Les rappels, une question de $$$ et d'attitude

Publié le 8 avril 2014 dans Blogue par Alain Morin

Pas plus tard que le 1er avril dernier, Mary Barra, la nouvelle présidente de General Motors comparaissait devant le Congrès américain pour répondre des nombreux (et troublants) rappels qui affectent ses produits. Toyota, il n’y a pas si longtemps naviguait également dans les eaux troubles des rappels. Et d’autres manufacturiers aussi…

Avant les années 60, les manufacturiers n’étaient pas tenus de rappeler leurs véhicules, aussi dangereux eussent-ils été. Tout simplement parce que la notion de sécurité n’était pas la même qu’aujourd’hui. On se tuait en voiture, c’était triste mais c’était la réalité.

Merci Ralph!

Les années 60 marquent un tournant, cristallisé, entre autres, par le livre Unsafe at any speed écrit par l’avocat Ralph Nader. En 1970, la NHTSA (National Highway Trafic Safety Administration) est créée. Le mandat de cette superagence : établir des règles (et les faire appliquer!) pour que les manufacturiers construisent des véhicules pouvant résister ou mieux, éviter les accidents. La NHTSA avait aussi (et a toujours) le mandat de forcer les manufacturiers à rappeler et à réparer leurs véhicules défectueux, surtout quand la sécurité était mise à mal. Un bouton de radio qui décolore ne fera jamais l’objet d’un rappel, mais un moteur d’essuie-glace qui peut arrêter de fonctionner à tout moment ou une pédale de frein qui accroche et empêche le véhicule de stopper, c’est une autre paire de manches.

Malgré cet œil bienveillant qui tape sur la tête des manufacturiers depuis près de 50 ans, le nombre de rappels, et surtout le nombre d’unités rappelées, semble plus élevé que jamais. Et pas seulement dans le secteur de l’automobile. La nourriture, les meubles, les jouets, tout y passe. Pourquoi? Voici quelques raisons… qui peuvent sans doute s’appliquer à bien des domaines.

Mais pourquoi autant de rappels?

Avant les années 2000, les rappels étaient souvent peu diffusés. Le manufacturier fautif avisait les propriétaires par lettre, tout simplement. La venue d’internet a bouleversé cette tranquillité. Aujourd’hui, rien n’est plus facile que de connaitre la raison d’un rappel ainsi que la quantité d’unités touchées. Et avec les médias sociaux, les nouvelles, surtout les mauvaises, vont vite!

D’un autre côté, il est indéniable que les véhicules se complexifient de façon exponentielle, surtout au niveau de l’informatique qui gère maintenant à peu près toutes les fonctions. Un simple capteur de 99 sous qui fait mal son travail et rien ne va plus. Aussi, les voitures durent de plus en plus longtemps. Une pièce qui était parfaitement fonctionnelle pendant dix ans peut se mettre à aller de travers par la suite. Raison de plus pour émettre un rappel.

Mais la raison la plus importante du nombre inquiétant de rappels est, selon moi, la course aux couts de fabrication les plus bas possible. Développer et fabriquer une voiture demande des ressources financières ahurissantes. Pour pouvoir l’offrir aux consommateurs à un prix le plus bas possible, il faut couper quelque part…

Tout d’abord, les départements de recherche et de développement subissent d’incroyables pressions pour sortir un véhicule ou une pièce le plus rapidement possible d’où, sans aucun doute, un laisser-aller au niveau de la qualité. Ensuite, les manufacturiers font affaire avec d’innombrables fournisseurs de pièces ou de service. Lorsque Toyota était sur la sellette avec ses pédales de frein fautives, plusieurs autres manufacturiers ont assurément été vérifier les leurs… car ils faisaient également affaire avec le même fournisseur! Donc, un problème qui touche Toyota a toutes les chances d’affecter Ford, General Motors, Peugeot, Audi ou Brilliance. Ce qui veut dire qu’une seule pièce fautive peut toucher des millions d’unités à travers le monde. C’est encore plus marquant quand un véhicule est populaire. Un rappel de 35 Ferrari est aussi important que celui qui concerne 800 000 Ford F-150 construits durant la même période de temps… mais les médias en parlent moins!

Tout le monde est un peu fautif

On peut bien blâmer le fournisseur de la pièce en question, mais si le manufacturier a décidé de le payer 3,50 $ la pièce au lieu des 3,95 $ demandés, il en aura pour 3,50 $. Mais qu’est-ce que j’entends? Vous dites qu’un manufacturier qui sauve 45 sous pour une pièce est un méchant qui ne pense qu’à ses poches? Vous avez raison mais… comme il y a environ 30 000 pièces dans une voiture, seriez-vous prêt à payer 10 ou 15% de plus pour un véhicule, juste pour éviter des rappels? La question, j’en conviens, va beaucoup plus loin que les $$$. C’est davantage une question d’attitude.

D'après moi, les rappels sont là pour durer. C’est la façon dont un manufacturier se comportera face à ces épineux problèmes qui lui fera gagner le respect des consommateurs ou, au contraire, le perdre. Mary Barra l’a dit, General Motors est en train de passer d’une culture de couts à une culture de clients. Espérons que ce soit vrai et que les autres manufacturiers s’en inspirent.

Share on FacebookShare on TwitterShare by emailShare on Pinterest
Partager

ℹ️ En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies telle que décrite dans notre Politique de confidentialité. ×