agit, dans les deux cas, d’initiatives prises par des entrepreneurs. Elles n’ont pas été poussées par les constructeurs, même que, selon M. Tremblay, plusieurs compagnies automobiles l’ont interrogé sur sa manière de faire.
Du côté des constructeurs
Si les clients de MM. Beaudoin et Tremblay semblent avoir grandement apprécié leur expérience, ce ne sont pas tous les manufacturiers qui sont au même niveau quant à la vente de voitures en ligne.
Chez Kia, par exemple, la compagnie n’a pas encore statué quant à l’avenir de la vente en ligne. Selon Frédéric Tremblay, directeur des relations publiques et du marketing de détail – Région de l’Est, « Kia Canada explore toutes les options qui répondront aux besoins de nos clients et de nos concessionnaires. ». M Tremblay ajoute que « nous sommes heureux de voir que nos concessionnaires ont trouvé des moyens innovants afin de répondre à la demande et aux besoins des clients ».
Du côté de Subaru, la vente en ligne est bien implantée, aux dires de Sébastien Lajoie, spécialiste en relations publiques pour le constructeur au Québec. M. Lajoie précise que « les gens peuvent déjà obtenir une soumission en ligne sur le site quebecsubaru.ca ».
Les clients sont ensuite dirigés chez un concessionnaire qui sera en contact avec eux soit par FaceTime, Zoom ou autre. La demande de crédit peut aussi être faite en ligne. Selon M. Lajoie, « tout ce qui est prix et financement peut se faire sans que le client ait à se déplacer ». Toujours selon lui, ces options devraient demeurer après la crise.
Des obstacles légaux?
Si la vente en ligne de voitures semble être de plus en plus accessible, la Loi ne semble pas encore exactement l’autoriser. En effet, la Loi sur la protection du consommateur exige que la vente ou la location à long terme de véhicules routiers soit faite à l’établissement du commerçant, que ce soit pour un véhicule neuf ou un véhicule usagé.
Dans le cadre actuel, les pratiques énumérées précédemment sont « tolérées », afin de permettre aux entreprises de préserver un certain chiffre d’affaires en cette période difficile.
Charles Tanguay, responsable des partenariats stratégiques et des relations avec les médias pour l’Office de la protection du consommateur (OPC), rappelle que « les commerçants doivent être conscients qu’un consommateur qui, pour quelque raison, s’estimerait lésé à la suite d’une transaction qui n’a pas été conclue à l’établissement du commerçant pourrait évoquer ce fait dans le cadre d’un recours civil à l’encontre du marchand de véhicules en cause ».
Quant à l’avenir, M. Tanguay précise que « l’obligation de vendre à l’établissement est une disposition que les représentants des commerçants d’automobiles tenaient à maintenir, alors qu’ils étaient consultés lors des changements législatifs qui ont conduit au transfert de la responsabilité des permis de commerçant de véhicules routiers, de la Société d’assurance automobile (SAAQ) vers l’OPC, en 2015 ».
Si les concessionnaires automobiles souhaitent persévérer dans la vente en ligne, il semble bien qu’ils devront faire certaines pressions auprès du gouvernement pour modifier la Loi.
Quoi qu’il en soit, on voit le génie dont certaines entreprises automobiles du Québec ont fait preuve en temps de crise, et on ne peut que saluer l’initiative.